Texte méditatif I

En hiver, les arbres ont une certaine beauté.

Noirs, puissants

Ils organisent le ciel gris entre leurs branches nues

Ce n’est pas rien.

Mais ils sont aussi beaux parce que nous savons que tout cela n’est pas mort.

En avril, en mai, ça se voit.

Du rude temps de l’écorce,

On est entré dans le temps des feuilles

Des verdures et des fleurs.

ET cette fois, les arbres sont merveilleux.

D’un homme malcommode,

Qui empoisonne par son caractère la vie des siens

On dit, le jour de sa mort

«  Sous une rude écorce, il cachait un cœur d’or ».

Et tout le monde est content.

Le mort, de savoir qu’il a un cœur d’or

Et ceux qui, pendant toute sa vie, se sont blessés à son écorce, de savoir qu’il y avait du plus doux par-dessous.

Mais puisque nous sommes encore en vie,

Pourquoi ne passerions-nous pas un peu de l’écorce à la feuille ?

De la rude écorce de la vie

À la tendresse et à la grâce ?

Entre le ciel et la terre, il y aurait alors comme un deuxième printemps, non ?

 

Méditation

Nous sommes à Leipzig, en 1723.

Jean-Sébastien Bach vient  de s’installer comme Kantor dans cette ville et son cahier des charges est absolument ahurissant :

Par exemple, non seulement il  doit enseigner la musique aux 55 garçons de l’école, mais il doit aussi les conduire à l’église, tous les jeudis matin, leur faire répéter les chants pour le dimanche, leur enseigner le latin – ce qu’il déteste – et leur donner des leçons de catéchisme ! 

Il doit faire des arrangements pour toutes les processions : la saint Michel, la saint Martin et la saint Grégoire, le Nouvel An. Et en plus de tout cela, il  doit en outre propsoer chaque dimanche une œuvre nouvelle – un motet ou une cantate –  diriger la musique des églises de Saint-Jean et de Saint-Paul et prendre soin de leurs orgues … bref du travail par-dessus la tête. 

Et au moment de devoir proposer une cantate pour le 26e dimanche après la Trinité, Bach se dit que c’est juste impossible : il va donc réemployer une cantate 7 ans plus tôt à Weimar, pour le 2e dimanche de l’Avent. Cela ne posait aucune difficulté « liturgique » particulière puisque la thématique de ces deux dimanches est très proche. 

Et en écoutant la musique – absolument superbe – on se dit : « Quelle bonne idée » !

Et en écoutant le texte, on se dit : « Mais pourquoi avoir repris un texte pareil ? » Vous avez entendu tout à l’heure : le récitatif de la basse …

Tremblez d’effroi, pécheurs invétérés

Un jour arrive, dont nul ne peut se mettre à l’abri

Il s’empresse, race de pécheurs,

De te juger avec la plus grande rigueur

De te vouer aux flammes éternelles

« Heureusement que c’est en allemand, on ne comprend pas toujours tout ! ».

On retrouve là ce discours insupportable sur le Jugement dernier que Daniel Marguerat appelle le « terrorisme du jugement ».

Ce discours qui, au moyen-âge, se traduisait en statues sur les porches des cathédrales, ou en fresques à l’intérieur, et qui montrait au bon peuple ce qui l’attendait au bout du chemin s’il ne réglait pas sa vie sur ce qu’enseignait le clergé ! Un truc à vous ficher  la trouille ! Non, décidément, quel dommage que Bach n’ait pas été notre contemporain et n’ai pas pas « Nous irons tous au paradis » de Daniel Marguerat. Il aurait écrit alors une cantate non seulement sublime au point de vue musical, mais qui donne du courage au plan spirituel !

Mais il se trouve que c’est comme ça … Alors essayons d’y réfléchir un peu pour voir comment ce choix de Bach a  – peut-être – quelque chose à nous dire.

4 remarques :

  1. L’idée d’un jugement après la mort apparaît dans presque toutes les religions et le christianisme n’y a pas échappé. Ce jugement sanctionne en général les actions des hommes et des femmes (Pensez au texte de l’Evangile de Matthieu, par exemple : « j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger, j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire, j’étais en prison et vous ne m’avez pas visité »): ceux qui ont bien agi entreront au Paradis et ceux qui ont mal agi iront en Enfer.
  2. Le Christianisme a apporté une première nuance en affirmant que ce sont moins les actes qui sont jugés, que la foi. C’est un peu rassurant, mais un peu seulement. Parce que sommes-nous certains d’avoir une fois suffisante pour échapper à l’enfer ?
  3. Le Christianisme a ensuite souligné la grâce de Dieu. C’est-à-dire la liberté, que Dieu a, de sauver quelqu’un même lorsque ce quelqu’un est indéfendable. C’est la fameuse parabole du père prodige, vous vous souvenez : un père a deux fils ; l’un d’entre eux reste fidèlement auprès de son père pour travailler sur le domaine ; l’autre revendique sa part d’héritage et va claquer tout son fric avec des filles de mauvaise vie. Et lorsqu’il revient à la maison, après des années de beuveries, le père le reçoit avec joie !!! A l’école du dimanche, on nous a dit que ce père était admirable bien sûr … et que ce père, c’était Dieu. Mais est-ce que nous le trouvons si admirable que ça ? Est-ce que cette « grâce » de Dieu ne stimule pas chez nous une réaction négative, comme celle du frère aîné de la parabole ?
  4. Au moyen âge, on a construit quelque chose de très astucieux, pour que les humains ne soient pas sauvés uniquement par la grâce de Dieu : le Purgatoire. Le Purgatoire, c’est un endroit où l’humain reçoit une seconde chance pour entrer au paradis. Le Purgatoire, c’est une sorte de salle d’attente où tu restes un certain temps pour te purifier avant d’accéder au Paradis. Mais attention : ce n’est pas des vacances. Pour te purifier, on peut très bien … brûler une partie de ton corps par exemple.

Et vous vous souvenez bien sûr des prédicateurs qui sillonnaient l’Europe au début du 16e siècle pour vendre des  « indulgences », ces sortes de « laisser-passer » qui permettaient de racheter des années de purgatoire comme on rachète sa caisse de pension. Quand on évoque cette manière de faire, nous les protestants, ça nous choque. Encore que … de temps en temps on puisse être un peu ambigus … Vous connaissez l’histoire du pasteur qui est invité au chevet d’un homme extrêmement riche mais qui toute sa vie a été éloigné des questions de foi et de la vie paroissiale.

Il fait venir le pasteur de la paroisse et lui pose la question suivante :

  • Monsieur le Pasteur, je sais que je n’ai pas été un chrétien exemplaire.
  • C’est le moins qu’on puisse dire …
  • Mais vous vous souvenez de l’histoire du mauvais larron ? Est-ce que vous pensez que si je lègue 50’000 € à la paroisse, je pourrai tout de même entrer au paradis ?
  • Alors là, dit le pasteur, je suis navré, mais je ne peux vous donner aucune assurance. Vous savez bien que le salut ne s’achète pas … Seul Dieu décide du sort de nos âmes …

Le paroissien mourant s’enhardit davantage

  • Et si nous disions … 200’000 € ?
  • Non, non, ce n’est pas une question de montant. C’est une question de principe. Nous ne sommes plus à l’époque des indulgences … le salut ne peut pas s’acheter.

Le paroissien ne se laisse pas démonter :

  • Et si je disais … un million d’euros ?

Alors là,  le pasteur marque un temps. Grand silence et puis tout à coup, il lui dit :

  • Ecoutez … comme je vous l’ai dit tout à l’heure … je ne peux vous donner aucune garantie parce que je ne suis pour rien dans la décision. Mais pour un million d’euros, j’ai envie de vous dire : ça vaut la peine d’essayer !

Aujourd’hui, la plupart de nos contemporains règlent la question du Jugement dernier en optant pour l’universalisme : tout le monde est sauvé par la grâce infinie de Dieu.

C’est rassurant, ça évite le stress, c’est généreux … mais ce n’est pas l’Evangile.

Dans l’Evangile, il y a des bons et des mauvais, il y a certains qui sont sauvés et d’autres pas… et si nous sommes honnêtes, au fond de nous, nous trouvons ça normal et peut-être même juste. L’image d’un Dieu super-gendarme, c’est d’abord en nous qu’elle existe, dit Daniel Marguerat.

Si Dieu se fiche de tout, valide tout, ne fait aucune distinction entre le bien et le mal ; si dans le Royaume, se côtoient, sans distinction Hitler et Jésus-Christ ;  Néron et Saint-François d’Assise, Gengis Khan et Abraham … C’est à désespérer. Nous avons besoin –  que  Dieu soit juste.

C’est la parabole des ouvriers qui vont travailler dans la vigne à différentes heures de la journée et qui reçoivent le même salaire à la fin stimulent toujours chez nous une  réaction négative : c’est pas juste. 

Mais est-ce que nous ne posons pas mal la question en imaginant que la ligne de partage entre le bon et le mauvais passe entre les individus ? Est-ce que nous ne pourrions pas imaginer que cette ligne passe à l’intérieur des êtres ?

Notre vie est faite de bien et de mal, de choses terrestres et contingentes et de choses merveilleuses. Est-ce que le jugement ne pourrait pas être le tri entre ces deux dimensions.

En effet, si je suis sauvé, j’espère bien que je ne me retrouverai pas au paradis avec tous mes défauts, avec toutes ces choses qui ont pourri ma vie et celle de mes proches. J’espère bien que Dieu gardera le meilleur ! Mais le meilleur uniquement.

Le reste est bon pour la Géhenne … et la géhenne, qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pas une sorte d’enfer particulièrement pénible, c’est la décharge publique, un gros tas  sur lequel, à Jérusalem, on mettait toutes les ordures, les choses inutiles mauvaises, et auquel, de temps en temps on mettait le feu. L’Enfer, c’est le retour au rien.

C’est d’ailleurs exactement ce que dit Paul dans sa première lettre aux Corinthiens : notre vie se construit avec différents éléments : de la paille comme de l’or, du foin comme de l’argent ou des pierres précieuses. Le jour du jugement, le feu éprouvera la construction de chacun… Seul ce qui vaut quelque chose subsistera éternellement.

Ainsi donc, le Jugement dernier pourrait-il ne pas être terrifiant, mais au contraire porteur d’une bonne nouvelle : à savoir que Dieu gardera de nous le meilleur. Le reste il l’oubliera. Et ça, c’est une bonne nouvelle. Amen.

 

TEXTE MEDITATIF II

Un saint homme tenait un jour une conversation avec Dieu. Il lui dit :

– Seigneur, j’aimerais savoir comment est le paradis et comment est l’enfer.

Dieu conduisit le saint homme vers deux portes. Il ouvrit l’une des portes et lui permit de regarder à l’intérieur. Au milieu de la pièce, il y avait une immense table ronde. Au milieu de cette table, il y avait une grosse marmite contenant un ragoût à l’arôme délicieux. Le saint homme saliva d’envie. Les personnes assises autour de cette table étaient maigres, livides et malades. Elles avaient toutes l’air affamées. Elles tenaient des cuillères aux très longs manches, attachées à leurs bras. Toutes pouvaient atteindre le plat de ragoût et cueillir une cuillerée. Mais, comme le manche de la cuillère était plus long que leurs bras, elles ne pouvaient ramener les cuillères dans leur bouche. Le saint homme frissonna à la vue de leur misère et de leurs souffrances. Dieu dit :

– Tu viens de voir l’enfer.

Dieu et le saint homme se dirigèrent vers la seconde porte. Dieu l’ouvrit. La scène était identique à la précédente. Il y avait la grande table ronde, la marmite de délicieux ragoût qui fit encore saliver le saint homme. Les personnes autour de la table étaient également équipées des cuillères aux longs manches. Cette fois, cependant, les gens étaient bien nourris, replets, souriants et se parlaient les uns aux autres en riant. Le saint homme dit à Dieu :

– Je ne comprends pas !

– Attends, dit Dieu … regarde.

Et tout à coup, les personnes qui étaient autour de la table commencèrent à manger. Mais au lieu de se nourrir elles-mêmes avec leur trop grande cuillère, elles nourrissaient toute une autre personne.

 

 

 

 

 

 

 

 

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