Texte méditatif d’entrée
Il fait nuit… déjà…. encore
il fait nuit dehors…
il peut faire nuit dedans, aussi
quand notre cœur est partagé, meurtri…
tiraillé entre bonne volonté et dureté,
pris entre deux courants opposés,
entre le « tu devrais » et le « tu es libre »…
quand le cœur devient lourd
et lourde la solitude
quand elle n’est pas choisie…
quand la confiance chancelle
parce qu’elle nous est ravie…
Il fait nuit dedans et dehors aussi
quand l’avenir des uns se rétrécit
et qu’il est comme tiré au sort:
un dossier rouge, un dossier vert, un dossier dort…
Il fait nuit dehors
et dedans aussi
quand notre liberté est tributaire des modes,
des cadeaux obligés,
des prêts et des crédits…
Nuit de la terre, terre de la nuit…
Dans la nuit de la terre une rose a fleuri…
Un feu s’est allumé
Qui ne s’éteindra plus…
Folle espérance, fragile confiance,
C’est le temps de la marche…
Lecture biblique
Esaïe 11/1-9
Une repousse sortira de la vieille souche de Jessé,
de ses racines profondes surgira un rameau à fruit!
Le Souffle du Seigneur reposera sur ce rejeton:
un souffle de sagesse et de discernement,
souffle fort et vaillant,
souffle d’intimité et de frémissement pour le Seigneur…
et Il saura insuffler à son tour ce frémissement pour Dieu!
Il ne jugera pas à l’œil, ni à partir des rumeurs parvenant à ses oreilles!
Mais ceux qui vont s’appauvrissant, il les jugera avec justice… et les humbles de la terre, il les traitera avec droiture!
La terre sera ébranlée par sa parole, comme frappée par un bâton, et par le souffle de ses lèvres, il éloignera le criminel!
Ce souci de justice sera attaché à ses reins et cette fidélité collée à ses hanches, comme la ceinture l’est au corps…
En ce temps-là, … Le loup habitera avec l’agneau
le léopard se couchera à côté du chevreau ;
le veau et le lionceau et le bœuf à l’engraissement seront conduits par un tout jeune garçon ;
la vache et l’ourse auront la même pâture et leurs petits se coucheront côte à côte…
le lion mangera de la paille comme le bovin,,,
le nourrisson se divertira sur le trou du serpent, sur l’antre de la vipère, puis sevré, jouera avec eux!
Pas de mal, pas de destruction sur ma montagne sainte, car le pays sera rempli de l’intimité du Seigneur, comme la mer est recouverte d’eau!
Brève prédication
Cela fait cent fois, chers amis, que nous nous laissons saisir par la musique et nourrir par la parole… Cent fois… et pourtant nous avons tous des problèmes d’oreille… que nous soyons déjà appareillés ou non! Et quand on a des problèmes d’oreille et qu’on entend mal, on flotte, on peine à se diriger… Je vais y revenir tout à l’heure.
Or, nous n’avons pas qu’un problème acoustique: Il y a quelque temps, en préparant un baptême dans un village derrière Oron, on m’a dit: « On ne sait plus ce qu’il faut croire!… Vous ne croyez pas? ». J’ai souri….
Il est bon en effet de savoir en qui l’on veut mettre sa confiance et il faut aussi comprendre ce que nous croyons pour que cela nous mette en harmonie, nous corresponde, nous unifie…
Il y a depuis toujours quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce monde. Il y a, depuis toujours, quelque chose qui cloche dans les relations humaines.
Pourquoi des forts? pourquoi des faibles? pourquoi les forts profitent-ils des faibles?
Pourquoi des riches? Pourquoi des pauvres? pourquoi les riches s’en sortent-ils apparemment mieux que les pauvres?
Quelque chose se serait-il déréglé qui autrefois-jadis-une fois-au commencement, aurait tourné bien rond? vous savez le spleen du Jardin d’Eden…
Les uns disent: il faut revenir à la nature – bonne! – il faut que l’humain redevienne naturel… Mais la Nature n’est ni bonne ni juste… Elle est horriblement cruelle: le loup mange l’agneau et le lion le bœuf!
Les autres disent: il nous faut un Sauveur, un tout-puissant capable de ré-instaurer l’ordre détruit et d’imposer la justice! Mais il y en a eu combien de ces tentatives infructueuses au cours des millénaires et des siècles… Combien de César, de Napoléon, de chef tout-puissant?
Les textes prophétiques de la 1ère alliance – comme celui d’Esaïe relu tout à l’heure annonçant le Messie – en parlent tous comme de la venue d’un être exceptionnel, plein de sagesse, de discernement, de vaillance, de douceur, habité du Souffle, qui n’aura de cesse que le droit soit respecté, que la justice de Dieu soit reconnue ; la venue d’un être dont le jugement se rendrait… non pas à partir des mots que l’oreille entend (plaidoirie ou rumeur) mais simplement avec justice. Il y a de l’intuition dans cette utopie, dans cette aspiration, ou plutôt: il y a de l’inspiration dans cette attente d’un nouveau mode de vie différent de la nature où les forts mangent les faibles et de la nature humaine si avide de pouvoir…
Or, la réponse de Dieu à l’humanité désemparée, d’aujourd’hui comme de toujours, c’est un enfant, tout fragile et tout habité, qui devra fuir à l’étranger pour échapper à la mort programmée par le pouvoir.
Un enfant vous est né! a proclamé la cantate. On en bredouille d’émotion, comme à toute naissance: « gravez, ätzet, ce jour dans la pierre et le métal », fait chanter Bach – et vous comprenez pourquoi il fait démarrer les sopranos sur un sol, pas facile mais bien réussi, parce que graver le métal c’est dans les aigus ; est-il possible que Dieu soit présent en ce nouveau-né si démuni au point de ne jamais l’oublier?
Oui, c’est possible et certain, d’autant plus qu’il est appelé à devenir présent en chacun-e d’entre nous, afin que nous devenions filles et fils à notre tour, démunis mais divins, nés d’en-haut. Un enfant qui vient tout bouleverser… en nous, autour de nous… Que vais-je donc bien pouvoir lui offrir, poursuit la cantate? quel cadeau à la suite des mages?… rien! sinon notre cœur en forme de crèche afin de pouvoir prêter une oreille à ce qui ne fait pas de bruit… au cœur de la cacophonie de ce monde. Prêtez l’oreille, nous laisser ouvrir les oreilles… à l’image de cette histoire:
Un pasteur marche dans les rues d’une ville américaine en compagnie d’un ami indien. Il y a beaucoup de circulation. Soudain, l’Indien s’arrête.
- Qu’y a-t-il? demande l’homme d’Eglise
- N’entends-tu pas le grillon? dit l’Indien
- Un grillon, ici en ville, c’est peu probable… et s’il devait y en avoir un, tu ne pourrais pas l’entendre avec tout ce bruit.
L’Indien écoute encore et se dirige vers la porte d’une maison. Près de la porte, il y a une plante grimpante. Il écarte les feuilles et montre un grillon à son ami!
Le pasteur est émerveillé: c’est extraordinaire, vous, les Indiens, vous avez de bien meilleures oreilles que nous les Blancs. Son ami lui répond: Je ne crois pas. Vous entendez aussi bien que nous, mais vous écoutez d’autres sons. Regarde!
Il sort de sa poche une pièce d’argent et la laisse tomber sur le trottoir. Les passants s’arrêtent pour voir d’où vient ce bruit.
- Tu vois, ce bruit n’a pas été plus fort que celui du grillon, mais
tous l’ont entendu… Tout dépend de ce à quoi notre oreille est attentive! Nous avons un problème d’oreille, n’est-il pas vrai?
… une histoire de Noël pourrait-on dire…
Texte méditatif final
Noël, ce n’est pas la terre qui a rencontré le ciel
Mais bien le ciel qui a labouré la terre…
Le haut qui rejoint et visite le bas
Le profond qui soudain affleure et surgit au jour
L’Esprit qui anime la glaise…
Naissance de l’enfant, surcroît de lumière
Dieu parmi les hommes, abondance de lumière!
Mais aussitôt l’obscurité et la ténèbre revendiquent leur droit…et obligent l’exil:
Mise à mort d’innocents,
De tant d’innocents, à l’époque et au fil du temps…
L’obscurité n’aime pas la lumière
L’ombre abrite et cache l’injustice…
Ô terre partagée, ô cœur divisé,
Ô Jésus, nouveau-né déjà menacé
par le pouvoir institué,
Par l’Hérode qui prend peur
Et par tant de chefs à sa suite
Ô difficile retour…
Déjà l’ombre du gibet se profile,
Qui, pourtant, en abattant le juste
Met une croix sur l’adversaire
Et lui extirpe son venin
Pour que nous puissions, aujourd’hui,
Avancer libérés de la peur
Et que douceur et douleur s’épaulent et s’enlacent…
Bois de la crèche, bois de la croix,
Fuite en Egypte… chemin vers toi…