Méditation

La vie est lourde

La vie est lourde certains jours
Mon corps mou, sans ressort
Mon esprit las
S’en va cherchant, avec grand désespoir
La grâce des jours clairs
Et la chaleur d’antan.
Mon esprit bas se traîne
Comme la brume aux jours de pluie.

Où sont mes chants
Les rires de la maison ?
Le volet bat
Et ce bruit clair
Entre comme une lame
Dans ma chair.
La nuit même, si douce d’ordinaire
La très calme nuit de la terre
N’est plus qu’un long chemin
Où je peine, vent debout, sans sommeil,
Un long chemin où  j’erre.
La vie est lourde certains jours
Le ciel est gris par le soleil
Le ciel est plein d’angoisses
Et tout colle.  Et tout poisse.
J’ai soif alors d’un monde de  tendresses
D’un grand fleuve d’amour
J’ai tellement soif aux jours amers.

Lecture biblique : Marc 2.1-12 : Le paralytique de Capharnaüm

1Quelques jours après, il revint à Capharnaüm. On apprit qu’il était à la maison, 2et il se rassembla un si grand nombre de gens qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte. Il leur disait la Parole. 3On vient lui amener un paralytique porté par quatre hommes. 4Comme ils ne pouvaient pas l’amener jusqu’à lui, à cause de la foule, ils découvrirent le toit en terrasse au-dessus de l’endroit où il se tenait et y firent une ouverture, par laquelle ils descendent le grabat où le paralytique était couché. 5Voyant leur foi, Jésus dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. 6Il y avait là quelques scribes, assis, qui tenaient ce raisonnement : 7Pourquoi parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut par-donner les péchés, sinon un seul, Dieu ? 8Jésus connut aussitôt, par son esprit, les raisonnements qu’ils tenaient ; il leur dit : Pourquoi tenez-vous de tels raisonnements ? 9Qu’est-ce qui est le plus fa-cile, de dire au paralytique : « Tes péchés sont pardonnés », ou de dire : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » 10Eh bien, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a l’autorité pour pardonner les péchés sur la terre — il dit au paralytique : 11Je te le dis, lève-toi, prends ton grabat et retourne chez toi. 12L’homme se leva, prit aussitôt son grabat et sortit devant tout le monde, de sorte que, stupéfaits, tous glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil.

Temps de Parole.

« Où dois-je m’enfuir
Chargé que je suis de péchés  si graves et si nombreux?
Où puis-je trouver secours ?
Rien au monde ne pourrait m’enlever mon angoisse. »

a chanté le chœur. Et la Basse a repris :

« L’horrible péché n’a pas fait que me souiller,
Il s’est emparé de mon esprit entier,
Pour mon impureté, Dieu devrait  me rejeter de lui,
Mais parce qu’une goutte de son sang sacré
Accomplit de tels miracles,
Il m’est permis de n’être pas répudié.»

S’il est un mot qui fait partie du « patois de Canaan » des chrétiens et dont les non-chrétiens se moquent abondamment, c’est bien le péché. Et cette vision de l’homme dans laquelle le chrétien SE voit toujours coupable, condamné, nul !

Cette vision réductrice de la pensée de l’apôtre Paul dans laquelle toutes les qualités qu’un homme pourrait avoir lui viendraient de Dieu et tous les défauts, les manques, les faiblesses, seraient de sa propre responsabilité … cette vision a suscité nombre de polémiques, d’écrits philosophiques pour condamner le christianisme coupable de mépriser le genre humain pour grandir un Dieu qui n’existerait pas.

Et à écouter le texte de la cantate que je viens de rappeler, il semble bien que Bach n’échappe guère à cette image. « Où pourrais-je fuir, chargé que je suis de péchés si graves et si nombreux » ?

Et en même temps, si l’on se replonge dans la genèse de cette cantate et qu’on relit le texte biblique du jour pour lequel BACH a composé cette cantate – 19e dimanche après la Trinité – , on trouve le récit du paralytique chez Matthieu. Dans lequel il est question de péché, bien sûr, mais où le péché est abordé avec une étonnante légèreté.

Les textes bibliques sont surprenants. Vous pouvez les lire une vie durant, connaître les textes par coeur et sur le bout des doigts, vous pouvez en connaître toutes les références et toutes les allusions.
Ils vous surprendront encore.
Ce texte de Marc, je le connais par cœur, et vous  certainement aussi. Je l’ai fréquenté depuis de très longues années. Et pourtant, en  le relisant pour la énième fois, l’autre jour, il m’a surpris. J’y ai vu des choses que je n’avais jamais vues …


Comme dans beaucoup de situations ou de paraboles, les paroles de Jésus interpellent, interrogent et parfois-même dérangent. C’était vrai au temps de Jésus pour les Pharisiens … c’est vrai pour nous aujourd’hui, même si nous ne sommes pas dérangés de la même façon.



Premier étonnement : « tes péchés sont pardonnés ».
 
Ce qui est choquant pour les Pharisiens, c’est que Jésus se donne le pouvoir de pardonner les péchés. Pour un Juif de l’époque de Jésus, c’est un blasphème ! Il n’y a que Dieu qui puisse pardonner les péchés. Même les prêtres ne pardonnent pas les péchés. Même le grand prêtre ne pardonne pas les péchés … alors qu’est-ce que c’est que ce fou de charpentier galiléen qui se présente comme « celui qui pardonne les péchés » ?

Pour les chrétiens, évidemment, il n’y a plus rien de choquant là-dedans. Mais les paroles de Jésus choquent peut-être ailleurs. Ce qui nous dérange peut-être c’est que Jésus pardonne les péchés du paralytique non à cause de sa foi, mais à cause de la foi de ses amis. Vous pouvez relire le texte à l’envers et à l’endroit : il n’y a pas trace de confession de foi du paralytique … On peut évidemment supposer que la foi du paralytique est sous-entendue. Bien sûr… mais le texte ne le dit pas !

Le texte lie même explicitement l’annonce du pardon des péchés du paralytique à la foi manifestée par l’attitude de ses amis. « Quand Jésus voit LEUR foi …il dit au paralysé … ». C’est parce qu’ils ont de la suite dans les idées … C’est parce qu’ils sont résolus, têtus, obstinés, parce qu’ils ne se laissent pas arrêter par les difficultés, parce qu’ils imaginent des stratégies pour parvenir à leur but coûte que coûte, parce qu’ils sont comme la fameuse « veuve »  de la parabole du Juge inique que Jésus déclare au paralytique « tes péchés sont pardonnés».

On est très loin d’une « confession de foi », d’un engagement à changer son comportement, de ce qu’on appelle généralement la « conversion » – ou tout au moins d’une promesse de « conversion » – qui déboucherait sur une guérison, un miracle. Non.

Jésus pardonne, sans que le paralytique ait demandé pardon
Jésus guérit, sans que l’autre ait demandé quoi que ce soit.

C’est tellement au-delà de nos attentes. Tellement au-delà de ce que nous considérons comme « normal » qu’on serait presque tenté de soupçonner Matthieu d’une « folie théologique » originale. Mais il n’en est rien. Ce récit, on le retrouve chez Marc et Luc. Chez Marc, elle se situe même tout au début de l’Evangile. Au 2e chapitre déjà. C’est dire si cet élément est loin d’être anecdotique ! Au contraire, il fondamental. Il donne le ton. Les choses ne seront plus jamais comme avant.
Dieu est venu visiter son peuple en Jésus-Christ pour retrouver une relation directe, simple, bonne avec lui.  C’est ça la bonne nouvelle. Dieu est venu dans le monde pour remettre les hommes debout.

Si l’on prend l’Evangile de Jean, les choses sont dites autrement, mais c’est tout aussi clair.
Pas d’évocation de guérison d’un paralytique, mais deux éléments formidables dans le début de l’Evangile de Jean qui « racontent » comment les choses ont changé, deux évènements qui  donnent le ton.

Le premier, c’est le moment où Jésus chasse les vendeurs du Temple.
Le commerce avec Dieu pour acheter ses faveurs, c’est fini.
Les tables des changeurs, c’est inutile.
Les sacrifices  ne sont plus de mise.
Dieu aime les hommes d’un amour total et gratuit.

Le deuxième évènement, c’est le premier miracle de Jean, c’est les noces de Cana.
Etonnant, comme miracle. Même pas une guérison. Quelque chose de beaucoup  plus futile : trans-former de l’eau en vin pour que la fête d’un mariage puisse continuer.
Et un miracle que personne n’a vu.
Un miracle pour lequel aucun village ne peut rendre gloire à Dieu
Un miracle dont seront au courant que quelques employés de la maison.

Je reviens à notre paralytique.
Il ne s’agit donc pas d’une bizarrerie de l’auteur de l’Evangile mais bien d’un élément essentiel, constitutif, déterminant de l’Evangile : le pardon ne passe pas nécessairement par la mortification. Il est donné généreusement. Gratuitement.

Cette même générosité, on la retrouve dans la parabole du fils prodigue : le fils commence à se frapper la poitrine, à expliquer, à justifier … et le père l’interrompt pour l’embrasser et le remettre debout.

2e étonnement : La foi du paralytique


Nous l’avons déjà dit : ce paralytique n’est pas très bavard. Il ne demande rien à Jésus. Et on n’est même pas certain qu’il demande quelque chose à ses amis.

Et quand Jésus lui dit : tes péchés sont pardonnés … lève-toi, prends ton lit et rentre chez toi. On pourrait imaginer que l’homme réagisse, pour exprimer son doute … il connaît sa situation depuis des années … il sait bien que ce n’est pas en lui disant « lève-toi » qu’il va pouvoir  marcher d’un seul coup d’un seul … soit pour remercier, louer Dieu.
Eh bien non. Fidèle à lui-même, il ne dit rien. Mais confiant il se lève. Et il marche. Il se lève
Comme s’il n’était pas seulement guéri techniquement de sa paralysie, mais allégé. Il est arrivé couché, écrasé sur sa civière

Et il repart debout. Il se lève seul. Et il marche.

Jésus ne l’a pas seulement remis debout du point de vue des muscles, il l’a remis debout dans son rapport à Dieu et il l’a remis debout dans son rapport aux hommes.  

Deux mots pour conclure :

Quel que soit le regard que je pose sur lui-même… quel que soit l’accablement que suscitent en moi mes faiblesses, mes lâchetés ou  mes « ratés », Dieu ne me regarde pas comme je me regarde. « Si notre Cœur nous accuse, dit l’Apôtre Jean, Dieu est plus grand que notre cœur ». Et la question qui se pose pour moi est alors la suivante : Est-ce que je suis capable d’être regardé autrement – par les autres, par le Tout Autre – ou est-ce que mon regard est la norme absolue ?
 
Quel chemin pourrais parcourir pour accepter que ma relation  à Dieu, au Christ, n’est pas uniquement le résultat de mes démarches, de mes convictions, de mon comportement, de mon travail ? mais aussi de ce que d’autres ont fait pour moi. Accepter LEUR foi, LEUR prière, LEUR conviction et se dire que tout ne dépend pas de moi. Il y a un mot qui est devenu très à la mode – et c’est toujours dangereux les mots à la mode – mais il dit tellement bien cela : c’est le lâcher prise. On l’utilise  souvent pour parler à un malade ou à une personne très âgée … mais au fond, pour lâcher prise et accepter l’amour de l’Autre, il n’y a pas d’âge.
Amen.

Lâcher prise

Lâcher prise, c’est comme regarder un coucher de soleil en ressentant sim-plement ce que cela éveille en nous.
Sans commentaires intérieurs ni analyses.
Se laisser envahir par l’image.
Accueillir l’émotion.
Laisser cela être
Et l’accueillir en silence.

Laisser les pensées s’envoler d’elles-mêmes
Sans essayer de les chasser.

Lâcher prise, c’est comme ce merveilleux instant lorsqu’on arrive dans la chambre d’hôtel pour les vacances et que l’on pose enfin les valises.
On goûte simplement la joie de l’instant et on est totalement disponible à la nouveauté et à la découverte.

Lâcher prise c’est permettre à tout ce qui est présent à l’instant, d’être là, sans résistance aucune.
C’est aller avec le mouvement de la vie,
comme dans certains arts martiaux où l’on utilise la force de l’autre pour ne pas se laisser déstabiliser.
A travers le lâcher prise,
la paix intérieure émerge
Du plus profond de nous-même,
Et c’est elle qui donne le ton à tout ce qui nous entoure.

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