Texte méditatif

Il y a la place que j’espère,
Celle que j’attends,
Celle que je préfère
Il y a la place que je refuse
Celle qui me déprécierait
Me déshonorerait
Il y a la place que je vis mal
La place que je supporte
La place que je tolère
J’aimerais tellement pouvoir choisir
Et parfois, je ne choisis pas.

Il y a la place dont je pourrais être fier
Celle à laquelle j’aimerais qu’on m’associe
Celle où je pourrais m’épanouir
Et qui sait, où je pourrais grandir

Il y a la place que je prends par dépit
Celle où je me sens racorni
Il faut bien que quelqu’un la prenne

Et puis un jour
Un jour peut-être
Je trouve la place qui est la mienne
Celle que Tu as réservée pour moi
Il y a longtemps qu’elle était là, bien sûr
Mais moi, je ne la voyais pas.

O Dieu, pour la prochaine fois
Si tu pouvais ouvrir mes yeux
Pour que je ne passe pas mille fois
A côté de ce que tu veux.

Méditation

Je lisais récemment un journal qui donnait la parole à Madame de Rothschild. Et bien entendu le journaliste lui posait des questions sur la manière de recevoir. Et de bien recevoir.

Quel est l’ordre idéal pour la table ?

Il faut tout d’abord placer son invité d’honneur, puis les autres, en fonction de leur statut. Les jeunes célibataires sont placés en bout de table. On sépare les couples mariés sauf s’ils sont mariés depuis moins d’un an.
Lorsque vous êtes invités à une noce, ne vous mettez jamais dans les premières places, de peur qu’on vous déplace, vous seriez ridicules.

On peut se retrouver face à un nombre impressionnant de couverts. Comment savoir par où commencer ?
 
Généralement, on commence par utiliser les couverts les plus éloignés de l’assiette pour se rapprocher petit à petit.

Quel est la pire chose que l’on puisse faire durant un dîner mondain ?

Mais il y en a hélas plein : poser le téléphone sur la table, parler la bouche pleine, s’accouder, etc.


Dans ce que je viens de vous lire, il y a quelques lignes qui ne sont pas de Madame de Rothschild : lesquelles ? Celles consacrées à l’invitation à une noce, bien sûr, que l’on retrouve au chapitre 14 de l’Evangile de Luc. « Quand tu es invité à des noces, ne va pas t’installer à la première place. » Et pourtant, avouez que, posées juste à côté de celles de Madame de Rothschild, elles ne dépareillent pas! Et c’est ça qui est étrange ! Qu’un enseignement de Jésus soit finalement proche d’un conseil de savoir-vivre de Madame de Rothschild !

A croire les spécialistes de de Bach, ce texte de Luc l’un des deux textes que Bach a médités, puis à partir desquels il a composé cette cantate no 47. Donc on va s’y arrêter un peu aujourd’hui.

Je vous le relis :

7Jésus voit que les invités choisissent les premières places à table. Alors il leur donne ce conseil : 8« Quand quelqu’un t’invite à un repas de mariage, ne va pas t’asseoir à la première place. En effet, on a peut-être invité quelqu’un de plus important que toi. 9Et celui qui vous a invités tous les deux va te dire : “Donne-lui ta place.” Alors, plein de honte, tu devras t’asseoir à la dernière place. 10Au contraire, quand quelqu’un t’invite, va t’asseoir à la dernière place. De cette façon, celui qui t’a invité te dira en arrivant : “Mon ami, prends une meilleure place.” Alors, tous ceux qui sont à table avec toi verront combien tu es respecté. 11En effet, celui qui veut être au-dessus des autres, on lui donnera la dernière place. Et celui qui prend la dernière place, on le mettra au-dessus des autres. »  
 
On est bien en face d’une « stratégie de savoir vivre ».
–    Ne va pas t’assoir à la première place pour éviter qu’on ne te déplace et que tu ne sois rouge de honte
–    Installe-toi à la dernière place pour qu’on t’invite à choisir une place meilleure et que « tous ceux qui sont à table avec toi voient combien tu es respecté.

C’est tout de même bizarre comme enseignement venant de quelqu’un qui n’a pas la réputation de passer son temps dans les salons mondain, et encore moins la réputation de caresser les nantis et les bien-pensants dans le sens du poil.
–    Quand on parle de lui et qu’on le compare à Jean-Baptiste, on dit que Jésus est « buveur et glouton »
–    Quand il est invité à dîner chez le pharisien Simon, il n’hésite pas à faire des reproches à son hôte, et ceci devant un prostituée.
–    La première fois qu’il se rend au temple, dans l’Evangile de Jean, il commence par tout casser.

Non, décidément, on voit mal la cohérence entre ces paroles et tout ce qu’on sait de Jésus par ailleurs.

C’est vrai aussi qu’il existe dans les Evangiles des paroles dont on pourrait dire qu’elles sont juste du bon sens. « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent … » par exemple. C’est du bon sens. C’est tout.
Evite d’avoir à rougie de d’être mal placé, c’est peut-être du bon sens aussi.

Mais il y a probablement plus.
Pourquoi Jésus donne-t-il ces conseils ? Parce que, nous dit Luc, « Jésus voit que les invités choisissent les premières places ». Ah ! C’est vrai. La première place. Ça, c’est une question récurrente dans la bible. Vous vous souvenez de la demande de Jacques et Jean (Marc 10, 35-45) d’être assis, dans le Royaume, à côté de Jésus ? Et vous vous rappelez de la séduction du serpent dans la Genèse à propos de l’arbre interdit, au centre du jardin « Vous ne mourrez pas … mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme les dieux, vous posséderez la connaissance de ce qui est bon ou mauvais ». (Genèse 3,5). La première place. Même la place de Dieu. C’est séduisant.

Et peut-être que Jésus, dans ce passage, ne dit que ceci : Ne pousse pas des coudes : tiens TA place. Rien que TA place, mais aussi toute TA place.

Et ce passage peut faire écho à un autre, toujours dans l’Evangile de Luc : celui où l’on voit un pharisien et un péager dans une synagogue. Le pharisien rend grâce à Dieu du fait qu’il est un type très bien : il n’est pas comme les autres hommes qui sont voleurs, malfaisants et adultères, il jeûne deux fois par semaine et il paie la dîme. Et puis derrière lui il y a un collecteur d’impôts qui dit tout simplement à Dieu « prends pitié du pécheur que je suis ». Et ces mots du péager ont certainement inspiré le texte de notre cantate « L’homme est fange, pestilence, poussière et glèbe. Est-il possible que par outrecuidance, comme une progéniture du diable, il soit ainsi ensorcelé » ?
Et vous connaissez la fin : Jésus déclare que c’est le collecteur d’impôt, c’est celui qui se bat la poitrine, qui est pardonné et pas le pharisien.

Nous avons évidemment une sensibilité différente de celles des auteurs que Bach utilise. Nous avons de la peine à nous dire que nous sommes « fange, pestilence, poussière ».
Nous avons redécouvert que la phrase « aime ton prochain comme toi-même » sous-entendait que si nous nous méprisons, si nous nous détestons, si nous nous accablons nous-mêmes, peut-être nous sera-t-il bien difficile d’aimer nos semblables.

Peut-être devrions-nous, là aussi, tenir NOTRE place. Rien de plus. Mais rien de moins.
Mais comment faire ?

Nos amis juifs ont su avec génie transmettre des valeurs, des intuitions, des convictions par des histoires. En voilà une à propos d’un riche et d’un pauvre qui sont dans une synagogue et qui prient. On est dans une histoire d’argent, mais derrière l’argent, vous verrez, il peut y avoir autre chose.
Le riche prie en disant :
–    Ô Dieu, tu vois dans quelle situation délicate je suis. Mon entreprise va très mal. Si je ne trouve pas une solution radicale, je vais devoir faire faillite … et tu vois le nombre de pères de famille je vais laisser sur le carreau. J’ai besoin d’un million dans la journée. Je t’en supplie.
La pauvre prie aussi, en disant :
–    Ô Dieu … tu vois dans quelle situation délicate je suis. Je n’ai rien mangé depuis trois jours. Il faut à tout prix que je trouve le moyen d’acheter un sandwich. Je t’en supplie, mon Dieu, sinon, je vais mourir de faim.
Et les deux prient de plus en plus fort. Pour que l’Eternel écoute et exauce. Et au bout d’un moment le riche, n’en pouvant plus, se retourne vers le pauvre et lui dit :
–    Tiens ! Voilà 5 francs. Va t’acheter un sandwich et laisse Dieu s’occuper des choses sérieuses.

Derrière l’histoire d’argent, derrière l’histoire drôle, il y a la question de la place. Du rôle. Ma place, c’est de faire ce que je peux, là où je suis. Et de confier à Dieu ce qui me dépasse. Ce pourquoi je me sens démuni, inadéquat, incapable.

Renoncer à mon rêve de « premier », mon rêve de grandeur, parce que, comme disait Coluche, la bonne grandeur, c’est quand on a les deux pieds qui touchent par terre.

Amen.

Texte méditatif

Note Père, Il a suffi que je rentre
Pour que tous mes soucis rentrent aussi.
Mon inquiétude pour le beau-frère malade
Et celle pour le petit-fils au chômage
L’inquiétude pour l’aîné
Menacé de perdre son emploi
L’inquiétude pour le petit
Qui nous répond tout de travers
Depuis qu’il a seize ans …
L’inquiétude pour Flo
Qui est partie vivre n’importe où
Avec un garçon que je ne connais pas.
Notre Père,
Je ne te demande pas
De balayer mes inquiétudes
Je sais bien que tu n’es pas chargé
De faire le ménage chez moi
Notre Père,
Je ne te demande pas
De me débarrasser de mes soucis
Notre Père
Je te demande de me donner
Assez de simplicité
Pour accepter que mes soucis
Et  mes inquiétudes
Me disent que je suis fragile
Pour accepter de t’en parler
Et me rappeler que je ne suis pas Dieu.

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