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Bienvenue à chacune et à chacun dans cette église de Saint-Laurent.

Et une bienvenue toute particulière,
à vous les musiciens : instrumentistes et chanteurs, qui nous offrez ce temps de méditation, une méditation portée ce soir par la cantate
BWV 105 de J.-S. Bach  » Herr, gehe nicht ins Gericht mit deinem Knecht  »  » Seigneur, n’entre pas en jugement avec ton serviteur « 

Cette cantate a été composée pour le 9e dimanche après la Trinité qui se trouvait être cette année là le 25 juillet 1723. Bach a alors 38 ans et il vient d’arriver à Leipzig. Avec sa famille il s’y est installé le 22 mai de cette même année.
Lorsqu’il compose cette cantate, Bach a pris la mesure de la réalité du poste qu’il occupe à Leipzig. Il a réduit à la baisse ses ambitions d’offrir des œuvres conséquentes propres à impressionner l’auditoire des fidèles. Depuis le début de juillet il s’attache à écrire des cantates de proportions plus modestes, plus intimes et touchant les questions essentielles et existentielles qui se dégagent des textes du jour.
C’est ainsi que Bach va composer entre le 18 juillet 1723 et la fin du mois d’août de cette même année quelques cantates qui sont sans conteste parmi les joyaux de sa production.
Le librettiste a placé la cantate BWV 105 sous le signe de l’Evangile du jour : la Parabole de l’intendant infidèle en écho à la mise en garde contre l’infatuation de soi-même des premiers versets du chapitre 10 de la 1e lettre aux Corinthiens. De là une méditation sur les fautes que commettent tous les pécheurs et dont certains veulent se faire pardonner par un repentir sincère devant Dieu. Le texte de la cantate veut rassurer le chrétien fidèle, il sait que le Christ est venu remettre les péchés des hommes.
Le fidèle peut ainsi retrouver sa tranquillité dans l’assurance de la vie de l’au-delà, celle des « demeures éternelles »: La fidélité et la confiance dans la Christ lui apprennent à se détacher des vaines satisfactions terrestres. Il a la vie éternelle.
J.-S. Bach : Adagio en ré mineur BWV 1001 (transcription Denis Fedorov)

Texte méditatif

Seigneur, n’entre pas en jugement avec ton serviteur
Mon Dieu, ne me repousse pas,
écoute ma prière.
C’est vrai, j’ai trébuché Seigneur.
Encore une fois je suis tombé.
Et j’ai honte de moi, je n’ose plus lever les yeux vers Toi.

J’ai pourtant lutté car je Te savais tout près de moi,
à mes côtés, attentif et aimant.
Mais la tentation, c’est comme un aimant,
alors j’ai détourné la tête et je me suis écarté de Toi…

Vois-tu Seigneur, je ne sais pas résister dans la tempête,
quand le désir est là,
quand tous les sens sont en émoi,
quand la tentation se fait persuasive, sensible, sensuelle…

Alors je ne sais plus que faire,
je ne sais plus où aller,
je ne sais plus où me cacher.

La tentation me guette, elle me suit, elle m’envahit…
Je déserte une pièce, elle est assise et m’attend dans celle où je pénètre…
Je saisis le journal, elle est là, cachée sous les mots d’un article anodin…
Je m’assieds devant mon bureau, elle somnole sur mes dossiers, sur mon écran, sous le clavier et je la réveille dès que je commence à travailler.
Désespéré, ma pauvre tête entre les mains, je ferme les yeux, je ne veux plus rien…

Je ne sais plus où j’en suis, Seigneur
Je ne sais plus si je veux ce péché qui me fait signe, je ne sais plus si je le fuis, ou… si je cours après.
Le vertige me saisit et le vide m’attire comme il attire l’alpiniste imprudent qui ne peut plus ni avancer ni reculer.

Le péché que j’ai voulu et que je ne veux plus,
ce péché que j’ai imaginé, recherché, contourné, caressé,
ce péché que j’ai enfin atteint en T’écartant, Seigneur, froidement,
ce péché… il me possède maintenant, comme la toile d’araignée tient captif le moucheron.
Je ne puis m’en débarrasser.
Et j’ai honte de paraître devant Toi, Seigneur,
car tu m’aimais et je t’ai oublié.
Je t’ai oublié parce que j’ai pensé à moi.
On ne peut penser à plusieurs à la fois.
Il faut choisir et j’ai choisi.

Seigneur, ne me regarde pas comme ça
car je suis nu
je suis sale,
je suis à terre
déchiré…
Je ne puis que rester là, courbé, devant toi.

Mais je t’entends qui me dit :
« Allons relève la tête !
N’est-ce pas ton orgueil surtout qui est blessé ?
Si tu m’aimais, tu aurais de la peine mais tu aurais confiance.
Crois-tu que l’amour de Dieu a des limites ?
Crois-tu qu’un seul instant j’ai cessé de t’aimer ?
Mais tu comptes encore sur toi mon enfant…
Tu ne dois compter que sur Moi.

Tu me demandes pardon ?
Relève-toi vivement,
Car vois-tu ce n’est pas de tomber qui est le plus grave.
C’est de rester à terre. »

Lectures bibliques

2 lectures pour nous accompagner dans cette cantate écrite pour le 9e dimanche après la Trinité. Tout d’abord dans la 1e lettre aux Corinthiens, au chapitre 10, une partie des versets 6 à 13 :

1 Corinthiens 10, 6-13
6    … n’ayons pas de convoitise…
7    N’adorons pas les faux dieux…
8    Ne menons pas une vie immorale…
9    Ne mettons pas le Christ à l’épreuve…
10    Enfin, ne nous plaignions pas…
12    Que celui qui se croit solide fasse attention à ne pas tomber.
13    Aucune épreuve ne vous est survenue qui n’était à la mesure humaine. Dieu qui est fidèle ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces. Quand vous serez tentés, Dieu vous donnera l’issue et la force de la supporter.

Et comme seconde lecture la parabole de l’intendant infidèle dans l’Evangile de Luc, au chapitre 16, les versets 1 à 9 :

Luc 16, 1-9
1    Jésus dit à ses disciples : « Un homme riche avait un intendant et l’on vint lui rapporter que cet intendant gaspillait ses biens.
2    Le maître l’appela et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Présente-moi les comptes de ta gestion, car tu ne pourras plus être mon intendant.”
3    L’intendant se dit en lui-même : “Mon maître va me retirer ma charge. Que faire ? Je ne suis pas assez fort pour travailler la terre et j’aurais honte de mendier.
4    Ah ! je sais ce que je vais faire ! Et quand j’aurai perdu ma place, des gens me recevront chez eux ! ”
5    Il fit alors venir un à un tous ceux qui devaient quelque chose à son maître. Il dit au premier : “Combien dois-tu à mon maître ? ” –
6    “Cent tonneaux d’huile d’olive”, lui répondit-il. L’intendant lui dit : “Voici ton compte ; vite, assieds-toi et note cinquante.”
7    Puis il dit à un autre : “Et toi, combien dois-tu ? ” – “Cent sacs de blé”, répondit-il. Le gérant lui dit : “Voici ton compte ; note quatre-vingts.”
8    Eh bien, le maître loua l’intendant malhonnête d’avoir agi si habilement. En effet, les gens de ce monde sont bien plus habiles dans leurs rapports les uns avec les autres que ceux qui appartiennent à la lumière. »
9    Jésus ajouta : « Et moi je vous dis : faites-vous des amis avec les richesses trompeuses de ce monde, afin qu’au moment où elles n’existeront plus pour vous, on vous reçoive dans les demeures éternelles.

Temps de parole

« Seigneur, n’entre pas en jugement avec ton serviteur… mon Dieu ne me repousse pas… Je te présente une libre confession et ne me risque pas à nier ou dissimuler les fautes de mon âme ».

Le chœur puis l’alto l’ont exposé : nul vivant ne peut être trouvé juste devant Dieu. Après l’hébétude qui marque le début du chœur d’entrée, puis l’expression sobre, claire et précise de la situation, l’air de soprano est venu marquer le sentiment d’effarement du pécheur en plein désarroi. Entre pleurs et angoisse, les mots « accusent » (verklagen) et « osent » (wagen) accentuent encore le sentiment d’avoir perdu repères et chemin.

Le librettiste anonyme a puisé dans la 1e lettre aux Corinthiens sans les dénombrer, les « fautes de l’âme » qui étreignent le croyant.
Suis-je assez reconnaissant de tout ce que j’ai maintenant, ne suis pas plutôt trop souvent en train de loucher vers ce que je ne peux avoir. La convoitise, car c’est elle, m’empêche de recevoir comme une grâce ce qui m’a été donné. 

Et mes passions, et mes amours, même Jésus-Christ : je peux croire que je l’adore, lui consentir de grands sacrifices et au fond… adorer une idole.

Mes désirs, mes motivations profondes,… à jouer avec le feu on se brûle, moralité, immoralité, la ligne suivie peut faire trébucher et tomber.
Même nos prières sont parfois des « tentations de Dieu ». On appelle au Dieu des miracles, le Dieu de la toute puissance, le Dieu sorcier…
Ces fautes d’ailleurs se recoupent partiellement, et personne n’est à l’abri, loin de là,… nul vivant ne peut être trouvé juste devant Dieu. Car au final il est impossible d’y échapper.

Mais alors nous sommes perdus… l’air de soprano l’a exposé : notre conscience angoissée se déchire dans ses propres tourments.
Heureusement, la cantate ne s’arrête pas là. Le librettiste a bien lu la 1e lettre aux Corinthiens et l’air de basse fait basculer le climat dans une sérénité qui met enfin un terme aux tourments qu’il a fallu traverser.
Certes il y a fautes, mais les fautes ne sont un péché en soi, que parce qu’elles mettent en danger notre foi. Ce n’est pas le bien ou le mal qui comptent, c’est chacun d’entre nous.
L’air de basse l’affirme d’entrée : Bienheureux celui qui connait son garant, celui qui remet tous les péchés. Ce qui est écrit contre nous, Jésus sur la croix l’efface de son sang. De tes bonnes actions, de ton corps et de ta vie. Il rendra compte lui-même au Père…

Et c’est là peut-être que l’image de l’intendant infidèle vient éclairer encore cette affirmation :
Voilà un homme qui n’est pas exempt de reproches et de taches. La charge est grave, on dit qu’il gaspille ce qui ne lui appartient pas, qu’il a trahi la confiance qui était placée en lui. Et la sanction est sans appel : il doit rendre des comptes et sera renvoyé comme un malpropre.
Rappelons-nous, le passage de la 1e lettre au Corinthiens s’était achevé sur cette promesse qu’à chaque épreuve, Dieu donne une issue et nous permet toujours d’apercevoir une fenêtre par où passera la lumière.

Et c’est bien ce que montre l’intendant dans l’adversité. Face au mur qui se dresse devant lui, il cherche une brèche par où se faufiler, un nouveau chemin où placer ses pas. Il a reçu un coup, mais ne s’avoue pas battu. Il fait face et affronte la tempête qui le secoue. Il sait puiser dans ses ressources intérieures. Et il trouve cette solution alors, qui débouche à notre plus grand étonnement sur la reconnaissance du maître : il va trouver chaque débiteur… pour lui remettre une part conséquente de la dette due : « tu devais 100 tonneaux d’huile d’olive, voici ta nouvelle dette ; vite, note cinquante ». Et à un autre qui doit cent sacs de blé, « vite, note huitante ».

Avant d’être mis à la porte, l’intendant a été s’assurer de la reconnaissance des débiteurs du domaine. Pour s’en faire des amis, il leur a fait une remise. Mais et c’est là une des subtilités de cette parabole, en faisant cette remise il n’a pas volé son maître, il a simplement renoncé à son salaire. Car il était d’usage en effet en Palestine à cette époque que lorsqu’un propriétaire confiait ses biens à un gérant, il ne le payait pas. C’était au gérant de se payer lui-même en prélevant sur les prêts de confortables commissions.
L’intendant a perdu la part qui lui revenait, mais il a gagné bien plus : l’amitié de beaucoup et la considération de son maître. 

Alors l’air de ténor peut faire écho au récitatif de la basse pour paraphrase le dernier verset de la parabole : « qu’il me suffise de faire de Jésus mon ami et Mammon ne vaudra plus rien pour moi. » Car c’est Jésus lui-même qui le dit : « faites-vous des amis avec les richesses trompeuses de ce monde afin qu’au moment où elles n’existeront plus pour vous », « quand sonnera l’heure de ta mort, ton Sauveur t’ouvrira les demeures éternelles ».
Avec Jean-Sébastien Bach je peux maintenant chanter la paix retrouvée : Dieu est fidèle, nul sur cette terre ne sera perdu, mais au contraire vivra éternellement s’il est rempli de foi.

Amen

Texte méditatif

Etre là devant Toi, Seigneur, et c’est tout.    
Clore les yeux de mon corps,
clore les yeux de mon âme,
et rester immobile, silencieux.

Ton Amour m’a conquis,
ton Amour m’a saisi,
mes doutes ont été balayés,
mes craintes se sont envolées.
Je t’ai reconnu sans te voir
je t’ai senti sans te toucher
je t’ai compris sans t’entendre
marqué au feu de ton amour,
simplement présent à toi, l’Infini présent.

J’accepte de ne rien sentir, Seigneur,
de ne rien voir, de ne rien entendre,
vide de toute idée, de toute image.
Dans la nuit
me voici simplement
pour te rencontrer sans obstacle
dans le silence de la Foi
devant toi, Seigneur.

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