Texte méditatif d’entrée
Vivre,
Vivre l’aujourd’hui,
Vivre l’aujourd’hui pleinement
Comme un bout d’éternité…
Accepter que le passé soit passé
Et ne plombe pas le présent…
Reconnaître que l’avenir ne nous offre pas de prise
Et vivre MAINTENANT, comme un morceau d’éternité :
La traduire en journées, en nuits,
En ciels, en paysages,
La vivre en gestes vérifiables,
En confiance accordée,
En amour palpable…
Ces moments si présents
Où paraît si évident soudain
Que nous sommes de cette trempe-là…
Puissance de la confiance,
Mais faiblesse tout autant
Puisqu’on ne peut retenir ni emprisonner
la confiance étant de laisser aller…
c’est le grand saut qui engage demain
dont nul ne sait ce dont il sera fait…
confiance conjuguant l’espérance
pour moi, pour toi, pour eux, pour Dieu,
confiance sans fin
laissant loin derrière elle la sombre méfiance…
l’œil éclairé s’allume
et dit muettement la brûlure de l’amour
Texte biblique : Psaume 40/1-12
Pour l’attendre, je l’attends le Seigneur ! Oui, je l’espère !
Et voilà qu’il se penche vers moi et qu’il entend mon appel :
Il me fait remonter de la fosse du néant, de la vase des grands fonds…
Il me remet debout, les pieds sur un sol ferme, sur un rocher.
Il affermit ma marche !
Sur mes lèvres, il met un chant, un poème nouveau,
Une louange pour notre Dieu. Beaucoup en sont témoins :
Ils en frémissent et font aussi confiance à Dieu !
Oui, en marche et heureux le brave qui met sa confiance en Dieu plutôt que de se tourner vers les arrogants et les délateurs menteurs !
Qu’ils sont nombreux les projets et les merveilles que toi, Seigneur Dieu, tu accomplis pour nous ! Personne n’est comme toi !
Je voudrais les proclamer, les répéter, mais il y en a trop !
Tu m’as creusé des oreilles pour que je sois capable d’entendre, et d’entendre quoi ? : sacrifice sanglant et offrande, tu ne les désires pas ! holocauste et expiation, tu ne les demandes pas !
Alors, je dis : voici, je viens pour accomplir ta volonté, mon Dieu ; je le souhaite ardemment et ta loi est au cœur de mes entrailles. Oui, dans la grande assemblée j’annonce la justice !
Voici, je ne serre pas les lèvres, tu le sais, toi Seigneur, je ne cache pas ta justice au fond de mon cœur, mais à haute voix je proclame ta fidélité et ta délivrance. Devant les foules rassemblées, je ne dissimule pas ta vérité ni ta loyauté.
Toi, Dieu, tu ne tiens pas tes entrailles loin de moi, tu m’es proche ; ta loyauté et ta vérité toujours me préserveront !
Temps de parole
Il y a 4 semaines, nous entendions une cantate du tout jeune Bach – la 1ère semble-t-il… Ce soir, nous sommes portés par une cantate du temps de la grande maturité, 1737-8, écrite à l’occasion d’un mariage (toute la seconde partie à venir s’adresse aux mariés.)
De même que la 1ère partie du psaume 40 et le choral que nous venons de chanter tous ensemble, cette cantate est entièrement centrée sur le thème de la confiance. A première vue, on se dit que pour un mariage, c’est un assez bon thème, c’est le b-a, ba : comment avancer, cheminer, vivre ensemble s’il n’y a pas de confiance… Ou sinon alors, c’est que nous avons subi des blessures bien profondes…
Or, il ne s’agit pas d’abord de confiance mutuelle. Bach met l’accent sur la confiance – ou la foi – vous savez que ces deux mots ont la même racine – en Dieu… et à la suite du psaume 40, il nous dit le pourquoi de cette confiance, de cette foi. Et cela pourrait bien modifier notre angle de vue, notre regard sur Dieu et sur nous.
Qu’est-ce que le psaume nous dit de Dieu : il nous tire de la fosse du non-sens, du néant, de la vase des grands fonds. Il nous remet debout sur un terrain solide…
Qu’est-ce que la cantate nous dit de la confiance en Dieu : la terre promise ne nous épargne pas les épreuves ; mais au travers de ces difficultés de la vie, de ces épreuves, de ces incompréhensions, de ces malentendus, il y a un chemin possible et ce chemin est en lui-même terre promise…
Etonnamment, cela rejoint d’autres approches spirituelles : ainsi on attribue au Bouddha cette pensée : « il n’y a pas de chemin qui conduise au bonheur ; le bonheur, c’est le chemin ».
Je suis le chemin, dira Jésus ; c’est-à-dire, je ne suis pas le but ou la récompense, ou l’aboutissement final, mais bien, je suis chemin vers l’ultime. Et il en va de même avec les mots vérité et vie qui ne sont pas des abstractions ou des concepts philosophiques ni des états de bienheureux arrêtés ou figés dans leur cheminement, mais vie vraie dans l’amour partagé, très concrètement.
C’est ce qui permet au psaume d’appeler heureux ou « en marche » – même racine pour ces deux mots là aussi – celui qui place sa confiance dans ce Dieu qui tire de la fosse du néant et place l’humain sur un sol ferme, et non pas un Dieu rétributeur de nos existences…
C’est ce qui permet à la cantate de ce soir de reconnaître et d’affirmer que l’humain – vous, moi, nous – ne peut pas tout saisir, tout comprendre, ni tout tenir, précisément parce que nous sommes humains ! et que notre vue ou notre recul sont trop courts. Mais qui lui permet aussi de dire que le chemin est Terre promise…
Il se trouve que nous entrons dans le Temps de la Passion, ou du Carême : certes, au bout de ces 6 semaines, nous rappelons Pâques et la résurrection… , mais il ne faudrait pas oublier que pour ressusciter il faut bien aussi mourir, et que si nous voulons vivre des résurrections, il nous faut aussi vivre des morts, traverser des abîmes et des gouffres d’ombre-mort… C’est le chemin qui est Terre Promise ; le but pourrait bien être le chemin !… Et ce qui viendra après, après notre vie ou après notre mort, laissons-le à Dieu, abandonnons-lui ces soucis avec confiance puisqu’il est chemin ; puisqu’il le vit avec nous, qu’il nous accompagne sur ce chemin que nous avons la responsabilité de tracer…
Faire confiance ne veut pas dire nous décharger pour laisser Dieu agir à notre place… non ! C’est bien plutôt nous charger de notre croix – comme l’a dit et l’a fait Jésus – c’est-à-dire assumer notre vie et lui donner la forme ou la dimension du chemin, d’une terre promise qui n’a plus rien de géographique pour nous, mais qui est paix profonde et ouverture. Comme le dit aussi ce proverbe vietnamien : « ne crains pas l’étroitesse de la maison, crains bien plus celle du cœur… » et on pourrait ajouter celle des yeux, des oreilles et de l’esprit…
Faire confiance à Dieu c’est accepter de ne pas le voir pour mieux le vivre… à l’image de cette petite histoire :
Un jour, un petit poisson est allé voir sa mère et lui a demandé : maman, qu’est-ce que cette eau dont on entend tellement parler ? en riant, sa mère lui a répondu : comme tu es sot ! l’eau est autour de toi, elle est en toi et elle te donne la vie. Va un peu sur la terre et restes-y un moment, alors tu découvriras ce qu’est l’eau…
Un jour un jeune renard est allé voir son père et lui a demandé : papa, qu’est-ce que l’air dont on entend tellement parler ? en souriant, son père lui a répondu : comme tu es sot ! l’air est autour de toi, il est en toi, et il te donne la vie. Si tu veux savoir ce qu’est l’air, plonge ta tête dans un ruisseau et tu le découvriras…
Un jour, un homme est allé voir un sage et lui a demandé :
Toi qui es sage, répond à ma question : qui est ce Dieu dont on entend tellement parler ?….
Texte méditatif final
La vie, toute la vie,
son début et sa fin,
que l’on pleure, que l’on rie,
chaque jour un chemin…
il suffit de si peu pour perdre le courage
pour trouver la vie fade, vieux soudain avant l’âge…
un regard mal compris, un mot dit de travers
la confiance abattue par un malentendu…
il suffit de si peu pour reprendre chemin,
pour oser détacher ce qui nous entravait…
il suffit d’une parole qui creuse en nous la faim
la lumière permet l’ombre mais ne la nie pas…
nous sommes engagés dans ce même combat :
accueillir et nouer tous ces hauts et ces bas,
laisser loin derrière nous l’illusoire ligne droite,
abandonner le leurre d’une vie lisse et plate,
envisager l’épreuve comme un sel nécessaire,
connaître la fatigue, avoir genou en terre,
mais se savoir aimé, accepté et porté,
épaulés aujourd’hui et attendus demain…
la vie, toute la vie,
son début et sa fin,
chaque jour un chemin,
avec ses pleurs, ses rires…
Jésus devient chemin
et ne nous lâche point !….