Méditation
De profundis clamavi ad te, Domine
Aus der Tiefen, ruf ich zu dir..
Des profondeurs je crie vers toi seigneur
C’est le thème de notre cantate de ce jour !
Le fameux psaume 130 (129)
Des profondeurs
Qui d’entre nous, parmi les humains sur cette terre ? qui d’entre nous n’a jamais été profondément ébranlé ? qui d’entre nous n’est il pas allé visiter l’abîme ? Personne.
Personne parce que -bien qu’on rechigne à le dire ce n’est pas très politiquement correct- la vie humaine n’est pas qu’un jardin de roses, ni qu’une promenade de santé. C’est quelque chose de difficile. Ca peut être lourd, pesant. Nos vies traversent des hauts et des bas et parfois des bas terribles.
Ca fait partie de notre condition humaine, du package reçu à la naissance…
Des profondeurs je
Je. Il y a un sujet, il y a une conscience, il y a une identité profonde, ce qui fait qu’on est nous et qu’on ne peut changer. On ne peut être quelqu’un d’autre. Ce « je » c’est moi, avec ses forces et ses faiblesses… ici ses faiblesses, mais qui dit « JE » !
Des profondeurs je crie
Et quand ca va mal, il y a le cri, oh, une parole peu articulée, mais bien réelle. On matérialise cette expérience dans le fameux tableau de Munch (geste) qui exprime tellement l’angoisse…
Crier ça fait du bien… Parler, ça fait du bien, et ce ne sont pas les patients des thérapeutes de l’âme qui diront le contraire. Qui de nous ne n’est pas un jour ou l’autre sur le divan ou tout du moins dans le fauteuil du psy ?
Ici, notre méditation pourrait s’arrêter là. Au cri. Ou à la parole libératrice, c’est le cas de pas mal de monde. C’est même notre cas parfois…
Mais ça ne peut pas être le cas ici, dans ce lieu, dans ce moment. Il y a ici une autre dimension, celle que nous ouvre le psalmiste.
Que dit il ?
Je crie vers toi
Vers une altérité, vers un ailleurs, vers le ciel, vers la transcendance… non encore nommée
Et pourtant pressentie :
Vers toi Seigneur !
Un ciel non vide, un ciel « habité ». Un ciel habité par une Présence comme dirait Maurice Zundel. Par la Présence même.
Un ciel -c’est à dire partout- habité par la vie. Par la Vie de la Vie comme disait St Augustin…
A ce niveau, faisons une petite digression
On dit que -peut-être l’avez vous expérimenté- On dit que lorsque l’humain se trouve tout à coup plongé dans l’abîme suite à un diagnostic dramatique pour lui, l’annonce de la disparition inopinée d’un proche, ou la perspective de sa propre fin -la figure typique étant celle de la panne de l’avion qui chute inéxorablement – on dit que le mot qu’il prononce, le cri qu’il pousse exprime son fondement, sa base, son dernier recours.
Certains poussent des cris déchirants, saisissants. Beaucoup disent « maman ! », d’autres Seigneur, d’autres Jésus… et sans doute Allah, Adonaï, Vichnou, selon leur arrière fond culturel, les bases de la vie qu’ils ont reçues généralement tout enfant…
Au passage, quel serait votre cri à vous ? C’est intéressant de se poser la question à froid, quand il n’y a pas besoin. Ca en dit long sur nous, sur le plan essentiel… ça permet de retravailler des zones qui sont souvent à l’ombre…
Mais reprenons le cours du psaume :
Seigneur écoute-moi.
Qui, devant la déréliction, ne désire pas être écouté. Ecoute-moi ! exaudi nos. ! höre meine Stimme…
Sois attentif au cri de la ma prière. Il insiste, et il a raison d’insister. Etre écouté (quand on ne peut pas changer le réel), être écouté n’est il pas la seule chose, la meilleure chose possible ?
Et puis, dans le drame, c’est hélas comme chevillé au corps, immédiatement : la culpabilité. La culpabilité arrive. Qu’est ce que j’ai fait de faux pour en arriver là ?
Si tu retiens les fautes… qui subsistera ?
Ce qui nous vaut cette formidable affirmation de foi :
Mais près de toi se trouve le pardon
La foi devient la plus forte, la faute, si faute il y a (généralement il n’y en a pas), la faute est effacée : près de toi se trouve le pardon
Et vient cette phrase qui choque et que nous modernes aimons pas à cause de l’image de Dieu quelle trimballe :
pour que l’homme te craigne.
Une traduction plus appropriée de l’hébreu dit à peu près ceci : afin que l’homme/femme en soit saisi, touché, émerveillé…
On pourrait bien sûr poursuivre :
La certitude du salut comme celle du retour du jour après la nuit n’est pas peu de chose
La désignation de Dieu comme Amour n’est pas rien non plus au cœur de cet Ancien Testament que l’on charge parfois de tous les maux
Mais le temps passe -la bible est d’une telle richesse- Il faut avancer
Terminons cette méditation par une question.
Le psaume 130, le « de Profundis » est-il un cri de désespoir ou un cri d’espérance ? Une supplication éperdue ou une confession de foi ?
« Les deux mon capitaine » pour prendre cette expression humoristique. Ou les deux « en même temps » comme l’affirme un certain président français.
Et c’est parce qu’il est les deux que le drame humain n’est pas total, c’est parce que le cri ne tombe pas dans le vide et qu’il est salvateur. Dans le cri, puis dans l’appel, puis dans l’affirmation du pardon et la confiance, nous sommes conduits des profondeurs vers l’émerveillement. De l’enfermement vers l’élargissement… de la nuit à la lumière…
Le psaume 130, le « de Profundis » est un cri de désespoir et un cri d’espérance. Une supplication éperdue et une confession de foi. En même temps.
Et c’est ça qui nous sauve
Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! * Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière !
Si tu retiens les fautes, Seigneur… Seigneur, qui subsistera ? * Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne.
J’espère le Seigneur de toute mon âme ; * je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. * Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore, attends le Seigneur, Israël.
Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. * C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes.