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Bienvenue !
S’il est un rendez-vous de « Cantate et Parole »,
depuis que j’ai repris le flambeau allumé par Jean-Daniel Hostettler,
un seul rendez-vous que j’ai eu envie de commencer par ces mots « bienvenue », c’est bien aujourd’hui !
Après cette terrible traversée de désert
Désert de musiques
Désert de spectacles
Désert de cultes, même
Désert de rencontres
Désert d’embrassades,
Après cette terrible traversée de désert,
Je suis heureux de me retrouver là, avec vous, avec les musiciens, les chanteurs, avec le chef, avec l’organiste pour vous dire « bienvenue ».
Alors bien sûr, c’est comme après une grande convalescence,
Nous ne sommes pas tout à fait comme avant !
Bien sûr, il y a encore ce pass sanitaire obligatoire
Bien sûr, il y a ces vaccins … ou ces tests
Bien sûr il y a ces « variants » qui ont décidément beaucoup d’imagination
Mais nous sommes là.
Nous sommes ensemble,
Et nous pouvons à nouveau prendre ce temps
Pour nous poser,
Pour écouter de la musique
Pour nous recentrer
Pour refaire le plein de cette force
Que « musique sacrée » et « méditation » nous offrent.
Bienvenue.
Texte méditatif I
Donnant, donnant.
Nous aimons,
mais seulement ceux qui nous paraissent aimables
Nous aidons
mais seulement ceux qui nous semblent dignes d’intérêt ;
Nous parlons d’une manière sympathique,
mais seulement des gens qui nous paraissent « bien »
Nous donnons,
mais seulement à ceux qui commencent par nous donner, eux, une belle impression.
Nous avons des balances précises, sages et justes.
Nous donnons aux autres leur compte exact, jamais davantage qu’ils ne méritent.
Et c’est pour cela que le monde n’avance pas.
Parce que, dans le monde, il faudrait
Des gens qui aiment les non-aimables,
Des gens qui aident ceux qui ne le méritent pas,
Des gens qui donnent à ceux qui ne donnent rien,
même pas une bonne impression.
La seule chance des non-aimables, c’est, une fois d’être aimés.
Pour dépanner le monde, il faudrait tricher
avec ce qui est juste, mais seulement juste.
Il faudrait, comme Dieu, donner à ceux qui ne méritent rien.
« Dieu a tellement aimé le monde… ». dit l’Evangile.
Mais pour tellement aimer le monde, il a un peu faussé les balances, non ?
Eh oui ! Parce que pour remettre le monde droit,
il faut des balances qui penchent ;
qui penchent du côté de l’amour.
Lecture biblique : Romains 12.14-17
Souhaitez du bien à ceux qui vous font souffrir, souhaitez du bien et non du mal. Soyez dans la joie avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord entre vous. Ne cherchez pas de grandes choses, mais laissez-vous attirer par ce qui est simple. Ne vous prenez pas pour des sages.
Ne rendez à personne le mal pour le mal, cherchez à faire le bien devant tous. Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous.
Méditation
En préparant le rendez-vous de ce soir, en réécoutant cette messe en sol mineur,
je me suis dit : mais au fond, pourquoi est-ce que Bach, considéré généralement comme le parfait musicien « protestant », pourquoi est-ce que Bach compose des « messes » ?
Je sais bien que Bach était « luthérien » et qu’un luthérien du 18e siècle… c’est assez différent d’un réformé d’aujourd’hui… mais tout de même !
Je sais bien aussi que dans une messe « luthérienne », il n’y a que le Kyrie et le Gloria … alors que dans le canon de la messe romaine, il y a encore le Credo, le Sanctus et l’Agnus. Mais est-ce que cela suffit comme justification ?
En cherchant un peu, j’ai découvert qu’on pouvait faire au moins deux lectures de cette création de « messes ».
La première, c’est que lorsqu’il compose des messes – ou des éléments de messe – Bach a une idée derrière la tête. C’est particulièrement le cas, en 1733, lorsqu’il compose la Messe en si mineur pour l’envoyer à l’électeur Friedrich Auguste II, de Saxe. En envoyant cette messe, Bach sollicite le titre de Kapellmeister de la cour de Saxe.
Voici d’ailleurs un petit extrait du courrier que Bach joint à son œuvre :
Sérénissime Prince Electeur, Monseigneur,
C’est avec la dévotion la plus profonde que je remets à Votre Altesse Royale ce négligeable résultat de la science que j’ai pu acquérir dans l’art de la musique. Je vous supplie très humblement de me prendre sous votre puissante protection. Voici plusieurs années que j’ai eu la direction de la musique des deux églises principales de Leipzig, et, y travaillant, j’ai dû souffrir – sans l’avoir mérité – plusieurs offenses, dont une diminution des honoraires qui y sont attachés.
Ceci importerait bien peu, si Votre Altesse Royale, avait la grâce de me conférer la charge de sa chapelle palatine. Dans l’obéissance qui vous est due, je m’offrirais alors de composer, chaque fois que Votre Altesse Royale le désirerait, tant de la musique sacrée que de la musique d’orchestre, en sacrifiant toutes mes forces à votre service.
Votre très humble et très obéissant serviteur Jean-Sébastien Bach.
Ainsi donc, Bach compose une messe entière, parce qu’il vise un poste, parce qu’il veut séduire une Altesse royale catholique …
On pourrait dire : c’est inquiétant.
C’est décevant.
Moi, il me semble que c’est rassurant.
C’est rassurant parce que Bach est si extraordinaire,
Bach a une puissance de travail si invraisemblable,
Bach a un génie si démesuré,
Une créativité si éblouissante
Qu’on en ferait volontiers un saint.
Et découvrir qu’un saint peut aussi parfois avoir des soucis de fin de mois,
Peut développer une stratégie pour trouver un job supplémentaire,
c’est rassurant.
On se sent moins seul.
Mais il y a une autre lecture qu’on peut faire de cette création de messes.
C’est en rappelant d’abord que Bach est luthérien
et qu’en ce sens, il est peut-être plus à même de
créer un pont
un point de rencontre
Entre la foi catholique et la foi réformée.
ET que Bach est musicien
Si les mots, les concepts, les idées
Ont vocation à mettre de l’ordre dans nos pensées,
Dans nos convictions,
Dans nos confessions de foi,
La musique, elle, a probablement bien davantage vocation
À rassembler
A réunir.
Au-delà des clivages et des singularités.
Et le texte de la messe que nous écoutons ce soir
Et emblématique de ce mouvement de rassemblement.
Il n’y a pas un seul mot sur lequel catholiques et protestants
Pourraient ne pas se mettre d’accord.
Alors j’en choisis un – Pas tout à fait au hasard – Pour la suite de notre méditation.
« Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté ».
Qu’est-ce que cela signifie « paix aux hommes de bonne volonté » ?
Ce sont des mots qu’on entend souvent à Noël …
Alors on a tendance à se dire :
« C’est un vœu…
Le vœu que tout se passe bien
Que tout soit harmonieux
Pour les femmes et les hommes
Qui ont un peu de bonne volonté. »
Et un vœu,
Quand on se souhaite
- Bonne chance
- Bonne année
- Bonne nuit
On sait bien que c’est plutôt agréable…
Mais que cela ne nous engage pas à grand-chose.
C’est pour cela que Paul écrit aux chrétiens de Rome : « Autant que possible, si cela dépend de vous, vivez en paix avec tous ».
C’est formidable, cette invitation de Paul
Parce que ce n’est pas une exhortation sublime et impossible.
Ce n’est pas une envolée lyrique.
C’est très réaliste.
C’est même assez « modeste » finalement.
« Autant que possible … si cela dépend de vous »…
Et nous pourrions relier cette invitation de Paul à ce que vient de chanter le Chœur « paix aux hommes de bonne volonté. »
Non pas dans le sens de : j’espère, je souhaite que vous soyez en paix,
Mais au sens de « Femmes et hommes de bonne volonté, Vivez en paix Travaillez à la paix
Faites la paix »… autant que c’est possible… et si cela dépend de vous.
Ce n’est pas facile d’être en paix avec ceux qui nous entourent,
d’avoir des relations paisibles au travail, avec ses voisins, dans sa famille ou même dans l’Église.
Pourtant, dit Paul, ce doit être l’une de nos priorités.
On peut être en désaccord,
on peut ne pas « avoir d’atome crochu » avec quelqu’un,
on n’est pas obligé d’être les meilleurs amis de tout le monde…
mais vivre en paix est un impératif que nous devrions nous rappeler chaque matin.
Vous me direz que c’est facile à dire… C’est vrai.
Mais pour que les choses arrivent
Il faut bien commencer par une prise de conscience
Donc une parole.
Concrètement, qu’est-ce que ça signifie ? L’apôtre Paul donne quelques pistes, notamment au verset 21, que je n’ai pas lu tout à l’heure et dans lequel on lit ceci :
« Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (v.21)
Céder à la vengeance, c’est se laisser vaincre par le mal.
Entretenir un conflit, c’est se laisser vaincre par le mal.
Refuser d’accorder le pardon, c’est se laisser vaincre par le mal.
Être en paix avec tous les hommes,
ce n’est pas chercher à être le plus discret possible, pour ne pas faire de vague et ne pas avoir de problème avec qui que ce soit…
C’est travailler activement à la paix, au pardon, à la réconciliation.
Poser des gestes, des paroles de paix.
Oser prendre l’initiative d’une réconciliation.
Alors où sont nos gestes de paix ?
Où sont les gestes de paix, dont le monde en a tant besoin aujourd’hui…
Et où sont nos paroles de paix ?
Des paroles de pardon, d’ouverture, d’accueil
qui répondent aux paroles de colère, de rejet, de stigmatisation qui fleurissent, un peu partout.
Bien sûr, dit comme ça, ça parait accablant.
Et encore … je ne vous l’ai pas fait version « pasteur 1910, le doigt pointé vers vous et le ton accusateur »
Et pourtant, c’est là qu’il faut se souvenir de la merveilleuse « modestie » de Paul …
Vivez en paix avec tous,
Certainement, Mais sans culpabiliser !
« Autant que possible … et si cela dépend de vous. »
Amen.
Texte méditatif II
La paix aurait pu être une fleur sauvage
de ces fleurs des champs
que nul ne sème ni ne moissonne.
La paix aurait pu être
une de ces fleurs des prés
que l’on trouve toute faite un beau matin
au bord du chemin, au pied d’un arbre
ou au détour d’un ruisseau.
Il aurait suffi de ramasser la paix
comme on ramasse les champignons
ou comme on cueille la bruyère
ou la grande marguerite.
Au contraire
la paix est un travail
c’est une tâche.
Il faut faire la paix
comme on fait le blé.
Il faut faire la paix
comme il faut des années
pour faire une rose
et des siècles pour faire une vigne.
La paix n’existe pas à l’état sauvage :
il n’y a de paix qu’à visage humain.