Texte méditatif

Tu es l’Autre avec un grand A !
Tu es l’Amour avec un grand A !
Tu brises les jougs les plus durs.
Tu arraches les boulets de nos pieds
et le fer de nos poignets.

Tu es celui, Seigneur,
auquel on ne s’habitue jamais !
Le toujours émouvant,
le toujours étonnant,
le toujours surprenant …

Au cœur de notre quotidien
viens nous surprendre,
nous étonner, nous émouvoir !

Arrache nos cœurs à la routine,
enlève le voile de nos yeux,
apprends-nous des pas de danse
toujours nouveaux,
pour qu’avec toi, avec moi, avec eux,
vive la fête qui n’en finit pas !

Lecture biblique : Evangile de Marc, au chapitre 10, les versets 46 à 52.

46b     Comme Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une assez grande foule, l’aveugle Bartimée, fils de Timée, était assis au bord du chemin en train de mendier.
47    Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! »
48    Beaucoup le rabrouaient pour qu’il se taise, mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
49    Jésus s’arrêta et dit : « Appelez-le. » On appelle l’aveugle, on lui dit : « Confiance, lève-toi, il t’appelle. »
50    Rejetant son manteau, il se leva d’un bond et il vint vers Jésus.
51    S’adressant à lui, Jésus dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui répondit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
52    Jésus dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt il retrouva la vue et il suivait Jésus sur le chemin.

Temps de parole

C’était plus facile avant.
Toujours à la même place, et juste à dire  » merci  » lorsque j’entendais que quelqu’un déposait quelque chose devant moi. Rien qu’au bruit, je pouvais imaginer ce qu’on m’offrait, car parfois même, ça tintait…  furtivement.
C’est qu’il y a encore des gens généreux de nos jours, et puis … je suis connu… Bartimée, le fils de Timée…, depuis le temps que je me tenais là, sur le bord du chemin, à quelques dizaines de mètres de la grande porte de Jéricho, cette porte qui ouvre sur la route qui mène à Jérusalem : Sion la cité sainte où Dieu réside.

Mon infirmité m’a depuis toujours interdit l’accès au Temple et de toute façon, comment aurais-je pu m’y déplacer sans y voir. C’était ma plus grande peine, je savais que jamais je ne pourrai remplir mes devoirs religieux. C’est pourquoi je me suis établi le long de la route, j’étais au moins quelque part … sur le bon chemin ! 

Et au final, j’y étais bien sur ce bord du chemin. Je pouvais m’abriter dans mon manteau s’il y avait trop de poussière, ou de vent, ou de pluie… quoique là, la pluie m’allait plutôt bien ; elle me rafraîchissait et me décrassait. De temps en temps, ce n’est pas un luxe !
Je ne sais pas alors ce qui m’a pris !

C’est vrai que là où je me tenais, je pouvais entendre toutes les conversations, toutes les histoires qui se colportent entre les marchands, les passants, les soldats, le péager et les femmes aussi… Tout ce petit monde trafique, échange, s’interpelle, colporte les nouvelles, rapporte et chacun sait mieux que son voisin les raisons pour lesquelles tel fait s’est produit.

Depuis quelques mois, il y a une nouvelle qui circule avec insistance. Un personnage étrange fait beaucoup parler de lui. Jésus qu’on l’appelle. Pour certains c’est un imposteur, un illusionniste, un charlatan qui opère des tours de magie ; pour d’autres, des religieux notamment, c’est un dangereux agitateur qu’il faut éliminer au plus vite ; alors que pour d’autres encore, les plus nombreux, c’est un sage, un prophète ou un rabbi suivi de nombreux disciples, et d’aucuns pensent même qu’il est Elie ou Jean-Baptiste ressuscité des morts, ce qui expliquerait pourquoi le pouvoir de faire des miracles agit en lui. Moi, ce que je sais de source sûre, c’est qu’il est le fils de Joseph, le charpentier de Nazareth, un authentique descendant de David.
Enfin bref, tout ça s’est passé il y a bientôt un mois. J’avais la tête qui résonnait chaque jour plus fort de ce nom : Jésus, le fils de David !

Et voilà que Jésus, en chemin pour Jérusalem, vient de faire halte à Jéricho. Il fallait d’ailleurs entendre le tumulte qui l’accompagnait. Au bruit, la foule qui le pressait de toute part devait être immense.

Lorsqu’il est sorti par la grande porte, ma grande porte…
… je ne sais pas ce qui m’a pris !
Il était là tout près et il passait sans me voir, moi Bartimée l’aveugle qui ne voit rien, lui aveuglé par la foule,… alors j’ai crié. Crié aussi fort que j’ai pu :  » Fils de David, Jésus, aie pitié de moi « . D’abord il n’a rien entendu, et moi on m’a dit de me taire, de ne pas déranger le maître, on m’a même brusqué. Mais je n’ai rien senti, rien entendu, j’ai continué de plus belle :  » Fils de David, aie pitié de moi « .
Et c’est alors que le miracle s’est produit. Jésus m’a entendu, il s’est arrêté, il a demandé qu’on m’amène vers lui. J’étais transporté, au propre, comme au figuré. J’ai tout laissé derrière moi, mon manteau, mon histoire, mon identité… et j’ai bondi vers lui. Pour sûr, j’allais être guéri rien qu’à l’approcher – j’ai entendu de telles histoires à ce propos – mais rien de ça s’est produit.

Je suis seulement resté les bras ballant devant sa question :  » Que veux-tu que je fasse pour toi ?  » Là, franchement, il m’a déçu. Comme si ça ne se voyait pas que je suis aveugle !… Et bien, qu’il me rende la vue évidemment. J’en suis resté muet au point qu’il a dû renouveler sa question. La parole m’est revenue aussitôt et c’est sorti tout seul comme une évidence :  » Rabbouni, que je retrouve la vue « .
Il a eu alors cette simple parole : « Va, ta foi t’a sauvé ». Et j’ai vu, je l’ai vu, j’ai vu Jésus. Il était tout simple, un homme, comme moi, pas plus grand, pas plus petit, pas plus beau, pas plus laid, je l’ai vu simplement et immédiatement, j’ai été saisi, j’ai été séduit  et je l’ai suivi. Oui Jésus, je me suis attaché à tes pas, je ne le savais pas encore, pour le meilleur et pour le pire.

J’étais aveugle depuis peu après ma naissance. En quelques jours, à sa suite, j’ai découvert le monde… dans ce qu’il offrait des joies les plus grandes et du désespoir le plus profond.
Arrivé à Jérusalem, à Sion la cité sainte où Dieu réside, ça a été de la folie. Il avançait dans Jérusalem assis sur un ânon que ses disciples lui avaient apporté. Lui, si simple. Il n’y avait là rien de somptueux. Et pourtant sur son passage les gens étendaient leurs vêtements ou des feuillages en criant  » Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père, Hosanna au plus haut des cieux « . En le suivant, j’étais comme membre d’un cortège royal.

Quelle liesse, quelle joie, quelle fierté. J’avais l’impression que mes pieds foulaient… un lit de roses.
Quelle reconnaissance de pouvoir voir tout cela.
Puis dans les jours qui ont suivi, tout s’est détérioré, jusqu’à ce soir avant le vendredi noir, dans le jardin de Gethsémani. J’ai assisté de loin à son arrestation et à la fuite de tous ceux qui étaient à ses côtés. Je m’étais promis de m’attacher à ses pas et je l’ai alors suivi, entouré du seul drap qui avait remplacé mon manteau que j’avais laissé à Jéricho. Et là j’ai vécu un des pires moments de honte de mon existence lorsque les gardes qui l’entouraient ont voulu se saisir de moi. Je leur ai laissé mon drap pour m’enfuir, tout nu.
Pour la première fois, j’ai regretté d’avoir recouvré la vue. Mais le pire était à venir.
Il avait été arrêté sous différents prétextes dont le plus grave était qu’il aurait dit être le Messie, le Fils du Dieu béni. Il a été conduit devant Pilate sous l’accusation de s’être arrogé le titre de Roi des Juifs. J’ai entendu la foule déchaînée qui hurlait « crucifie-le, crucifie-le ». J’aurais voulu m’enfuir à nouveau, mais j’ai prié Dieu qu’il me donne la force de rester.

Et j’ai vu, j’ai vu ce que jamais je n’aurais dû voir. J’ai vu Jésus innocent être fouetté, déchiré, humilié, crucifié. J’ai vu les clous, le marteau, la haine et l’indifférence, la mort et le désespoir. J’ai vu les habitants de Sion mettre à mort mon Sauveur. Et alors j’en ai voulu à Jésus de m’avoir rendu la vue.
J’étais si bien avant, sur le bord du chemin qui mène de Jéricho à Jérusalem. J’étais tranquille, un merci de temps en temps, une humble demande de me faire l’aumône… et c’est alors que je me suis souvenu. Tout était « de ma faute ».

C’était moi, et moi seul qui était en cause. C’est moi qui ai appelé Jésus, c’est moi qui ai demandé qu’il me redonne la vue, après qu’il m’eut posé cette étrange question. C’est moi qui l’ai voulu, je devais maintenant l’assumer.
Je suis alors resté près de la croix et ce que j’ai vu, jusqu’à la fin de ma vie, restera gravé dans ma rétine et dans mon cœur. Il faisait nuit, en plein midi et vers trois heures, dans un grand cri, Jésus est mort. Et ce sont les paroles du centurion qui se tenait alors devant lui et l’expression de son visage quand il a dit : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ».

Alors j’ai compris que, même si je voyais depuis quelques jours, j’étais encore aveugle. C’est à ce moment, au plus sombre de la nuit que j’ai accédé à la pleine lumière.
Ce que je pressentais sans me l’avouer s’est confirmé. Oui, ce Jésus que j’ai suivi était bien le Messie.
On m’a raconté peu après que le voile du sanctuaire s’est déchiré, à trois heures, au moment précis de la mort de Jésus. Et quelques jours plus tard, j’ai entendu les femmes dirent qu’elles avaient trouvé le tombeau vide et qu’un homme étrange leur avait dit que Jésus était ressuscité, qu’il attendait ses disciples en Galilée.

En pleine clarté maintenant, je mesure ma relation d’Amour avec Lui, le Fils de Dieu. C’est en Lui que se trouve la source de ma vie, une vie sans limites, ma vie, éclairée à l’infini. Avec ce regard nouveau je peux suivre le conseil des femmes. Je vais aller en Galilée pour revivre toute cette Bonne Nouvelle depuis son début.

Sion n’est plus la seule Jérusalem. Sion c’est désormais le peuple de Dieu. Et je veux louer Dieu en chantant « Roi des Cieux, sois le bienvenu, fais-nous aussi devenir ton peuple de Sion ! Entre en nous, tu as pris notre cœur. Oui, Jésus laisse moi m’attacher à tes pas, pour le meilleur et pour le pire. Quand bien même le monde crierait « Crucifie-le », ne permets pas que je prenne la fuite, … « 

Amen

Texte méditatif

Il suffit parfois de regarder un paysage, un lac et la lumière qui s’y joue comme dans un écrin, pour être transporté, séduit : on tient là sous ses yeux une réalité qu’on ne voudrait plus quitter parce qu’on y devine, enfouie, une dimension qui augmente la joie d’exister.
C’est encore plus vrai devant un visage, un vivant : on est ravi, on est séduit. Cela n’a rien à voir avec la beauté ou la perfection des formes. Il n’est pas question d’apparences trompeuses. Au contraire ! C’est une affaire intérieure. A l’intérieur de moi, il y a comme un déclic. Je devine dans ce visage une présence secrète qui ne se livre qu’au cœur. Une présence secrète à laquelle je refuse de m’arracher, parce que c’est là, j’en suis sûr, que se trouve la clé de mon épanouissement, c’est là j’en suis sûr qu’habitent les forces pour m’arracher à moi-même, éclore ce qui repose en moi, me transformer et m’obliger à une autre grandeur.
Si je m’arrache à ce visage, j’en suis sûr, je perds la clé et le soleil de mon existence !
Je suis séduit !
Etre séduit, c’est comprendre que la plénitude d’exister vient d’ailleurs. La Foi est séduction : je suis attiré et ma laisse fasciner par Dieu, car je devine confusément ou en pleine clarté, que dans ma relation d’amour avec Lui se trouve la source d’une vie sans limite, de ma vie éclairée à l’infini.
Croire, c’est se laisser séduire par Dieu ! 

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