Texte méditatif I
Joyeuses Pâques à tous
A ceux qui croient au ciel
A ceux qui n’y croient pas
Que la journée soit belle
Et la joie éternelle !
J’aimerais profiter de cet instant
Pour proposer une « déclinaison » de la fête de Pâques
La fête des « pas que » !
A l’heure où certains chrétiens font rôtir leur agneau pascal
A l’heure où des juifs digèrent leurs matsoth et leurs herbes amères
ils pourraient tous ensemble célébrer la fête des « pas que ».
Pour en célébrer une autre : celle des « pas que ».
Les
Pas que juif
Pas que Chrétien
Pas que Musulman
Pas que athée
Pas que gay
Pas que hétéro
Pas que bi
Pas que femme
Pas que homme
Pas que trans
Pas que de gauche
Pas que de droite
Pas que noir
Pas que arabe
Pas que rabbin
Pas que imam
Pas que pasteur
Pas que prêtre
Une fête des « pas que », quoi …
Fêtons le « pas que »
Parce que nous sommes tous des « pas que ».
On est tous le « pas que » de quelque chose dont on vient
Auquel on croit, auquel on adhère.
Arrêtons de nous cacher derrière un étendard
Une bannière unique
Une religion singulière
Une origine exclusive
Et concentrons-nous sur le « pas que,
Qui, à défaut d’être précis,
A au moins le mérite d’être universel.
Vous pouvez être ce que vous voulez
Vous êtes fatalement aussi autre chose.
Imaginez par exemple, que chaque fois qu’une personne vienne représenter une communauté
Une religion
Une corporation
Une préférence sexuelle
Elle concentre son discours et ses revendications sur la partie essentielle de ce qui la caractérise, c’est-à-dire, la partie « pas que ».
Et si tous les « pas que » du monde entier voulaient bien se donner la main
Ce serait quand même vachement chouette.
Au nom de notre « paqueutisme »
On pourrait faire des choses ensemble
Fréquenter les mêmes restaurants, les mêmes écoles
Les mêmes musées,
Il n’y aurait pas un « vous » qui s’opposeraient à « eux »
il n’y aurait qu’un grand « nous »
Le grand « nous » des « pas que ».
C’est pourquoi je souhaite à tous les « pas que »
de passer un bon lundi de « pas que » !
Texte biblique
Premier Livre des Rois, chapitre 19
Le roi Akab raconte à Jézabel, sa femme, tout ce qu’Élie a fait, et comment il a fait tuer tous les prophètes de Baal. Alors Jézabel envoie un messager dire à Élie : « Demain, à cette heure-ci, j’espère que je t’aurai traité comme tu as traité tous ces prophètes. Sinon, que les dieux me punissent très sévèrement ! » Élie a peur et il s’enfuit avec son serviteur pour sauver sa vie. Il arrive à Berchéba, dans le royaume de Juda. Il laisse son serviteur à cet endroit, puis il marche pendant une journée dans le désert. Il s’assoit sous un petit arbre. Il a envie de mourir et il dit : « Maintenant, SEIGNEUR, c’est trop ! Prends ma vie ! Je ne suis pas meilleur que mes ancêtres. » Ensuite, il se couche sous le petit arbre et il s’endort. Mais un ange vient le toucher et lui dit : « Lève-toi et mange ! » Élie regarde : près de sa tête, il y a une galette cuite sur des pierres chauffées et un pot d’eau. Il mange, il boit et se couche de nouveau. Une deuxième fois, l’ange du SEIGNEUR vient le toucher. Il lui dit : « Lève-toi et mange, car tu dois faire un très long voyage. » Élie se lève, il mange et boit. Cette nourriture lui donne des forces. Alors il marche 40 jours et 40 nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu.
Méditation
La cantate de ce soir, BACH la compose à la mi-juillet 1726. Cantate pour « voix seule ». Etrange pour un compositeur qui aime habituellement les ensembles et qui a composé la Passion selon St-Jean deux ans auparavant. Par ailleurs, le texte choisi nous paraît avoir été écrit par un homme en plein e dépression ! Et la question se pose alors : qu’est-ce qui a conduit Bach à choisir ce texte et à composer une cantate pour une seule voix ?
Bach vient d’arriver à Leipzig… (ou presque : il y a trois ans qu’il est là), Il a un cahier des charges extrêmement chargé, c’est vrai … Les arrangements pour toutes les processions : la saint Michel, la saint Martin et la saint Grégoire, le Nouvel An ; chaque dimanche une œuvre nouvelle – un motet ou une cantate – la direction de la musique des églises de Saint-Jean et de Saint-Paul, le soin de leurs orgues … mais en même temps on sait bien que le travail n’a jamais fait peur à Bach !
Pour comprendre les choix de la cantate BWV 170, il faut donc chercher plus loin.
Est-ce le Consistoire qui lui a demandé de faire plus « simple » Ou un pasteur ? Est-ce qu’il manquait de chanteurs ? Il faut se rappeler par exemple que la jalousie de certains collègues de Bach, à l’Ecole St-Thomas, les conduisait tout simplement à obliger leurs élèves à boycotter les cours de musique ! Pas de cours de musique, pas de répétition … pas de répétition, pas de cantate pour chœur !
Regardé avec un peu de distance, on a l’impression que le titre de « Cantor » de l’Ecole St-Thomas, c’était un titre prestigieux. En fait, c’était beaucoup moins prestigieux que « Kapellmeister à la Cour de Köthen, par exemple » et il faut peut-être se rappeler qu’à Leipzig, Bach avait été choisi « par défaut ». Plusieurs musiciens contactés avaient refusé le poste, ce qui conduire un membre du conseil – les membres des conseils sont toujours très délicats – à écrire : « Pour des raisons importantes, la situation est délicate et puisque l’on ne peut avoir les meilleurs, il faut donc prendre les médiocres ».
Peut-être que tout cela fait partie de la réponse.
Mais peut-être aussi est-ce ailleurs qu’il faut chercher. Le début à Leipzig, c’est aussi une période de réflexion spirituelle et personnelle. ET dans ces cantates pour une seule voix, c’est le chrétien qui s’exprime, très individuellement, très directement, qui parle en « je ». Et puis, nous sommes à la mi-juillet 26, je l’ai dit … et la famille Bach vient de perdre la petite Christina, décédée à 3 ans, à la fin du mois de juin. Et ce n’est pas la première fois que ça arrive : c’est en effet le 4e enfant que Bach perd.
La surcharge de travail, la jalousie, les tracasseries administratives, la mort …
Il y a un moment où tout simplement « il y a trop ! »
Et c’est peut-être cela qui le conduit à choisir ce texte de Georg Christian Lehms, un texte qui présente une vision bien pessimiste du monde …. Vous l’avez entendu dans le récitatif tout à l’heure : « Le monde ne fait entendre que des chants d’enfer. Sa bouche est remplie de venin de vipère qui porte un coup mortel à l’innocent. Et il ne veut parler que vengeance. »
Et dans ces conditions, on comprend parfaitement la fin de la cantate : « Emporte-moi, Jésus, laisse-moi trouver la demeure où je connaîtrai moi-même le repos ».
***
Dans le texte biblique que nous avons relu tout à l’heure, c’est un peu la même chose. Elie fait un métier difficile : il est prophète. Il a donc la charge de rappeler au peuple d’Israël et à son roi, son devoir de fidélité au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au Dieu qui a libéré le peuple de l’esclavage et qui lui a donné un pays.
Mais voilà : Achab, le roi d’Israël a épousé – stratégiquement – une princesse phénicienne qui est une femme de caractère – c’est le moins que l’on puisse dire, qui a une autre religion – et qui incite son mari – et le peuple à se détourner du Dieu d’Israël pour adorer d’autres dieux. Et Achab fera construire un temple pour le dieu de Jézabel.
Réaction d’Elie. Réaction violente, bien sûr. A l’époque on faisait rarement dans la demi-mesure : IL fait liquider ceux qu’il appelle les « faux prophètes » … et la situation devient alors véritablement dangereuse pour lui. Il doit fuir. Ce n’est pas la première fois, mais cette foi, il n’en peut plus. Il a juste envie de mourir.
Découragé, Elie.
Déprimé.
Désabusé.
Le burnout.
Il fuit dans le royaume de Judas. Là, où il est moins en danger.
Il fait encore un jour de marche dans le désert. Il trouve un arbre – probablement bien sec. ET il dit tout simplement « Maintenant, Seigneur, c’en est trop. Prends ma vie ».
***
Vous avez certainement lus les journaux, regardé la télévision ces derniers jours …
- Sept manifestants palestiniens ont été tués et au moins 200 autres blessés par des tirs de l’armée israélienne vendredi dans la bande de Gaza.
- Une camionnette a foncé sur la foule, samedi après-midi à Münster, au nord-ouest de l’Allemagne, faisant au moins trois morts et vingt blessés, dont six seraient dans un état critique.
- Nordahl Lelandais a fini par parler, et a expliqué comment il a tué la petite Maylis.
- Et je ne parle pas de la guerre en Syrie, de Boko Haram au Nigeria, du réchauffement de la planète, des conditions sordides dans lesquelles on produit des steaks de bœuf comme on produirait des boulons …
Il y a aussi des moments où nous nous sentons proches proches de Georg Christian Lehms et où nous avons envie de dire comme lui « Je suis dégoûté de la vie ». Il y a des moments où je me sens une certaine sympathie pour ce Jean-Sébastien Bach un désemparé et pour cet Elie complètement découragé.
Et pourtant, nous savons bien que Bach va composer encore de très, très nombreuses œuvres et que, grâce à Dieu, le côté désespéré de Lehms ne sera pas constamment au rendez-vous ? Pourquoi ?
Peut-être parce que Jean-Sébastien – qui connaissait extrêmement bien sa bible – a lu la suite de l’histoire d’Elie. Et la suite, c’est un ange (vous vous souvenez qu’un ange, dans l’AT, ce n’est pas un animal ailé, c’est un messager, un facteur, tout simplement), un ange qui lui apporte à manger et qui lui dit « lève-toi et mange ». Il le lui dit trois fois et finalement Elie se lève, marche 40 jours et 40 nuits et va jusqu’à l’Horeb où il va faire une découverte extraordinaire : Dieu n’est pas dans le tremblement de terre, Dieu n’est pas dans le feu, Dieu est dans le souffle léger.
Et c’est comme si, chez Bach, il y avait déjà tout : encore le découragement avec le choix du texte de Lehms … et déjà l’espérance avec une cantate pour une seule voix… mais quelle voix. Pas de tremblement de terre, pas de feu, mais un léger souffle pour que la vie retrouve son sens, pour que la joie de Pâques retrouve sa place, pour que l’espérance prenne la place de la désespérance.
Si un jour, le découragement – le vrai, le profond – vous guette … relisez le Livre des Rois … ou réécoutez cette cantate « Vergnügte Ruh, belibte Seelenlust ».
Amen.
Texte méditatif II
Seigneur, aidez-moi à ne pas fuir.
Aidez-moi à rester là où je suis, même s’il n’y a pas grand-chose à voir.
Aidez-moi à rester à la roue de mon vieux bateau.
Je rêvais de terres lointaines et d’îles extraordinaires et voilà que je navigue sur un canal, entre les collines grises.
J’attends mon tour aux écluses.
Seigneur, aidez-moi à ne pas fuir, mais à rester humblement sur le canal où Vous avez bien voulu me mettre.
Aidez-moi à aimer mon canal.
Faites de moi un être présent, remplissez-moi d’humilité et par là de vraie puissance, ouvrez mes yeux, que je voie la douceur de ses berges, la gloire de ses fleurs et le jeun merveilleux de son ciel.
Aidez-moi à ne pas fuir,
Aidez-moi à rester à la barre de mon bateau
Présent, vivant l’heure et Vous rendant grâces de ce qu’elle apporte.
Ainsi, d’écluses en écluses,
De canal en canal,
J’atteindrai bien la mer.
La mer que je pourrai voir alors, ayant suivi le chemin qu’il fallait.
Ce chemin que Vous avez voulu pour l’amour de moi qui ne suis guère et que Vous aimez tant.