TEXTE MEDITATIF I

 

La Bible dit des choses surprenantes.

Elle affirme, par exemple,

Que la vie et la mort sont les deux faces

D’une seule et même aventure

Et elle dit que cette aventure à deux faces

Est dans la main de Dieu.

Incroyable, non ?

Difficile à comprendre parfois

Peut-être même difficile à croire !

Mais si la Bible ne disait que des choses faciles à croire,

A quoi servirait-elle ?

Si on trouvait dans la bible ce qu’on trouve déjà partout

Dans toutes les conversations au marché

Dans toutes les déclarations au Café du commerce

  • On sait bien qu’il y en a un plus grand que nous
  • Heureusement que ce n’est pas nous qu’on commande, sinon, ça irait encore plus mal …
  • Quand on est mort, on est mort
  • C’est là qu’on voit qu’on est peu de choses…

Pensez-vous sérieusement qu’on aurait besoin de la bible pous nous dire tout ça ?

Non.

Certainement pas.
La Bible ne dit pas cela parce que la Bible n’est pas le livre de nos pensées.

La Bible, c’est le livre qui nous raconte comment

Au cours des siècles

Des femmes et des hommes ont perçu, parfois très furtivement

Un peu de la lumière de Dieu.

Voilà pourquoi la Bible se glisse dans nos esprit

Comme de la dynamite sous un obstacle qui barre la route.

 

Texte biblique : Evangile de Matthieu, chapitre 28

28 Après le sabbat, à l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent voir le sépulcre.

Et voici, il y eut un grand tremblement de terre; car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre, et s’assit dessus.

Son aspect était comme l’éclair, et son vêtement blanc comme la neige.

Les gardes tremblèrent de peur, et devinrent comme morts.

Mais l’ange prit la parole, et dit aux femmes: Pour vous, ne craignez pas; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié.

Il n’est point ici; il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez, voyez le lieu où il était couché,

et allez promptement dire à ses disciples qu’il est ressuscité des morts. Et voici, il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez. Voici, je vous l’ai dit.

Elles s’éloignèrent promptement du sépulcre, avec crainte et avec une grande joie, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples.

 

MEDITATION

« Jauchzet Gott in allen Landen ».

Lorsqu’elle est interprétée comme elle vient de l’être,

On se dit que cette cantate de Jean-Sébastien Bach,

C’est une fenêtre – que dis-je une fenêtre : une baie vitrée – sur le paradis !

Le jour où il l’a composée – on ne sait pas exactement si c’est à Leipzig ou à la cour de Dresde, mais qu’importe finalement – Le cantor était particulièrement inspiré. Bach a eu un coup de génie !

Et puis en voyant à quelle date elle a été crée, on se dit bizarre.

Pourquoi le 17 septembre 1730 ?

Quinzième dimanche après la trinité.

Pourquoi pas Pâques ?

Est-ce que cette musique brillante, éblouissante, généreuse n’aurait pas été mieux à sa place le dimanche de Pâques ?

A cela, il faut peut-être répondre deux choses … d’abord que Bach avait suffisamment d’inspiration pour ne pas avoir à se dire « j’ai une bonne idée, je vais la garder pour Pâques ». Des bonnes idées, il en avait toute l’année. Et que pour Pâques il a compsé une série de cantate extraordinaires, la 4e, la 66e, la 134e … sans compter l’oratorio de Pâques, bien sûr.

Et puis, deuxième réponse, plus profonde celle-là,  la conviction pour Bach, que Pâques ne se limite pas à un dimanche de l’année liturgique, mais qu’au contraire l’espérance suscitée à Pâques illumine l’ensemble de l’année.

Là où sommes peut-être plus perplexes – comme souvent dans les cantates de Bach – c’est lorsque nous nous penchons sur le texte.

Criez de joie vers Dieu, dans tous les pays.

Dans le ciel ou dans le monde,

toutes les créatures qui y vivent doivent exalter sa gloire. 

Toute les créatures doivent exalter sa gloire. Bizarre, non ? Pour nous, un cri, c’est quelque chose de spontané. On ne peut pas crier de joie « sur commande » !

Vous vous souvenez du jour où vous avez réussi votre permis de conduire,

votre bac, vos examens finaux … le jour où on vous a dit que vous alliez être mère, père, grands parents … vous étiez spontanément joyeux !

Alors d’accord : vous n’avez peut-être pas crié parce que dans notre pays, même quand on est profondément joyeux, on ne crie pas ! On manifeste sa joie discrètement. Point trop n’en faut. Mais enfin, tout de même : vous étiez heureux et ça se voyait.

Vous vous souvenez aussi la dernière fois où vous vous êtes donné un bon coup de marteau sur le doigt ou la dernière fois où on vous a marché sur le pied.  Vous avez poussé un cri spontané.Les cris de douleur ou de joie sont comme ils sont, mais ils sont toujours spontanés et vrais.

En ce sens-là, nous qui disons généralement que l’essentiel du culte c’est de rendre gloire à Dieu, de « pousser des cris de joie vers Dieu », nous pourrions nous demander si pousser un cri de joie le dimanche à 10h00, ce n’est pas un oxymore. Une contradiction dans les termes.

Soyez spontanés à 10h15 !

Il n’y a guère que les comédiens pour être capables d’être spontanés tous les soirs à la même heure, et de surcroît avec les mêmes mots parce qu’ils ont appris, , à être spontanés sur commande, justement, et surtout parce qu’ils font semblant. Ils le font tellement bien qu’on y croit … mais ils font semblant. Un comédien qui meurt à la fin du spectacle est toujours bien vivant à l’apéro qui suit !

Et non seulement le cri de joie doit être spontané, mais au fond, il ne peut-être que pour une personne ou un groupe donné. Or que dit le texte de notre cantate : « Toutes les créatures doivent exalter sa gloire ». On se croirait revenus dans la Genève de Calvin.

On ne va pas se lamenter une fois de plus – et j’ai envie de dire surtout pas le jour de Pâques – sur nos églises à moitié vides. Et quand je dis « à moitié », je suis encore très, très positif.

Mais pour la plupart de nos contemporains – pour l’immense majorité de nos contemporains – Pâques signifie quoi ? Pâques signifie

  • Jours de « congés ». Et de ce point de vue, c’est tout de même assez formidable parce qu’avec cette fête de la résurrection, que l’on y croie ou non, on a droit à quatre jours de congés. C’est la seule fois dans toute l’année.
  • Pâques signifie « soleil ». Parce que souvent, sous nos latitudes, quand on arrive à Pâques on a eu notre quota de grisaille alors en enlève ses pneus neige et on embrarque pour une région où il fait un peu plus chaud ! Et il suffisait de jeter un œil sur la longueur du bouchon du Gotthard jeudi soir pour mesurer à quel point cette envie est partagée pour beaucoup.
  • Pâques signife « manger ». C’est l’occasion de faire de très bons repas. Aussi bien pour les chrétiens qui ont fait le carême, d’ailleurs, que pour ceux qui ont oublié le carême, mais qui veulent bien conserver la tradition du repas de Pâques !
  • Et Pâques signifie « chocolat », bien sûr. Parce que sauf à être dangereusement diabétique, on se dit qu’une fête de Pâques sans lapins en chocolat … c’est triste comme un jour de pluie.

Et la résurrection dans tout ça ?

Ah oui … la résurrection.

On a failli l’oublier.

Il y a fort à parier que si on faisait un micro trottoir sur les mots que le grand public associe à Pâques … la résurrection ne fasse qu’un très piètre résultat.

Et c’est peut-être un peu de notre faute finalement. Parce que le mot « résurrection », honnêtement, ça fait rerriblement charabias. Patois de Canaan.

La résurrection, ce n’est pas quelque chose d’évident. Bien sûr.

Ça ne l’a jamais été, d’ailleurs. Vous avez entendu le récit que nous avons relu tout à l’heure : un messager de Dieu, la pierre du tombeau roulée le tombeau vide, les gardes qui ont peur, les femmes qui ne savent pas quoi penser.

La résurrection n’est pas quelque chose d’évident…

D’ailleurs, le mot « résurrection » ne figure pas dans des évangiles. Et dans le Nouveau Testament, il est assez rare et quand il apparaît, c’est 9 fois sur 10 pour parler de l’idée de résurrection en général et pas de la résurrection du Christ.

Pour parler de ce qui s’est passé à Pâques, le Nouveau Testament emploie deux verbes beaucoup plus courants : « se réveiller » et « se lever ». Deux verbes de mouvement. Deux verbes du quotidien. Deux verbes banals, au fond.

Il me semble que ce choix de vocabulaire nous dit deux choses.

  • La première, c’est qu’il ne faut pas chercher la résurrection dans de l’extraordinaire mais dans le quotidien de nos vies.
  • Et la deuxième, c’est que la résurrection n’est pas d’abord un concept, une idée, une théorie mais un élan, une mise en route.

C’est fondamental, comme différence parce que, si on prend la résurrection comme concept, on peut en discuter pendant des heures, pendant des jours, des années, se demander ce qui s’est passé il y a 2000 ans, comment cela  est possible. Et très vite on va buter sur les limites de notre raison et de notre savoir, sur l’impossibilité de remonter à un fait historique dont personne n’a été témoin.

On peut bien sûr en faire un dogme, mais on n’aura pas avancé pour autant.

L’Evangile est clair : la résurrection n’est pas un concept mais un mouvement qui nous touche au cœur de notre existence.

Le tombeau est vide.Ce n’est pas dans le tombeau, c’est-à-dire en arrière, qu’il faut chercher, mais ailleurs, au-delà, plus loin. Le récit de la résurrection déplace le regard. Il nous met en route.

Nous ne savons pas ce qui s’est exactement passé, il y a près de 2000 ans à Jérusalem, un matin de Pâques. L’événement historique nous est inaccessible.

Mais ce que nous savons, c’est que pour ces femmes, puis pour les disciples à qui elles vont raconter cela,et puis pour beaucoup d’autre pendant 20 siècles, ce récit va être une formidable « mise en mouvement », ce récit va susciter une « résurrection », un mouvement extraordinaire.

Ce que le « Pilate » d’Eric-Emmanuel Schmitt dit très bien à la fin de son récit :

« Quand nous fûmes au pied de l’ultime pente, nous vîmes de la montagne dégorger les apôtres. Je faillis ne pas les reconnaître. Au lieu des lâches apeurés, couraient désormais des hommes forts, vigoureux, au visage brillant de santé et de joie. Ils vinrent au-devant de nous et nous embrassèrent tous. Ils parlaient tous en même temps, véloce, enthousiastes et les mots coulaient facilement de leur bouche, comme s’ils ne leur appartenaient plus ».

Comme aux apôtres, la parole de Pâques nous dit : il est vivant, tu peux à ton tour te réveiller, te lever.

C’est cela la résurrection. C’est se réveiller, se lever, c’est reconstruire.

Et d’ailleurs, avez-vous déjà remarque que si vous prenez les 12 lettres du mot « résurrection », vous pouvez écrire exactement « reconstruire ».

Amen.

 

Texte méditatif II

Chronique de Sophia Aram, France Inter (légèrement adaptée)

A la fin de ce rendez-vous de Cantate et Parole

Au soir de cette journée de Pâques,

J’aimerais profiter de cet instant

Pour proposer une « déclinaison » de la fête de Pâques

Pour que la fête ne soit pas seulement

La fête des « Pâques », mais la fête des « pas que » !

A l’heure où certains chrétiens font rôtir leur agneau pascal

A l’heure où des juifs digèrent leurs matsoth et leurs herbes amères

ils pourraient tous ensemble célébrer la fête des « pas que ».

Les

Pas que juif

Pas que Chrétien

Pas que Musulman

Pas que athée

Pas que gay

Pas que hétéro

Pas que bi

Pas que femme

Pas que homme

Pas que trans

Pas que de gauche

Pas que de droite

Pas que noir

Pas que arabe

Pas que rabbin

Pas que imam

Pas que pasteur

Pas que prêtre

Une fête des « pas que », quoi …

Fêtons les « pas que »

Parce que nous sommes tous des « pas que ».

On est tous le « pas que » de quelque chose dont on vient

Auquel on croit, auquel on adhère.

Arrêtons de nous cacher derrière un étendard

Une bannière unique

Une religion singulière

Une origine exclusive

Et concentrons-nous sur le « pas que,

Qui, à défaut d’être précis,

A au moins le mérite d’être universel.

Vous pouvez être ce que vous voulez

Vous êtes fatalement aussi autre chose.

Imaginez par exemple, que chaque fois qu’une personne vienne représenter une communauté

Une religion

Une corporation

Une préférence sexuelle

Elle ne concentre pas son discours  sur ce qu’on attend habituellement

Mais sur la partie essentielle de ce qui la caractérise, c’est-à-dire, la partie «pas que ».

Et si tous les « pas que » du monde entier voulaient bien se donner la main

Ce serait quand même vachement chouette.

Au nom de notre « paqueutisme »

On pourrait faire des choses ensemble

Fréquenter les mêmes restaurants, les mêmes écoles

Les mêmes musées,

Il n’y aurait pas un « vous » qui s’oppose toujours à « eux »

il n’y aurait qu’un grand « nous »

Le grand « nous » des « pas que ».

C’est pourquoi je souhaite à tous les « pas que » non seulement un bon lundi de «pas que » mais aussi une bonne semaine de « pas que «

Et pourquoi pas … une bonne année de « pas que ».

 

 

 

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