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Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression qu’autour de moi, j’entends de plus en plus de gens dire, lorsqu’ils parlent de Noël : « Ah vivement que ce soit derrière ! »
Et je me dis … qu’est-ce qui s’est passé pour que cette fête, que chaque enfant attend avec impatience, se transforme un jour en cauchemar, en passage obligé qu’on se réjouit d’avoir dépassé…
Et c’est peut-être aussi pour cela que nous sommes là ce soir … Pour écouter cette merveilleuse cantate de Bach … et réfléchir à la manière dont nous allons, encore une fois, donner du sens à Noël et ne pas subir ce qu’on appelle dans un amalgame un peu détestable … « les fêtes de fin d’année ».
Bien venue à Cantate et Parole.
Texte méditatif I
Tous les préparatifs à Noël
Ont l’immense mérite de nous rappeler
Que la foi chrétienne est une religion joyeuse.
On y parle de péché, c’est vrai
Mais c’est pour dire qu’il est enlevé.
On y parle de jugement, c’est aussi vrai
Mais c’est pour dire qu’il est anéanti.
On y parle de mort, c’est toujours vrai
Mais c’est pour dire que le dernier mot lui a été enlevé.
Il est vrai que les porteurs de toutes ces bonnes nouvelles
Ne sont pas toujours très drôles.
Pasteurs, prêtres, mes frères,
Porteurs de la parole de libération et de joie
Nous faisons pas mal de dégâts
Avec nos airs trop noirs et nos bonnes nouvelles en deuil.
Mais tout le monde a été averti, non ?
Le trésor est porté dans des vases de terre !
Jetez le vase, bonnes gens, jetez le vase !
Mais gardez le trésor.
En tout cas, veuillez bien noter
Que quiconque se réclame de la foi chrétienne
Et vous inspire pourtant ennui et tristesse
Doit être considéré
Comme une erreur ou un accident.
Au-delà des maladresses des serviteurs
Ecoutez la voix du Maître.
Au-delà des ombres que répandent les hommes
Accueillez, à bras ouverts,
Le lumineux cortège de la Bonne Nouvelle.
Lecture biblique
Voyez : le Père nous aime tellement qu’il nous appelle ses enfants, et c’est vrai, nous sommes ses enfants ! Mais le monde ne nous connaît pas, parce qu’il n’a pas connu Dieu.
Amis très chers, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu ; ce que nous serons plus tard, cela reste encore caché. Voici ce que nous savons : quand le Christ paraîtra, nous le verrons comme il est, alors nous lui ressemblerons
Méditation
On a beaucoup dit de Bach qu’il a été le cinquième Evangéliste !
On a aussi dit : « S’il y a quelqu’un à qui Dieu doit, tout, c’est bien Bach » (Cioran)
Et pourtant, aujourd’hui, à lire et à relire le texte de la cantate 62, je ne trouve aucun texte biblique précis dont Luther serait parti. Ou alors disons que l’Evangile inspire l’ensemble de ce texte… mais pas une expression de manière particulière.
J’ai donc choisi un texte biblique, un texte qui me semble faire sens, en ce 2e dimanche de l’Avent, c’est ce tout début du 3e chapitre de la Lettre de Jean que je vous ai relu tout à l’heure. Mais avant tout, une question :
– Est-ce que cela vous dérange si on se tutoie ?
Non, non rassurez-vous. Ce n’est pas une question que je vous pose à vous, directement, maintenant. Mais c’est une question que vous avez – que nous avons – tous posé un jour ou l’autre. Surtout lorsqu’on « avance en âge » et que nous avons appris que c’est toujours au plus âgé de la poser !
– Est-ce que cela vous dérange si on se tutoie ?Délicieux moment que connaissent
les francophones,
les germanophones,
les italophones …
mais pas les anglophones, par exemple.
Délicieux moment qu’on ne connaît pas si on se tutoie d’entrée de jeu parce qu’on pratique le même métier, le même sport, les même loisirs … mais que l’on vit pendant des mois, parfois des années, en se « vousoyant », et que tout à coup on prend la décision de se « tutoyer », il se passe quelque chose d’important !
Et on pressent qu’à partir de là,
se dire les choses agréables
comme les choses désagréables,
ce sera plus simple.
Bien sûr, le « tutoiement » n’est pas en lui-même un gage de proximité. On peut parfaitement être proche lorsqu’on se dit « vous » et rester éloignés l’un de l’autre lorsqu’on se dit « tu ». N’empêche !A Noël – pardonnez le raccourci – c’est exactement ce qui se passe !
Peut-être pas le jour de Noël, mais à partir de Noël – Dieu nous propose de le tutoyer.
Lorsque l’enfant qui naît à Noël sera devenu adulte et que ses disciples lui demanderont : comment est-ce qu’on doit prier « correctement », il leur répondra : « ce n’est pas compliqué :
…lorsque tu veux prier, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui est là, dans cet endroit secret.
Ou :
« Quand vous priez, ne répétez pas sans fin les mêmes choses comme les païens : ils s’imaginent que Dieu les exaucera s’ils parlent beaucoup.
Non. Dis simplement « Notre Père qui es aux cieux »
Appeler Dieu « Papa ». ou « Père ».
Pas « Seigneur »
« Monseigneur »
« Son Eminence »
« Sa Sainteté »
« Altesse »
« Révérend »
« Maître »
Non… simplement « Père » ou « Papa ».
C’est devenu si fréquent dans nos liturgies qu’on n’y pense même plus. « Dieu notre Père ». C’est une manière très aisée, facile, détendue, cool de nous adresser à Dieu, une manière que nous utilisons constamment. Mais à l’époque de Jésus, c’est une véritable révolution.
Dans l’Ancien Testament, le concept de « Dieu en tant que père » apparaît très rarement !
15 fois, en tout et pour tout.
Et nous comprenons alors l’étonnement que provoque Jésus lorsque non seulement il s’adresse à Dieu en l’appelant « papa », mais qu’en plus, il demande à ses disciples de faire de même !
Et c’est cela qui conduira Jean à écrire dans sa première lettre, au chapitre 3 : « Voyez : le Père nous aime tellement qu’il nous appelle ses enfants »
Pas « ses sujets »
– Ses serviteurs
– Ses employés
– Ses subordonnés
– Ses vassaux
– Ses esclaves
– Ses domestiques
– Ses laquais
– Ses larbins
Non : ses enfants !!!
Ses « enfants » parce qu’il est notre créateur.
Ses « enfants » parce que Dieu nous aime.
Admettons … mais qu’est-ce que ça change ?
Est-ce que cela signifie que
- je n’ai plus de respect à devoir à Dieu et que
- je peux lui dire tout ce qui me passe par la tête et avec le vocabulaire que JE choisirai ?
Peut-être pas.
Evitons les anachronismes qui pourraient générer des contresens.
Dans l’Orient de Jésus, « l’enfant roi » n’existe pas, bien sûr.
Dans l’Orient ancien, le statut social de l’enfant est très faible. L’enfant doit avoir un véritable « respect » pour le père. Et un père qui va jusqu’à considérer ses enfants comme des serviteurs bon marché n’est pas véritablement un mauvais père.
Dans l’Orient ancien, c’est tout à fait normal qu’un père dise à son fils : Mon enfant, va aujourd’hui travailler dans ma vigne (Matt. 21:28). L’enfant est là pour ça aussi : c’est son rôle de fils.
Etre enfant, ce n’est donc pas traiter son « père » n’importe comment.
Mais lorsque nous sommes accueillis comme enfants de Dieu, il se passe un peu la même chose que lorsque Jésus dit à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que son maître fait. Je vous appelle « amis », parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu chez mon Père. »
Devenir « enfants de Dieu », c’est devenir « partenaires » de Dieu.Dans beaucoup d’entreprises, Noël, c’est le temps des gratifications.
« Une gratification, dit le dictionnaire, est une prestation généralement versée en fin d’année pour récompenser le travailleur ou la travailleuse pour son engagement ou pour les fidéliser. »
Et on pourrait légitimement se demander si Noël, le moment où Dieu nous propose de le tutoyer, n’est pas une gratification ?
Eh bien non.
Noël n’est pas une « gratification », mais une « grâce ». Et que le propre d’une grâce, mais si ça fait terriblement charabias ou patois de Canaan, c’est d’être donné gratuitement, et pour toujours, et renouvelable à l’infini.
Alors, dit Dieu … est-ce vous êtes d’accord qu’on se tutoie » ?
Amen.
Texte méditatif II
C’est une histoire de toujours,
une histoire de tous les jours ;
c’est une histoire de naissance,
l’histoire de notre naissance.
Mais naître ne va pas sans peine…
Pourtant c’est toujours la fête :
Il y a ce désir profond
de vivre pleinement Noël…
et nos questions sur cette fête…
en nous l’envie d’être en foi
et la peur de nous perdre en toi !
il y a cette faim de sens
et nos révoltes face aux non-sens…
cette soif de relations vraies
et le proche qui soudain effraie…
déposer ces contradictions
non pour que Tu les effaces,
mais pour que par la grâce
tu les retournes en traces,
en chemin d’accueil et de vie.
Pour que se lève Ta lumière
dans nos cœurs et sur nos visages
et qu’advienne la promesse,
le jour de cet avènement ;
non pas un jour du passé,
d’il y a quelque 2000 ans,
mais bien un jour d’aujourd’hui…
et nos vies s’ouvriront, comme les roses de Noël,
à contre saison !