Texte méditatif I
On trouve quotidiennement, dans les journaux
Plusieurs pages d’avis mortuaires.
Qu’on y rencontre le nom d’une connaissance, d’un ami,
D’un cousin un peu perdu de vue,
On sursaute, on mobilise ses pensées
On écrit,
On commande des fleurs,
On met à part une demi-journée pour l’enterrement.
Au fond, on fait davantage pour quelqu’un
Parce qu’il est mort
Qu’on ne lui en a jamais fait de son vivant.
On pense plus généreusement à ceux qui ont perdu la vie qu’à ceux qui l’ont.
On donne trop aux morts
Et pas assez aux vivants.
En fait, on devrait non seulement annoncer que les gens sont morts
Mais aussi, de temps en temps, rappeler qu’ils sont vivants !
« Monsieur Charles Dupont et ses enfants ont la joie d’annoncer que leur très chère épouse et maman est toujours bien en vie »
D’abord, cela ferait réfléchir M. Dupont et ses enfants de rappeler tout cela.
Et puis nous, on lirait
On sursauterait,
On mobiliserait ses pensées
On écrirait,
On commanderait des fleurs
On mettrait à part une demi-journée pour une visite
Et tout cela n’étant pas destiné à un enterrement
On n’arriverait pas trop tard
Folle proposition ?
N’empêche qu’on peut relire tout l’Evangile : il y est toujours question de ce qu’il faut faire aux vivants,
Jamais aux morts.
C’est le réalisme de la Bible
On devrait s’en inspirer avant d’être nous-mêmes dans le journal !!!
Lectures bibliques
Marc 2, 18-22
Exode 3, 1-6
Méditation
Aujourd’hui,
On va se dire les choses en face,
On ne va pas faire de détour,
On ne va pas prendre des gants,
On ne va pas chercher d’inutiles allégories !
Cher Philippe Huttenlocher, il faut tout de même avoir un sens aigu de la provocation
Ou être parfaitement inconscient
Pour proposer l’année du 500e de la Réforme, une « messe de Bach » !!!
Retrouver Bach dans le cadre du 500e, c’est formidable,
Bach le musicien protestant par excellence
Bach le compositeur pétri de liturgie luthérienne
Bach l’auteur de plus de 200 cantates…
Mais par tous les diables,
Pourquoi une messe, sinon pour provoquer ?
Je plaisante un peu bien sûr.
Je vous connais suffisamment bien pour savoir que si vous proposez cette « messe », ce n’est pas par simple goût de la provoc.
Encore que …
Mais dans ce cas, la provocation n’est peut-être pas là où on l’imagine.
Comme toutes les messes dites « brèves », la messe en Sol Majeur n’est pas vraiment catholique puisqu’elle ne retient de la structure de la messe que le Kyrie et le Gloria.
Elle n’est pas non plus tout à fait luthérienne puisque le texte est en latin. Et comme toutes les messes brèves, la messe en Sol Majeur a payé très cher cette « polygamie génétique ». Elle n’a retenu l’attention ni des musicologues, ni des fidèles.
Vous vous souvenez peut-être du jugement d’Albert Schweitzer, qui considérait cette messe – comme toute les messes brèves – comme « tout à fait superficielles et dénuées de sens ». Non seulement parce qu’elle est écrite en latin et que le texte est toujours le même, mais surtout parce qu’elle n’est que le résultat d’un « collage » de musiques antérieures. Sur ce dernier point, on ne peut pas lui donner tort. Pour écrire cette messe, Bach reprend pour l’essentiel le matériau de cantates écrites entre 1723 et 1726.
Le « Kyrie eleison » est tiré de la Cantate 179 ; l’ouverture du « Gloria » vient de la cantate 79, le « Gratias agimus tibi » est emprunté à la cantate 138 et le « Cum sacto spiritu » final a été créé pour la cantate 17.
Bien sûr, on pourrait trouver des circonstances atténuantes au Cantor de Leipzig, rappeler par exemple qu’il devait faire des arrangements pour toutes les processions : la saint Michel, la saint Martin et la saint Grégoire, le Nouvel An, exécuter chaque dimanche une œuvre nouvelle – un motet ou une cantate – diriger la musique des églises de Saint-Jean et de Saint-Paul, prendre soin de leurs orgues etc., etc. Enseigner … et même enseigneur le latin, ce qu’il détestait faire.
Comment, dans des circonstances pareilles, exiger chaque dimanche une œuvre absolument originale ?
Bien sûr, on pourrait faire remarquer que la notion d’œuvre « originale » ne signifiait pas au 18e siècle ce qu’elle signifie pour nous aujourd’hui.
Et puis enfin, on pourrait argumenter que Bach se plagiait en quelque sorte lui-même et que par conséquent il ne volait rien à personne.
Tout cela est vrai.
Et en même temps, il nous faut peut-être davantage chercher des raisons à Jean-Sébastien Bach plutôt que des excuses.
Nous, les protestants, nous aimons construire du neuf.
Nous sommes comme ça.
Pour nous, le passé a souvent goût de moisissure.
Nous sommes fiers de notre présent. Avec le protestantisme le pouvoir absolu a fait place à la démocratie
Avec le protestantisme la parole ex cathedra a fait place au partage et à l’échange. Avec le protestantisme l’autorité de celui qui sait a fait place à la passion de celui qui cherche.
Et pour imposer notre manière de vivre et de voir, nous n’avons pas hésité à prendre la hache et la massue pour démolir les couvents, les oratoires, les œuvres d’art, bref tout ce qui représentait ce catholicisme dégénéré dont nous ne voulions plus.
« A vin nouveau, outres neuves ! » Voilà un slogan évangélique qui nous convenait bien et que nous aurions pu graver sur tous nos temples et livres de catéchisme.
Et voilà que nous découvrons chez Jean-Sébastien BACH une messe … et en latin (avec un petit peu de grec) ! Pourquoi ?
D’abord, il faut remarquer que ces « messes » brèves ont été conservées dans la liturgie luthérienne pour les grands évènements, comme Noël, Pâques ou Pentecôte.
Ensuite, et c’est peut-être l’occasion de rappeler, parce que Luther n’a jamais voulu créer une nouvelle Eglise, mais réformer l’Eglise dans laquelle il vivait. Il a participé à la création d’une nouvelle structure d’Eglise, c’est uniquement parce qu’il avait été excommunié.
Enfin – et c’est le plus important – parce que dans les textes bibliques, on trouve bien sûr le slogan « A vin nouveau, outres neuves », mais on trouve beaucoup de situation où le futur se construit à partir du passé et non en le balayant d’un revers de la main.
Prenez le passage de l’Exode que nous avons relu tout à l’heure : Dieu ne dit pas à Moïse : « Moïse, on va construire du neuf. Du tout neuf. Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, c’est fini. Bazardé. Liquidé. Poubelle ! »
Au contraire, il lui dit « Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ».
Revenons encore un peu en arrière. Lorsque Dieu choisit un homme qui deviendra le « père des croyants », il choisit un vieux. Un vrai vieux. 99 ans dit le texte. Dieu confie à un grand-père la paternité du peuple d’Israël.
Quelle idée saugrenue.
Et ce n’est pas parce qu’Abraham aurait eu une très jeune compagne ! Pas du tout. Abraham n’est pas Eddy Barlcay ! Sara a 90 ans. 90 ans alors que, tous les médecins vous le diront, la période idéale pour enfanter se situe entre 25 et 30 ans !!!
Dieu recycle un couple de vieillards bons pour l’EMS pour en faire les parents pour le peuple d’Israël.
Et vous retrouvez la même chose dans le Nouveau Testament : Jean-Baptiste, lui aussi, est l’enfant d’un homme et d’une femme qui auraient parfaitement pu être ses grands-parents !!
Est-ce que cela signifie que Dieu est le champion du recyclage ? L’adepte inconditionnel du retro-marketing (vous savez cette technique qui consiste glisser quelque chose de technologiquement très moderne dans un objet ancien, comme … un lecteur CD dans une radio qui ressemble à celle de votre grand-père)
Je ne crois pas.
Je ne crois pas que Dieu soit un nostalgique du design d’antan.
Mais je crois en revanche qu’en matière de foi – ou plus largement de spiritualité – pour fleurir et avoir des feuilles, et des fleurs ou des feuilles neuves à chaque printemps, il faut impérativement garder ses racines. Rejeter ses racines, c’est condamner ses feuilles et tuer le printemps.
Amen
Texte méditatif II
L’homme est un mammifère
Ça, c’est dans les livres.
Et l’homme est un locataire.
Ça, c’est dans l’actualité.
Un locataire qui a d’ailleurs de la peine à se loger.
Parce que les écriteaux qui annoncent pendant des semaines et des mois « Appartement à louer »,
Ces écriteaux-là, sont plutôt rares.
Il n’y a pas beaucoup de logements vides.
Ou pour être plus justes, pas beaucoup de logements à des prix abordables et qui soient vides.
En revanche le vide existe toujours.
Mais le vide a passé des maisons aux hommes.
Aujourd’hui, ce sont les hommes qui sont vides.
Aujourd’hui, on pourrait écrire de nombreuses pancartes « A louer ».
Je travaille, dit l’un, mais au fond, je ne sais pas pour qui
Aucune reconnaissance, aucune gratitude,
Dans mon travail, il n’y a personne. Vide. A louer.
Je vis, dit l’autre, mais au fond, ma vie n’a pas beaucoup de sens.
Je fonctionne
Je fais avec
Ma vie est vide. A louer.
Et beaucoup d’hommes et de femmes
Attendent que leur vie soit habitée.
C’est pourquoi, il y a deux mille ans,
Une voix a fait savoir :
« Si quelqu’un m’ouvre la porte,
J’entrerai chez lui … »