Bienvenue
Bienvenue !
Soyez les bien-venus
Les bougies sont allumées
Les violons sont accordés
L’hiver est presque arrivé
Le temps est venu d’écouter …
De nous retrouver
De méditer.
Bienvenue
Texte méditatif I :
Parfois, il nous arrive d’avoir envie de croire.
Il nous arrive d’avoir envie, pour nos vies,
D’une parole qui ne monte pas de nous-mêmes, mais nous en fasse sortir.
Mais nous nous sentons au-dehors.
Et ceux qui sont au-dedans ne nous persuadent pas toujours.
Il nous arrive parfois de coller notre visage aux vitres
Et nous les voyons qui parlent
Qui prient
Qui chantent
Qui s’assemblent
Nous les entendons dire qu’ils s’assemblent en ton nom
Mais ce nom nous demeure étranger
Alors nous nous éloignons.
En disant que nous aimerions croire …
Au fond … nous ne sommes pas sûrs
Que la foi soit utile à la vie
Comme le levain l’est à la pâte,
Le sel à la terre,
Et la sève aux sarments.
Nous ballottons.
Un jour nous désirons la foi
L’autre jour, nous la décrions.
Nous avons bien compris
Que rien ne nous l’impose
Et que rien ne nous l‘interdit.
Car le seul secret de la foi, finalement
C’est qu’elle n’en a pas d’autre que celui de notre liberté.
La foi est une histoire à laquelle
Je peux associer mon destin
Si je veux vivre sur le chemin
Où sans cesse tu lèves et tu relèves des hommes.
Mais pour que je puisse me mettre dans la foi
Il faut que tu mettes la foi en moi.
Non ?
Méditation
Seigneur, je t’aime de tout cœur !
Souvent le monde est un ennui
De toi jamais je ne me lasse / Ni le jour, ni la nuit.
Même au moment de mon trépas, tu resteras mon ferme espoir,
Mon Dieu, mon Roi,
Ne déçois pas ma faible foi !
C’est le texte du début de cette cantate.
Et c’est étonnant !
Après des phrases qui sont de véritables « déclaration d’amour » comme « Seigneur je t’aime de tout mon cœur » ou « Jamais de toi je ne me lasse, ni le jour, ni la nuit » on se dit : voilà quelqu’un dont les sentiments, la conviction la passion pour ne pas dire « la foi » paraissent bien solides ! Et cette première partie du texte se ter-mine par un sérieux bémol : « Ne déçois pas ma faible foi ».
L’auteur du texte choisi par Buxtehude, sait bien que la conviction, la confiance, la foi ne sont jamais acquises mais toujours à renouveler, réparer, restaurer.
La conviction, la confiance, la foi sont tout sauf un chèque en blanc qu’on aurait signé une fois pour toutes et qui nous permettrait de traverser l’existence avec une assurance bienfaisante.
D’où cette prière qui est formidable de simplicité : « Ne déçois pas ma faible foi ».
Souvent, chez les chrétiens, le verbe décevoir s’applique à l’être humain. C’est l’être humain qui déçoit Dieu. C’est l’être humain qui rate la cible qu’il s’était fixée. C’est l’être humain qui est pécheur et qui demande pardon parce qu’il a « déçu » Dieu. Et là c’est le contraire.
Attention, Dieu … ne me déçois pas ! Fais gaffe ! C’est déjà tellement difficile la foi … ne me déçois pas sinon, c’est la cata.
Parce que nous le savons bien tous : quand nous sommes « déçus », c’est parfois tout un édifice qui s’effondre.
Au tout début de mon activité au Théâtre du Jorat, j’ai mis en scène « Aliénor ». Et un soir, après une représentation, j’ai entendu un spectateur dire à la jeune comé-dienne qui jouait « Aliénor » en la regardant manger du saucisson : « Je suis déçu ». C’est toute l’image féérique, mythique, poétique qu’il avait de ce personnage
Qui disparaissait d’un coup parce que la jeune femme qui mangeait du saucisson ne pouvait pas être la même que cette sublime Aliénor.
Je crois que ce spectateur disait quelque chose de très profond qui peut nous don-ner un peu de grain à moudre ce soir.
Quand je dis, « je suis déçu » au fond, qu’est-ce que je dis ? Je dis « J’avais une image, un rêve, une conviction » et tout cela s’effondre. Donc lorsque je dis à Dieu « Ne me déçois pas. », je lui dis, de fait : «Ne change rien. Permets-moi de croire en toi comme je crois en toi. Voilà ce que je pense de la vie, des hommes, de l’amour, de la solidarité, de la mort, de Dieu. Ne bouleverse surtout pas tout cela. »
Or toute la bible nous raconte le contraire.
L’Ancien Testament regorge d’histoires d’hommes et de femmes dont la vie a été perturbée, chahutée, bouleversée. D’hommes et de femmes qui avaient des convic-tions, qui avaient choisi une manière de vivre, qui avaient même une religion … et qui ont été appelé à changer.
A commencer par Abraham, bien sûr. « Quitte ton pays, ta patrie et la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai ». (Genèse 12, 1). Mais c’est aussi Moïse : « Va, parle à Pharaon roi d’Egypte pour qu’il laisse sortir mon peuple » (Exode 6, 11). Et Moïse n’a pas envie du tout. Il trouve toutes sortes de bonnes rai-sons pour ne pas y aller. C’est Josué : « Va délivrer Israël des Madianites » (Juges 6, 14). Et Josué pleurniche. « Comment veux-tu que je délivre Israël, je suis le plus jeune de ma famille et mon clan est le plus faible de la tribu de Manassé »
Dans le Nouveau Testament, c’est exactement la même chose.
Le peuple d’Israël attendait un Messie, un envoyé de Dieu puissant qui allait jeter les Romains hors du pays … et c’est un enfant qui naît dans une étable. Et cet en-fant va devenir un raconteur d’histoire qui ne cesse de proposer un ailleurs ! Qui ne cesse de modifier les questions au lieu de donner des réponses bien carrées.
Pour les disciples qui rencontrent un aveugle, la question est simple : si c’est homme est aveugle, c’est que lui ou ses parents ont péché. Et Jésus va leur expliquer que non. Et quand on lui pose une question aussi simple que : donne-nous la liste de ceux que nous pouvons considérer comme prochains, Jésus raconte une histoire … « Il y avait un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho ».
La mort de Jésus : crucifié. C’est un parfait ailleurs. Châtiment réservé aux crapules. Pour celui que ses disciples considéraient comme l’envoyé de Dieu … Et la résur-rection, bien sûr, est l’ailleurs radical auquel personne ne s’attendait.
Non décidément, rien n’était comme prévu.
Mais être constamment emmené ailleurs, surpris, déboussolé, c’est fatiguant, c’est déconcertant. C’est même parfois décourageant.
Voilà pourquoi les Vaudois ont inventé une formule. Une formule bien à eux pour dire ce paradoxeUne formule qui n’apparaît pas dans l’Evangile, mais qui pourtant pourrait parfaitement y avoir sa place.
Pour dire que ce n’est pas comme prévu mais que finalement ce n’est pas si mal, les Vaudois disent qu’ils sont « déçus en bien ».
Et c’est comme cela qu’on devrait lire le Psaume 25 ou le texte de Buxtehude, fina-lement…
« Seigneur, ne me déçois pas
Ne déçois pas ma faible foi
Ou alors … déçois-moi en bien. »
Amen.