Texte méditatif I : Les Béatitudes

Bienheureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes.
Ils n’ont pas fini de s’amuser.

Bienheureux ceux qui savent distinguer une montagne d’une taupinière, il leur sera épargné bien des tracas.

Bienheureux ceux qui sont capables de se reposer et de dormir sans chercher d’excuses : ils deviendront sages.

Bienheureux ceux qui savent se taire et écouter : ils en apprendront des choses nouvelles.

Bienheureux ceux qui sont assez intelligents pour ne pas se prendre au sérieux : ils seront appréciés de leur entourage.

Heureux êtes-vous si vous savez regarder sérieusement les petites choses et paisiblement les choses sérieuses : vous irez loin dans la vie.

Heureux êtes-vous si vous savez admirer un sourire et oublier une grimace, votre route sera ensoleillée.

Heureux êtes-vous si vous êtes capables de toujours interpréter avec bienveillance les attitudes d’autrui même si les apparences sont contraires
vous passerez pour des naïfs, mais la charité est à ce prix.

Joseph Folliet

LECTURE BIBLIQUE : Matthieu 20, 1-16

Le Royaume des cieux ressemble à ceci : Un propriétaire sort, le matin, de bonne heure. Il veut embaucher des ouvriers pour sa vigne.

Il décide avec les ouvriers de leur donner une pièce d’argent pour la journée, et il les envoie à la vigne. À neuf heures du matin, il sort de nouveau. Il voit d’autres ouvriers qui sont là sur la place et qui ne font rien. Il leur dit : “Vous aussi, allez travailler dans ma vigne, et je vous donnerai un salaire juste. ” Les ouvriers vont à la vigne. Le propriétaire sort encore à midi et à trois heures de l’après-midi, et il fait la même chose. Enfin, vers cinq heures de l’après-midi, il sort. Il trouve d’autres ouvriers qui sont là sur la place et il leur demande : “Pourquoi est-ce que vous restez là, toute la journée, sans rien faire ? ” Ils lui répondent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Le propriétaire leur dit : “Vous aussi, allez travailler dans ma vigne.”

Quand le soir arrive, le propriétaire de la vigne dit à son serviteur : “Appelle les ouvriers et donne à chacun son salaire. Commence par ceux que j’ai embauchés en dernier et finis par ceux que j’ai embauchés en premier.” Ceux qui ont travaillé à partir de cinq heures de l’après-midi arrivent, et ils reçoivent chacun une pièce d’argent. Ceux qui ont travaillé les premiers arrivent à leur tour et ils pensent : “Nous allons recevoir davantage.” Mais eux aussi reçoivent chacun une pièce d’argent. En la recevant, ils critiquent le propriétaire Et ils disent : “Ces ouvriers sont arrivés en dernier. Ils ont travaillé pendant une heure seulement, et tu les as payés comme nous ! Pourtant nous avons supporté la fatigue toute la journée, et nous avons travaillé sous le soleil ! ”

Le propriétaire répond à l’un d’eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste avec toi. Tu étais bien d’accord avec moi pour recevoir une pièce d’argent pour la journée. Prends ton salaire et va-t’en. Je veux donner à cet ouvrier arrivé en dernier autant qu’à toi. J’ai le droit de faire ce que je veux avec mon argent, n’est-ce pas ? Est-ce que tes pensées sont mauvaises parce que je suis bon ? ”  » Et Jésus ajoute : « Ainsi, les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers. »

MEDITATION

Est-ce que vous êtes heureux ? Vraiment heureux ?

Aux Etats-Unis, un sondage a été lancé par une organisation chrétienne auprès d’un échantillon de personnes. Vous savez qu’on aime beaucoup s’appuyer sur des sondages et des données objectives, pas seulement aux Etats-Unis d’ailleurs. Deux questions leur avaient été posées : « Etes-vous heureux ? »  ET si la réponse était non, la question suivante « qu’est-ce qui vous manque pour être heureux ? »

Beaucoup de personnes interrogées ont répondu négativement à la première question et ont précisé, dans la réponse à la seconde question : « je serai heureux quand … j’aurai plus d’argent,  quand j’aurai fini de rembourser mes crédits, quand mes enfants seront plus grands, quand je pourrais m’offrir un appartement plus spacieux, quand je pourrai conduire une voiture plus puissante, quand ma santé sera meilleure, etc… ».

Et relisant le texte de la cantate d’aujourd’hui, on pourrait se dire : « La voilà, la réponse à toutes ces frustrations qui pourrissent la vie en envoyant systématiquement le bonheur aux calendes grecques : savoir se contenter de ce qu’on a et ne pas soumettre son bonheur à un changement de situation ».

« Ich esse mit Freuden mein weniges Brot. Je manque avec joie mon petit morceau de pain. Et je n’envie pas celui de mon voisin. (…) Un cœur reconnaissant, qui loue et glorifie, augmente les bénédictions et adoucit les peines ».

Elle est là, la recette du bonheur ! Et quand on y réfléchit, on se dit « Bien sûr ! C’est tout Jean-Sébastien Bach, ça ! »

Le génial Bach qui enseignait le latin à Lepzig parce que le Conseil de Ville lui a fait un cahier des charges incluant l’enseignement du latin ! Combien de fois a-t-il dû se dire «  je mange avec joie mon petit morceau de pain » ?

Le génial Bach qui devait faire répéter le petit chœur pour la cantate du dimanche, des gamins turbulents pas nécessairement passionné par la musique et pour certains d’entre eux, pas doués du tout !  « Je mange mon petit morceau de pain ».

Le génial Bach qui a passé sa vie entière dans une petite région d’Allemagne, alors que son collègue Haendel par exemple, faisait le tour des cours européennes! « Je mange mon petit morceau de pain ».

Il a dû se la répéter souvent, cette petite phrase ! « Je mange mon petit morceau de pain »

Mais n’est-ce pas là d’ailleurs – au-delà d’une position de Jean-Sébastien Bach –  une position éminemment protestante ? Se contenter de ce qu’on a !

Dessiner ses rêves autour de son quotidien ! 
Ne pas se lamenter sur ce qui manque mais ce réjouir de ce qui est !
Et supporter !
Et ne pas faire de vagues
Et ne pas faire d’histoires
Et ne pas faire la révolution
Appeler sa maison  « Villa ça m’suffit »

C’est peut-être protestant, mais ça ne fait pas envie !

Et dans ces cas-là, on se découvre parfois une admiration sans borne pour nos amis juifs qui entretiennent avec la vie et Dieu un rapport autrement plus exigeant ! Un rapport où l’homme se tient debout, pas à genoux, et n’hésite pas à protester quand la situation est intenable !

C’est la veille de Yom Kippour.

En ce jour solennel, un vieux Juif élève son regard vers les cieux et soupire :

–      Seigneur tends l’oreille : moi, Yankel, le tailleur, j’élève ma prière vers toi. Dans notre village, le boucher Mendel est un homme honorable qui ne vole personne et fait toujours bonne figure aux nécessiteux. Mais voilà … Mendel est si pauvre que parfois, sa femme et lui n’ont même pas de viande à manger.

Ou alors regarde Chloïmé, notre cordonnier. Un exemple de bon cœur et de piété. Sa mère est en train de mourir en souffrant horriblement.

Et Avrom, notre instituteur, tellement dévoué pour les petits, tellement aimé de tous, il n’a même pas un costume honorable et il vient d’attraper une maladie qui peut le rendre aveugle.

Nous sommes la veille de Yom Kippour

La veille du grand pardon.

Je te le demande ouvertement : est-ce que tout cela est juste ? Moi, je vais te le dire : ce n’est pas juste. Pas juste du tout.

Cependant demain, c’est Yom Kippour, le grand jour solennel du PARDON. Si tu nous pardonnes, Dieu, nous te pardonnerons aussi.

L’Evangile du jour

En fait, je crois que lorsque nous relisons ce texte de Jean-Sébastien Bach en en faisant le crédo de celui qui n’a aucun rêve, aucune ambition, aucun projet fou, on oublie le texte biblique à partir duquel le compositeur a créé sa cantate.

L’Evangile du jour, c’était la parabole dite des « ouvriers de la 11e heure ». Et dans ce récit, on n’est pas du tout en face d’un maître qui dirait : « Tu dois dire merci quand on te donne quelque chose, ne pas demander davantage et te contenter de ce que tu as ». On est en face d’un maître qui dit :« Habituellement un maître se contente de ce qui est juste. Moi pas. »

Ce qui est habituellement juste, c’est que celui qui travaille plus gagne plus.

Ce qui est habituellement juste, c’est que celui qui est mieux formé gagne davantage ; ce qui est habituellement juste, ’est que celui qui a plus d’expérience gagne mieux sa vie

Et moi je vous dis – dit le maître de la parabole … et donc Jésus – que ce qui est juste, c’est qu’à la fin de la journée, chacun reçoive ce dont il a besoin pour vivre !Attention, je ne suis pas en train  de faire de Jésus le premier apôtre du « revenu universel généralisé » Mais tout ce même nous devons bien admettre que notre société capitaliste dans laquelle le marché donne une valeur au travail, le travail valorisé (c’est-à-dire l’emploi) donne un statut à l’individu et le statut devient source droits… c’est UNE manière de voir les choses. Et UNE manière seulement.

Et comme il le fait souvent ailleurs, l’Evangile interroge  sur NOTRE manière de voir. Ce qui ne veut pas dire que notre manière est toujours mauvaise, qu’elle doit toujours changer, cela signifie simplement qu’elle doit toujours être interrogée. C’est le fameux « semper reformanda ». Les choses bougent, la vie bouge, et nos manières de faire doivent sans cesse être interrogées à nouveau.

Et du coup, pour reprendre le texte de la cantate « Je me contente de mon petit morceau de pain » ne veut pas dire : « je borne mes désirs , je renonce à l’ambition, je me soumets », je supporte » au sens vaudois du terme, mais « je supporte » au sens étymologique du terme. Je deviens supporter.

Et en l’occurrence supporter d’un propriétaire qui n’est pas juste mais seulement juste, juste comme une calculette ou comme un fichier Excel, mais qui pose l’humain, les besoins de l’humain, avant les règles de l’économie.

Supporter d’une multiplication fausse pour une relation juste.

Amen

Texte méditatif II

Donnant, donnant.

Nous aimons, mais seulement ceux qui nous paraissent aimables 

Nous aidons mais seulement ceux qui nous semblent dignes d’intérêt ;

Nous parlons d’une manière sympathique, mais seulement des gens qui nous paraissent « bien » 

Nous donnons, mais seulement à ceux qui commencent par nous donner, eux, une belle impression.

Nous avons des balances précises, sages et justes.

Nous donnons aux autres leur compte exact, jamais davantage qu’ils ne méritent.

Et c’est pour cela que le monde n’avance pas.

Parce que, dans le monde, il faudrait

Des gens qui aiment les non-aimables,

Des gens qui aident ceux qui ne le méritent pas,

Des gens qui donnent à ceux qui ne donnent  rien, même pas une bonne impression.

La seule chance des non-aimables, c’est, une fois d’être aimés.

Pour dépanner le monde, il faudrait tricher

avec ce qui est juste, mais seulement juste.

Il faudrait, comme Dieu, donner à ceux qui ne méritent rien. 

« Dieu a tellement aimé le monde… ». dit l’Evangile. Mais pour tellement aimer le monde, il a un peu faussé les balances, non ?

Eh oui ! Parce que pour remettre le monde droit, il faut des balances qui penchent ; qui penchent du côté de l’amour.

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