Texte méditatif I

Dimanche 14 janvier.
Au cours de ces deux dernières semaines,
Bien sûr, il y a des centaines et des milliers de sapins de Noël qui ont passé à la poubelle
Mais il y a aussi des centaines et des milliers d’yeux qui ont gardé la lumière reçue
Bien sûr il y a des estomacs qui ne se sont pas entièrement remis de certains abus de douceurs
Mais il y a des cœurs qui savourent encore la douceur de certaines heures
Il y a peut-être des restes de fatigues
Il y a peut-être des restes de traits tirés
Mais il y a aussi des joies toutes rajeunies
D’avoir connu de belles veillées
Passées avec des êtres chers.

Bien sûr il y a peut-être des porte-monnaie un peu vides
Mais il y a aussi des souvenirs pleins de tendresse.

Finalement, dans ces jours de fête,
On a fait les choses les plus importantes de la vie :
On a été ensemble
On a resserré les liens
On a reçu et donné du bonheur
Et peut-être même qu’aux minutes les plus privilégiées,
On a senti l’épaule de Dieu contre la nôtre.

Maintenant on est à la mi-janvier.
Et nous avançons dans un mois sans folie.
Les jours qui viennent ont la tête sur les épaules
Mais pour que l’année soit bonne,
Il faut que dans nos cœurs,
La fête dure encore au moins 350 jours, non ?


Lecture biblique Quelques versets du Psaume 103

Je veux remercier le Seigneur

Je veux remercier le Dieu saint de tout mon cœur
Oui, je veux dire merci au Seigneur
Sans oublier un seul de ses bienfaits.
(…)
Le Seigneur rend des jugements justes
Il faut justice aux gens sans défense.
(…)
Comme les cieux dominent la terre
Son amour est immense pour ceux qui le respectent.
Comme le levant est loin du couchant
Il met loin nos fautes très loin de nous.

L’homme ? Sa vie est comme l’herbe
Elle ressemble à la fleur des champs.
Elle commence à fleurir
Mais que le vent passe : elle disparaît
Et on ne sait même plus où elle était.

La fidélité du Seigneur
Dure depuis toujours et pour toujours
Bénissez le Seigneur, vous, toutes ses œuvres
Et moi, à mon tour, Je dirai merci au Seigneur.

Méditation

Allez ! Une fois n’est pas coutume, je commence par une phrase que vous auriez pu lire – comme moi – dans Wikipedia : « Les motets de Jean-Sébastien Bach sont des œuvres composées pour des funérailles ou des cérémonies commémoratives. Ce qui les distingue des autres œuvres, c’est la modestie ou l’absence d’un accompagnement instrumental et le choix plus libre des textes. »

Quand j’ai lu cette phrase, je me suis dit « ça, c’est intéressant. Je vais allez voir pour quel personnage Jean-Sébastien Bach a écrit le BWV 225 et le BWV 229 ». Et là, j’ai fait choux blanc.
On sait pour qui il a écrit le BWV 226, 227, 228, mais 225 et 229 : inconnu.
Je me suis dit alors : « Ce n’est pas si mal finalement. Ça va nous éviter de nous focaliser sur un personnage historique et nous permettre de conserver l’essentiel de ces motets, aux dépens de l’accessoire ».

On considère souvent le motet que nous venons d’entendre comme l’une des œuvres les plus complexes et techniquement les plus difficiles que Bach ait jamais composées pour un choeur.

Lors de son passage à Leipzig en 1789, on raconte que Mozart fut très fortement impressionné à l’écoute de ce motet. « Le chœur avait à peine chanté, rapporte un chroniqueur, que Mozart se leva, stupéfait : « Mais qu’est-ce donc que cela ? Enfin une œuvre où je peux apprendre quelque chose ! » ». Mozart ne voulut pas partir avant d’avoir examiné les partitions, à genoux, étalant les différentes parties à terre et sur les chaises autour de lui. »

Si ce motet est si extraordinaire, si les motets de Bach, de manière générale, le sont tellement, ce n’est probablement pas un hasard.
Pour Bach, composer sur le thème de la mort – avec tout ce que cela implique, naturellement pour le chrétien qu’il était, c’est-à-dire, la mort et la résurrection, la vie présente et la vie à venir – composer sur le thème de la mort est tout sauf anodin.

Bach a perdu sa première épouse en 1720, il a 35 ans. Et au long de sa vie, Bach, qui aura 20 enfants de deux mariages différents, va perdre Maria, Johann, Leopold, Sophi, Christina, Ernestus, Regina, Benedict, Dorothea, Johann. Dix enfants.
Dix enfants que Jean-Sébastien Bach perd soit à la naissance, soit dans les toutes premières années de leur vie.
Décidément, dans la vie de Bach, la mort s’invite très régulièrement.

Et la question qui se pose, bien sûr, c’est « Comment on fait ? Comment on fait pour s’alléger dans une vie aussi malmenée ? Comment on fait pour survivre, tout simplement ? »
Il y a de nombreuses manières de répondre à la question, bien sûr. Par exemple l’humour. L’humour de quelqu’un comme Woody Allen. Je ne sais pas si vous êtes comme moi ; j’aime beaucoup Woody Allen. Quand il écrit :

« Tant que l’homme sera mortel, il ne sera jamais décontracté »
« Si Dieu existe, j’espère qu’il a une bonne excuse ».
« Je n’ai pas du tout peur de mourir, mais au fond quand ça arrivera, je préfère ne pas être là ».

… on retrouve ce prodigieux humour juif qui prend très au sérieux les questions existentielles et qui parvient à mettre de la distance.

Et puis il y a l’art. ET chez quelqu’un comme Bach par exemple. L’art qui chez lui se double de la reconnaissance.

Ce n’est pas parce que la vie est difficile
Ce n’est pas parce que la mort est sans cesse aux aguets
Ce n’est pas parce qu’une vie d’homme – même s’il ne lui arrive aucun malheur particulier – n’est pas très longue finalement
… qu’il faudrait se désespérer
Et laisser tomber tout effort de création
En se disant « A quoi bon » ?

Même si un petit démon lui susurre …
« A quoi bon écrire une belle musique pour saluer un homme s’il vient de traverser la sombre vallée de la mort ? Il faut être fou pour cela.
A quoi bon écrire une belle musique pour saluer la grandeur de Dieu si cette grandeur semble ne rallonger en rien la vie des hommes ?
A quoi bon écrire une belle musique pour les humains si les humains vivent moins longtemps que les tilleuls ?
C’est une entreprise insensée ! »

La conviction chrétienne de Bach,
C’est, bien sûr que la grandeur,
La beauté,
La noblesse
De la vie d’un homme n’a rien à voir avec le nombre de semaines, de mois ou d’années qu’il a passé sur cette terre !


« Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages, écrivait l’Apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe ; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ». En disant cela, il entendait leur montrer que ce qui est raisonnable dans le monde ne l’est pas nécessairement dans le monde tel que Dieu l’imagine, tel que Dieu le dessine, tel que Dieu le prépare.

Ce n’est pas parce que les communautés chrétiennes créées par l’Apôtres étaient fragiles qu’elles n’avaient aucune valeur,
Ce n’est pas parce que la vie des hommes, à l’époque de Bach, était suspendue à un fil qu’elle n’avait aucun poids

C’est un peu comme la venue de l’Ensemble Vocal de Lausanne à Cantate et Parole.
L’EVL, c’est synonyme d’un nombre incalculable d’enregistrements,
L’EVL, c’est synonyme de si nombreux prix qu’on ne les cite plus
L’EVL, c’est synonyme de tournées internationales, de salles prestigieuses, de festival à renommée mondiale

ET puis, ce soir, l’EVL est là
A l’Eglise Saint-Laurent
En sachant parfaitement bien qu’il n’y a pas de critique dans cette église
Qu’il n’y aura pas de papier demain dans la presse.
L’EVL est là parce qu’il aime cette musique de Bach et qu’il aime à la partager. C’est tout.

Merci à l’Ensemble Vocal de Lausanne
Merci à Bach de n’avoir pas désespéré de la vie et de la bonté de Dieu et d’avoir écrit cette musique exceptionnelle
Merci à Dieu qui ne cesse de croire en l’homme
Même lorsque tout ne se déroule pas comme prévu.

***
Et par conséquent,
Même si l’homme est comme la fleur,
Même si un coup de vent le fait disparaître
Chantez au Seigneur un chant nouveau.

Amen.

Texte méditatif II

Consentir à naître …

Si c’était vrai que la mort est une nouvelle naissance,
Si c’était vrai que « nous ne sommes pas au monde »,
comme disait Rimbaud ?
Si c’était vrai que « au-delà de la mort », il y a la douce pitié de Dieu ?
Si c’était vrai que les morts sont les vivants d’un monde nouveau où « de mort il n’y aura plus » ?

Si vraiment la mort est une nouvelle naissance, alors regardons ce qui s’est passé à notre naissance. Nous tenons un point de comparaison, ne le lâchons pas.

Voilà donc un fœtus de huit mois. Il est chaudement entouré, bien protégé, bien nourri par ce cordon ombilical où il puise tout ce dont il a besoin. Il n’a nulle envie de quitter ce milieu nourricier si protecteur. Sa sécurité est entière et voilà qu’on viendrait lui dire :
« Tu sais, la vraie vie n’est pas là. Il te faut naître enfin. Quitte cet environnement douillet. Sors de cet habitacle où tu te crois vivant et apprends enfin à vivre dans le monde des vivants. »

« Mais j’aurai froid, faim, peur ? Mais je vais crier ? Vous êtes fous de me demander de choisir ce risque totalement inconnu. »

Peut-être est-ce cela mourir ? Naître à nouveau, à un monde tout autre, dans l’inconnu.

On expliquerait ainsi la peur universelle des hommes. Car personne n’a envie de quitter les certitudes que sa foi lui offre.

Ne tombez pas dans la peur de la mort, écrit Jean Debruynne, elle n’existe pas. Ce qui existe, c’est ma mort à moi, c’est votre mort à vous, c’est la mort de chacun. Votre mort fait partie de votre vie. Il arrive un moment où votre vie est trop pleine. Elle ne tient plus dans votre vie. Comme il arrive un moment où le rosier ne tient plus dans son pot, parce que le pot est devenu trop petit. Il faut alors transplanter le rosier.
La mort va planter votre vie ailleurs, dans une autre lumière, au sourire d’un autre soleil.

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