Texte méditatif d’entrée

Quand les eaux montent…

quand les vagues de l’épreuve déferlent

comme interminablement,

se souvenir qu’il y a un temps pour tout et aussi pour cela…

quand les entrailles remontent jusqu’aux lèvres,

quand le cœur n’en peut plus et se liquéfie,

quand la voix même, après les pas, chancelle,

quand la louange peine à s’élever,

laisser les cieux louer Dieu

et oser le silence… et Dieu le partage…

quand nos petites constructions physiques et métaphysiques

s’effritent – et qu’il est peut-être bon qu’elles montrent leur vanité,

quand les montagnes s’écrouleraient

et que le cri ne suffit plus,

oser rendre les armes et se taire…

attendre… attendre Dieu,

résister à la tentation de la fuite,

ne pas oublier que tout vient et que tout conduit à Dieu,

le Dieu du cri puis du silence de Golgotha,

le Dieu lumineux et surprenant du matin de Pâques

qui ne se laisse voir que du dedans,

insaisissable et incontournable,

perçant nos murailles,

roulant la pierre de notre tombeau…

Texte biblique :       fragments du psaume 19 

Les cieux racontent la gloire de Dieu

et la voûte céleste témoigne de l’œuvre de ses mains !

le jour au jour en proclame le dire,

la nuit à la nuit en transmet la connaissance intime…

il ne s’agit pas d’un récit parlé, il ne s’agit pas de mots…

leur voix n’est pas entendue par les oreilles

mais leur harmonie se répand sur toute la terre

et leur écho parvient jusqu’aux extrémités du monde habité…

l’enseignement, le chemin de Dieu, est intègre

car il rend la vie, la restaure ;

le témoignage du Seigneur est cohérent : il assagit le niais !

ses ordonnances sont droites et réjouissent le cœur,

son commandement est limpide, il rend clairvoyant ;

le frémissement du Seigneur est chose claire, il subsiste toujours,

ses décisions sont vérité, toutes ensemble, elles sont justes ;

oui, elle sont plus enviables que l’or le plus fin,

plus savoureuses que le miel le plus frais !

Moi aussi, ton serviteur, j’en suis éclairé, je deviens alors avisé

et je trouve grand profit à les vivre !

tiens-moi à distance de l’orgueil afin que ce ne soit pas  lui qui me gouverne…

alors je vivrai comme libéré de cette carence,

et les mots de ma bouche et le murmure de mon cœur

seront perçus par toi, Seigneur, mon roc, mon défenseur…

Temps de parole :

Ce qu’il y a de fort, d’impressionnant, dans ce psaume 19 – comme dans tant d’autres textes bibliques – c’est qu’il résonne très différemment selon ce que nous vivons dans notre quotidien :

Sommes-nous dans un moment heureux ?… il nous invite à rejoindre la louange du ciel et de la terre dans ce qu’elle a de grand, de majestueux, de coloré… et nous louons alors dans ce grand concert de louanges… Connaissons-nous l’épreuve et la douleur, la morsure de la déchirure, il nous invite au silence et à laisser les cieux louer à notre place… Quand nous n’avons plus de mot, quand nos entrailles se serrent et que notre cri ne suffit plus, le psaume nous dit : vous ne pouvez plus louer maintenant… Laissez donc les cieux exprimer à votre place et demeurez silencieux !…

Nous sommes ainsi amenés à prendre non seulement conscience, mais à prendre notre place dans cette communauté cosmique de la création tout entière, que nous chantions ou que nous nous taisions… Car cette louange n’est pas faite de mots – le psaume l’a dit : elle ne s’entend pas par les oreilles ! – c’est une harmonie qui se répand et dont l’écho parvient jusqu’aux extrémités de la terre habitée… Et cette harmonie n’est pas seulement le fait de la musique et des voix, la suite du psaume l’exprime clairement : elle rend la vie et la restaure, elle est harmonie entre les êtres et la création, elle est à l’image de la volonté de Dieu, intègre et cohérente, faite d’équilibre social, de justice et donc de paix !…

C’est pourquoi, comme l’a chanté la cantate tout à l’heure, Dieu n’en finit pas de nous appeler par ces messagers : debout ! venez partager mon agape, mein Liebensmahl ! et ce repas d’amour est fait de vie renouvelée, restaurée, et nous rend sage et avisé…

Et alors des relais se prennent et Dieu nous porte… Nous avons tellement besoin – en certains moments difficiles de notre vie – de nous sentir portés… Nous sentir portés par Dieu et par les autres ; c’est ce qui nous permet de porter à notre tour dans d’autres moments. Etre aimé et aimer, être portés et porter… comment te portes-tu ? disons-nous souvent… Entrer dans ce grand mouvement, c’est nous mettre dans la condition de donner du sens, de chercher le sens…

Il y a deux ans de cela, trois semaines à peine avant son décès, le prof. Carl Keller, qui était devenu un grand ami pour moi, m’écrivait : « ma bénédiction vous accompagne sur votre chemin, particulièrement durant cette semaine sainte où vous avez à prêcher l’épreuve et son DEPASSEMENT ». Parvenir à donner sens à ce que nous vivons à la suite du Christ, c’est envisager le nécessaire dépassement de l’épreuve, sa finalité : vivre de Dieu, vivre Dieu !

Et la cantate va encore plus loin, va préciser ce « vivre Dieu », vous allez l’entendre : « Vous, mes témoins, vous êtes le ciel sur la terre ! Car Dieu nous nourrit de sa manne qui est faite de fidélité fraternelle ! Témoignez de votre amour ! Jésus a donné sa vie pour ses frères et eux les uns pour les autres… » M’est revenue alors à la mémoire une très modeste anecdote : c’était à Cointrin, nous allions embarquer pour un de ces voyages au Liban et en Syrie, il y a 4 ou 5 ans. L’une des participantes, la doyenne du groupe, qui allait fêter ses 80 ans, portait un lourd manteau d’hiver… et nous allions au Proche-Orient, au printemps, vers le chaud… Alors que nous allions prendre un café, elle se défait de son manteau et le dépose sur une balustrade avant de nous rejoindre. « Elisabeth, lui dis-je, ne laissez pas votre manteau là, il va disparaître ! »… Non, non, c’est exprès ! répliqua-t-elle ; il y a des gens qui viennent du sud et qui ne connaissent pas notre climat, et il n’ont pas grand chose ; ils seront tout contents de le trouver ! Et quelques minutes après, avec un grand sourire, elle vient me dire : voilà, c’est fait ! c’est une Africaine qui l’a pris, moi j’en retrouverai un autre à l’automne…

Fidélité fraternelle, fraternité fidèle, vécue ! pas de grandes manifestations, un petit signe…

Et la cantate de conclure : « la terre – nous ! – porte ses fruits et s’améliore… Ta parole a germé telle une bonne semence et la louange du Créateur peut s’élever… Que la plupart des humains – ceux qui le peuvent donc – disent du plus profond de leur cœur : Amen ! c’est-à-dire, c’est vrai, c’est du solide, la fidélité fraternelle !

Texte final

En nous tant de désirs…

Nous aimerions tant faire de grandes choses nous aussi,

décisives, marquantes, déterminantes…

et nous découvrons que deux seules sont importantes :

faire monter la louange et vivre en fraternité…

l’une féconde l’autre, la porte, l’autorise…

notre fidélité fraternelle DEVIENT notre louange…

Simplement

Sans plus

Sans trop de bruit…

Dieu dans le secret, connaît…

Avec force et persévérance

Il nous appelle

à devenir, à demeurer

ces marcheurs de la grande cohorte des fidèles…

avec humanité

il nous a rejoints,

avec douceur

il nous porte

jusqu’à la fin…

Dieu !

Garde-nous debout, tiens-nous debout !

… et tout le reste suivra…

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