La prière
Il nous arrive de renoncer à la prière
parce que, disons-nous,
le monde est une grande machine qui obéit aux lois naturelle
et ce n’est pas notre prière qui peut y changer quoi que ce soit.
Les lois naturelles …
ce sont elles qui veulent, par exemple,
qu’un morceau de fer ne flotte pas sur l’eau.
Et pourtant, jour et nuit, des millions de tonnes de fer
flottent parfaitement sur tous les océans.
C’est que, en combinant entre elles plusieurs lois naturelles,
on obtient des résultats qui ne se trouvent pas dans la nature : par exemple, un bateau, vraie montagne de tôle, qui se tient sur l’eau aussi à l’aise qu’un bouchon.
La prière n’a pas de sens si elle demande qu’un morceau de fer flotte sur la mer ;
mais elle a un sens si elle demande que le bateau soit construit.
Les choses sont plus complexes que ne les imaginent nos idées parfois simplistes.
Et il y a dans le monde beaucoup plus de place qu’on ne croit pour la prière.
Car elle peut agir de mille façons que nous ne soupçonnons même pas.
D’ailleurs, c’est toujours quand nous ne prions plus que nous disons que cela ne sert à rien.
Mais dans les meilleurs jours, nous sentons bien que nos prières
font naviguer bien des choses qui, sans elles, couleraient à pic.
Texte biblique
SEIGNEUR, les gens mauvais sont fous de joie,
mais jusqu’à quand ?
4Ils font des discours, ils parlent avec mépris,
ils se vantent, tous ces gens qui font du mal.
5SEIGNEUR, ils font souffrir ton peuple,
ils écrasent par l’injustice ceux qui t’appartiennent.
6Ils tuent la veuve et l’étranger,
ils assassinent les orphelins.
7Ensuite, ils disent : « Le SEIGNEUR ne voit rien,
le Dieu de Jacob n’y fait pas attention. »
(…)
14Non, le SEIGNEUR ne laisse pas son peuple,
il n’abandonne pas ceux qui lui appartiennent.
15On rendra de nouveau des jugements justes,
et tous ceux qui ont le cœur pur les respecteront.
(…)
19Quand j’ai la tête pleine de soucis,
tu m’encourages, et mon cœur est tout joyeux.
Temps de parole
Nous nous plaignons souvent.
Nous nous plaignons de notre conjoint,
de nos enfants,
de nos parents,
de nos voisins,
de nos dirigeants,
de nos collaborateurs,
de nos patrons,
de nos collègues,
de nos pasteurs,
de nos paroissiens,
de notre Eglise,
des robinets qui fuient,
des voitures qui nous lâchent,
de notre corps qui flanche,
du temps qu’il fait,
du temps qui passe…
Et je pourrais continuer comme ça presque indéfiniment.
En fait nous ne sommes pas très différents des personnages bibliques.
La Bible est pleine de plaintes,
de lamentations, de cris de détresse.
« Seigneur, les gens mauvais sont fous de joie
Mais jusqu’à quand ?
Ils font des discours
Ils parlent avec mépris
Ils écrasent par l’injustice ceux qui t’appartiennent » avons-nous relu dans le Psaume 94
Et dans un registre plus individuel, Bach reprend cette plainte :
Comment as-tu pu, mon Dieu
Dans ma détresse,
Dans ma crainte et mon découragement
Te détourner entièrement de moi ?
(…)
Tu étais mes délices
Et tu m’es devenu cruel.
Je te cherche en tous lieux
Je t’appelle
Je te réclame à grands cris
Mais je n’entends que ma propre plainte
Et ma lamentation.
Il semble que tout cela te soit indifférent.
… pour le dire en termes moins délicats : « j’ai l’impression que tu t’en fous ».
Ce qui nous étonne souvent, dans la lecture d’un Psaume – ce qui nous irrite parfois -, c’est que quelques lignes plus loin, la plainte se transforme en louange. Et le Psaume ne fait pas exception… quelques versets plus loin on lit : « Quand j’ai la tête pleine de soucis, tu m’encourages et mon cœur est tout joyeux.
Ces renversements sont même tellement systématiques qu’on se pose des questions :
• Est-ce que le Psalmiste exprime une véritable plainte ?
• Est-ce qu’il manque de courage pour aller jusqu’au bout de sa colère ?
• Est-ce que son éducation, sa formation religieuse lui interdisent de rester sur le registre de la plainte, et qu’il se sent obligé de finir par la louange ?
• Ou alors c’est la méthode Coué : à force de me dire et de me redire que Dieu va me sauver, il finira bien par me sauver.
Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur ce sujet puis qu’il ne s’agit de rien moins que de la prière et de son exaucement.
Pour notre méditation de ce soir, je retiendrai trois points :
1. D’abord pour souligner que j’ai le droit de me plaindre. Je suis même invité à le faire régulièrement. Pour s’en convaincre, il suffit de relire la parabole de la veuve et du juge dit « inique ». Vous vous souvenez. Cette veuve qui va chaque jour trouver un juge douteux… et qui obtient finalement gain de cause parce qu’il est fatigué de ses visites.
Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu auprès duquel on peut râler. Il n’exige pas des prières en grande tenue, avec un vocabulaire choisi, et en prenant bien soin de laisser de côté toutes ses émotions et toutes les questions qui fâchent.
2. Ensuite, ce n’est pas parce que je me plains auprès de Dieu, que Dieu va arranger les choses d’un coup de baguette magique. Lorsque nous dans le « Notre Père » qu’il est au ciel ce n’est pas parce que nous aurions gardé la naïveté des enfants, mais c’est que cette image nous rappelle que Dieu ne nous appartient pas. Nous n’avons pas de prise sur lui. Il nous échappe.
3. Et puis que dans nos bibles, lorsque nous lisons un Psaume, il n’y a jamais de didascalie. Les didascalies, ce sont ces petits textes qu’on trouve dans les pièces de théâtres et qui indiquent soit un mouvement, soit une émotion, soit le rythme avec lequel il faut interpréter la réplique suivante. Aucune didascalie dans nos psaumes. Et pourtant … entre les premiers versets et les derniers versets de notre psaume… il y a peut-être une heure, un jour, une semaine !
Une semaine pendant laquelle la plainte a résonné dans le cœur du psalmiste, et une semaine aussi qui lui a permis de voir ailleurs, de voir plus large, de regarder de plus loin. Et de mesurer la fidélité de Dieu, aussi bien dans ma propre vie que dans la vie des témoins que l’on découvre dans les textes bibliques.
Et du même coup, lorsque je poursuis ma conversation avec Dieu, je la poursuis dans une autre émotion.
4. Et puis pour terminer, nous devons bien admettre que lorsque nous prions, nous aimerions que « ça change » ! Que la maladie disparaisse, que la guerre se termine, que la sécheresse s’interrompe … alors que le Psalmiste dit tout autre chose.
Dans le verset 19, qui est le premier verset avec lequel Bach construit sa cantate, il ne dit pas « quand j’ai la tête pleine de soucis, tu résous mes problèmes »… il dit « quand j’ai la tête pleine de soucis, tu m’encourages ». ça n’a rien à voir.
Texte méditatif
Une nuit, j’ai eu un songe.
J’ai rêvé que je marchais le long d’une plage, en compagnie du Seigneur.
Dans le ciel apparaissaient, les unes après les autres, toutes les scènes de ma vie.
J’ai regardé en arrière et j’ai vu qu’à chaque période de ma vie,
il y avait deux paires de traces sur le sable:
L’une était la mienne, l’autre était celle du Seigneur.
Ainsi nous continuions à marcher,
jusqu’à ce que tous les jours de ma vie aient défilé devant moi.
Alors je me suis arrêté et j’ai regardé en arrière.
J’ai remarqué qu’en certains endroits,
il n’y avait qu’une seule paire d’empreintes,
et cela correspondait exactement avec les jours les plus difficiles de ma vie,
les jours de plus grande angoisse,
de plus grande peur et aussi de plus grande douleur.
Je l’ai donc interrogé :
» Seigneur… tu m’as dit que tu étais avec moi tous les jours de ma vie
et j’ai accepté de vivre avec Toi.
Mais j’ai remarqué que dans les pires moments de ma vie, il n’y avait qu’une seule trace de pas.
Est-ce que tu vas me dire pourquoi tu m’as laissé seul seul aux moments où j’avais le plus besoin de Toi. «
Et le Seigneur répondit :
Pour les jours les plus lourds de ta vie, c’est vrai, il n’y a qu’une trace de paix. Mais c’est parce que ces jours-là, je te portais.
Ademar De Barros