Texte méditatif d’ouverture

A bien y réfléchir,
Ça peut paraître beaucoup de fêter Noël chaque année.
A 25 ans, ça fait 25 fois,
A 50 ans, à 80 ans, 50 ans, 80 fois …
C’est beaucoup !
C’est beaucoup pour des hommes et des femmes
Qui aiment souvent ce qui est nouveau
Bien davantage que ce qui est vrai.

Mais quand il s’agit de la vie,
Dans son tronc, ses racines, ses feuilles
– et les racines, ça se prolonge sous la terre,
Et les feuilles, ça embrasse tout le ciel –
Quand il s’agit de la vie, on n’a jamais fini de comprendre.

Et peut-être qu’à chaque fête de Noël, on comprend autre chose,
Ou les mêmes choses, mais autrement
Ce n’est jamais 50 fois le même Noël.
Ce Noël que nous venons de vivre
Personne ne l’avait encore jamais eu
Et personne ne l’aura jamais plus
Noël a beau se répéter
Il est à chaque fois unique.
Et unique aussi la chance qui s’offre à chacun de nous
Une infime partie de cette immense Vérité.

Pour autant que nous sachions voir
Pour autant que nous gardions  la faculté de nous étonner.
Dieu notre Père,
Aujourd’hui, nous te demandons de nous garder étonnés.
Pour que nos yeux sachent s’allumer
Et briller comme ceux des chats dans la nuit,
Pour que nos mains sachent parler
Et qu’on nous devine vivants,
Même sans nous entendre.
Pour que rien ne redevienne en nous
Tassé, flétri, affaissé, ni atténué.
Garde nous étonnés
Afin que l’enfant et le gamin
Persistent en nous
Quand bien même les années s’enroulent
A l’entour de nos cœurs et de nos corps.
Amen.

Lecture biblique : Luc 2, 41-52

Chaque année, les parents de Jésus vont à Jérusalem pour la fête de la Pâque. 42Quand Jésus a douze ans, il vient avec eux, comme c’est la coutume. 43Après la fête, ils repartent, mais l’enfant Jésus reste à Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçoivent pas. 44Ils pensent que l’enfant est avec les autres voyageurs. Ils marchent pendant une journée, puis ils se mettent à le chercher parmi leurs parents et leurs amis. 45Mais ils ne le trouvent pas. Alors ils retour-nent à Jérusalem en le cherchant. 46Le troisième jour, ils trouvent l’enfant dans le temple. Il est assis au milieu des maîtres juifs, il les écoute et leur pose des questions. 47Tous ceux qui entendent l’enfant sont surpris par ses réponses pleines de sagesse. 48Quand ses parents le voient, ils sont vraiment très étonnés, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi est-ce que tu nous as fait cela ? Regarde ! Ton père et moi, nous étions très inquiets en te cherchant. » 49Il leur répond : « Vous m’avez cherché, pourquoi ? Vous ne savez donc pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » 50Mais ses parents ne comprennent pas cette parole.
51Ensuite, Jésus retourne avec eux à Nazareth. Il obéit à ses parents. Sa mère garde toutes ces choses dans son cœur. 52Jésus grandit, sa sagesse se développe et il se rend agréable à Dieu et aux hommes.

Temps de parole

Nous venons de fêter Noël.

Nous avons sorti les crèches, les santons, nous avons mis en place Marie, Joseph et le « pi-choun », puis les bergers, les mages et tous les personnages de la crèche provençale qui ne sont pas mentionnés dans les Evangiles mais qui ont fini par acquérir un permis C tant ils y sont présents depuis de nombreuses années.

Nous avons décoré les sapins,
Nous avons relu, mimé, joué les récits de la Nativité,
Nous avons participé à des calendriers de l’Avent, ces délicieux moments où l’on s’invite plus souvent que d’habitude, dans l’immeuble, dans la rue, dans le quartier,

Nous avons chanté les grands classiques de Noël, ceux qui font du bien parce que tout le monde les connait et qu’ils nous permettent, même à nous les réformés, de chanter à plu-sieurs voix …
Bref, nous avons revécu de beaux et de bons moments autour de cette naissance de Jésus.

Ces moments sont si agréables que quelqu’un qui y participerait pour la première fois et qui ne connaîtrait pas l’Evangile aurait certainement envie de lire la suite. Et alors là, il tomberait de haut parce d’abord, il n’y a pour la suite.
Pratiquement pas. Comparé aux héros de l’Antiquité qui ont tous une enfance grandiose, l’enfance de Jésus, dans les Evangiles, c’est le désert !

•    Quel a été le premier mot qu’il a su prononcer ?
•    Est-ce qu’il a dit « papa » avant « maman » ou le contraire?
•    Pour qui fut son premier sourire ?
•    A combien de mois a-t-il fait ses premiers pas tout seul ?
•    Quelle était la couleur de sa première robe,

On n’en sait rien.
On n’en dit rien.
Du moins pas dans les Evangiles synoptiques que nous avons gardé.
 
Après Noël, trente ans de silence à peine perturbé par un petit épisode rapporté à la fin du 2e chapitre de l’Evangile de Luc : Jésus au Temple. Petit épisode peut-être … mais qui ne manque pas de caractère. Le « petit Jésus » a drôlement changé !!!

Jésus a 12 ans.
12 ans, dans le temps et la culture de Jésus, c’est l’âge où les garçons cessent d’être des en-fants.
12 ans, c’est l’âge de quitter les images parentales pour se tailler une personnalité
12 ans, c’est le moment de revendiquer un « JE »

« Pourquoi me cherchiez-vous ? » … ou « Vous me cherchez. Pourquoi ? »

C’est évidemment très dommage que nous n’ayons pas le « ton », la musique de cette ques-tion … Parce que la musique, évidemment ça change tout.
On peut passer d’un Jésus relativement empathique, qui mesure la peine qu’il a causé à sa mère et qui lui dit : « Mais enfin, maman …. Pourquoi est-ce que vous me cherchiez ? Vous ne saviez pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »
… à un Jésus beaucoup plus agressif, beaucoup plus ado, agacé par une mère qui n’arrête pas de se plaidnre « pourquoi tu NOUS as fait ceci ou cela » ? (Vous connaissez cette formule des mères … « il NOUS a fait la varicelle » comme si tous les enfants du monde n’avaient la varicelle, la bronchite ou la coqueluche que pour embêter leur maman !!!)
un Jésus-ado qui proteste :

•    Pourquoi vous me cherchez tout le temps ?
•    Pourquoi vous êtes tout le temps après moi ?
•    Pourquoi vous n’êtes pas fichus de me lâcher les baskets ?
•    Pourquoi vous êtes incapables de me faire confiance cinq minutes ?
•    Pourquoi vous m’avez appris à marcher, à manger, à lire ? pour que je reste un nou-veau-né ?
•    J’ai quel âge ? Hein ? J’ai douze ans : je ne suis plus un gosse !

Ah évidemment, dans l’album de photos, le contraste est plutôt rude. On est loin du petit Jésus qui faisait des risettes aux moutons de la crèche !
Le joli nouveau-né blotti contre le sein de sa mère fait place d’un seul coup, d’un seul à l’adolescent qui revendique LA DISTANCE.

Marie a beau dire son mal-être, son inquiétude, le mauvais moment qu’elle a passé. Et pas seulement elle, d’ailleurs. Joseph aussi. Même Joseph, même le père, il était inquiet. Il avait peur.
Pas un mot de regret chez Jésus !
Pas de « je suis désolé, je ne savais pas … j’ai pas vu le temps passer … »
Pas de formule polie.
Au contraire : une sorte d’étonnement un peu arrogant tout de même.

« Vous ne savez donc pas que je dois être chez mon Père ? »
Non mais je rêve.
Vous ne savez donc pas ???
C’est pas compliqué pourtant …
Vous êtes nuls ?

Décidément, on continue dans les propos aimables

C’est aussi comme si Jésus leur disait : mais enfin… vous avez tout oublié ?
Noël, ma naissance… vous ne vous en souvenez plus ?
Maman, tu ne vas pas me dire que tu as oublié l’ange Gabriel… l’annonce à Nazareth ?

Et pourtant si …. Elle semble avoir oublié, Marie.  Elle dit « Ton Père et moi, nous te cherchions » … le plus naturellement du monde. Elle a un peu oublié que le Père de Jésus c’est Dieu. Faut bien l’admettre.
Et quand c’est son fils qui le lui rappelle, il faut bien admettre que ça change un peu les rapports …

Et voilà que Jésus doit rappeler à sa mère que son véritable Père, c’est Dieu. Jésus doit ap-prendre à Marie, c’est-à-dire, symboliquement à tous ceux qui comme elles veulent être chrétiens, veulent être disciples, que leur vrai père, ce n’est pas le père de chair, mais Dieu.

Marie et Joseph ont cherché pendant trois jours.
Pas trois jours par hasard, bien sûr.
Est-ce que ces trois jours ne sont pas déjà les trois jours de sa mort … et est-ce que le retrou-ver au bout de trois jours, ce n’est pas déjà une résurrection ?

Jésus retrouvé est bien le même, mais c’est un autre.
Fini le « petit Jésus » qu’on met au lit un peu plus tôt parce qu’il est fatigué et désagréable. Maintenant, même si les questions sont désagréables, il faudra faire avec.
Pour terminer, je j’aimerais que nous revenions au tout début de notre récit : quand Jésus a 12 ans, ses parents l’emmènent avec eux au Pèlerinage de Jérusalem. Pas avant. Avant, il était trop petit. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas vraiment récompensés de leur entreprise. Ça fait combien d’années qu’ils vont à Jérusalem ? Ils ne les comptent peut-être même pas. Et chaque année, ça s’est bien passé. Et la première fois où ils emmè-nent Jésus : c’est la cata. Les soucis, les peurs, les angoisses comme jamais.
Et puis ces retrouvailles un peu « aigres-douces » avec un Jésus qui n’est certainement plus le « petit Jésus » et qui leur pose des questions de vie, des questions de sens particulière-ment impertinentes … donc évidemment très pertinentes.
Ils n’imaginaient pas ça du tout, Marie et Joseph. Pas une seconde. Ils pensaient que tout se passerait bien, comme d’habitude ! Et voilà que si le début se déroule comme d’habitude, ils vont faire, une fois de plus, l’expérience du retour « par un autre chemin ». Comme les mages. Comme eux après leur visite à Bethléem.

Et au fond ces parents un peu dépassés nous posent une question : est-ce que nous avons fêté Noël avec Jésus ou sans Jésus, ou plus précisément, avons-nous fêté la naissance du « petit Jésus », qui est chou, parce qu’il gazouille et qu’il ne pose pas de question embarras-sante … ou est-ce que nous avons fêté la naissance d’un Jésus qui, à partir de 12 ans, ne va pas cesser de poser des questions embarrassantes ? Toutes ces questions nous nous mettent dans l’embarras, qui nous perdent … pour mieux nous permettre de nous retrouver ?

Amen

Texte méditatif final 

A Nazareth, dit l’Evangile de Luc,
L’enfant grandissait, se développait,
Se remplissait de sagesse.


Avant d’être servie en exemple
Aux enfants pour les faire se tenir
Sages comme Jésus
Cette phrase de Luc
Cache sous la gentillesse
Une mise en question
A déraciner les montagnes.

Sans en avoir l’air
Ces quelques mots naïfs
Viennent tout déchirer
Intérieurement.

Grandir, se développer
Se remplir de sagesse
Sont des actes désormais prêtés à Dieu.

Dieu n’est donc plus dans l’immobile
Mais dans le progrès.
Dieu aussi additionne les changements.
Dieu n’est plus dans le savoir
Mais chez les apprenants.
L’être de Dieu aussi, est en devenir.
Dieu n’est plus le maître,
Mais l’éduqué.
Dieu se soumet aux frontières du langage
C’est parce que Jésus est à Nazareth
Que dieu est partout
C’est parce qu’il est de son temps
Que Dieu est de tous les temps.

A Nazareth,
Jésus apprends à parler, à marcher
A lire, à écrire
A compter, à réciter
A Nazareth,
Jésus apprend le geste quotidien
Le comportement, la manière
Apprend à se laver les mains tout seul
A s’habiller, à se coiffer
A dire bonjour, à donner la main …

A Nazareth,
Dieu entre en apprentissage.
C’est cela aussi,
La bonne nouvelle de Noël
Qui ne se referme pas au départ
Des mages
Mais qui ouvre une histoire
Dans laquelle tous les acquis
Les plus certains
Les convictions les mieux étayées
Les confessions de foi
Les plus charpentées
Seront remise en question.

Pourquoi me cherchiez-vous
Ailleurs que là où je suis ?

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