Lecture
Matthieu 6, 5-13

 5Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour se montrer aux hommes. En vérité je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. 6Mais toi quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est dans le secret, et ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

7En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. 8Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. 9Voici donc comment vous devez prier :
Notre Père qui es aux cieux !

10Que ton nom soit sanctifié.
Que ton règne vienne ;
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

11Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien,

12Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

13Ne nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du Malin.
Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, Le règne, la puissance et la gloire. Amen !

Prédication

 « Qu’il en soit toujours selon la volonté de Dieu, dans la joie comme dans la peine, aux jours de bonheur comme dans les temps difficile » a chanté le chœur.

Et l’Alto a ajouté : « O bienheureux chrétien qui soumet en toute circonstance sa volonté à la volonté de Dieu ».

Et auparavant, nous avons relu cet extrait de l’Evangile de Matthieu dans lequel Jésus enseigne à ses disciples comment prier.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression que souvent, si nous réfléchissons bien ce que nous disons, ça n’est pas toujours simple de dire « Que ta volonté soit faite ».

  • Ça n’est pas toujours simple
    Parce que nous considérons parfois qu’entre le drap Zewi et le lit à barreaux  de notre petite enfance d’une part, le fauteuil roulant de notre vieillesse d’autre part, il y a un petit espace de liberté dont il faut profiter au maximum.
    Et qu’en disant « que ta volonté soit faite », c’est un peu à cette liberté que nous acceptons de renoncer.
  • Ça n’est pas simple parce que nous nous souvenons de la critique de la religion au 19ème siècle, et qu’un courant de la critique en tout cas consistait à déplorer la manière chrétienne de vider l’homme de sa volonté, de ses compétences, de ces qualités pour en nourrir Dieu. Et c’est à cause de cela que l’homme religieux n’était plus qu’une marionnette ridicule, un pantin affligeant.
  • Ça n’est pas simple parce que la « volonté de Dieu » a souvent un goût de « plan de Dieu » et que cela nous ramène à une théologie dont nous nous méfions; que l’on rencontre fréquemment chez nos frères dits « évangéliques » ou « charismati-ques » pour qui il y a un « plan de Dieu » pour chacun d’entre nous et aussi longtemps que nous ne l’avons pas compris, pas saisi, nous pédalons dans la sciure.
  • Ça n’est pas simple enfin, parce que chaque fois que les hommes ont eu le sentiment de connaître la volonté de Dieu, ils ont été capables du pire. «Dieu le veut !» criaient les croisés en tuant les chrétiens d’Orient et les Musulmans pour libérer les lieux saints. Et ils étaient convaincus qu’en agissant de la sorte, ils faisaient la volonté de Dieu.

Décidément cette petite demande du Notre Père « Que ta volonté soit faite » est bien ambigüe.

Mais au fond, est-ce bien la demande qui est ambigüe, ou la manière dont nous l’avons traduite ?

Il me semble que si cette demande du Notre Père, est pleine de malentendus, c’est que sa formulation liturgique est maladroite.

A commencer par ce verbe «faire».

Non pas parce que nous ne le comprendrions pas. Au contraire. Le verbe « faire » est un verbe que nous comprenons parfaitement bien. Nous sommes à l’époque du «faire», à l’époque des «affaires».

Nous sommes sans arrêt dans le «faire», comme on dit.

Nous en faisons souvent … toujours plus.

Alors, lorsque nous prions «Que ta volonté soit faite», nous pensons immédiatement «action». Voire « exécution ». Mot terrible tout de même !

Or dans le texte grec, il n’est nulle part question de «faire». Le verbe grec utilisé ici, c’est le mot «devenir». Que ta volonté devienne !

Ce qui veut donc dire que la volonté de Dieu est moins à faire qu’à accueillir.

Mais les malentendus ne s’arrêtent pas là. Le mot «volonté» prête aussi à confusion. Qu’est-ce c’est que la volonté de Dieu ?

Les manuscrits araméens, la langue de Jésus donc, parlent ici de «plaisir», de «joie». La volonté de Dieu c’est ce qui met Dieu en joie !

Donc on pourrait donc traduire :

«Que ce qui te réjouit devienne réalité sur terre comme au ciel».

Evidemment, ça ne sonne pas exactement la même chose !

Mais d’accord : cette traduction ne résout pas tout : Qu’est-ce qui met Dieu en joie ? Quel est le plaisir de Dieu ?

On peut schématiquement donner deux réponses à cette question :

  • D’abord, la joie de Dieu, ce qui plait à Dieu – et qu’on retrouve dans les interpellations de tous les prophètes – c’est la justice sociale
    Partager avec celui qui est démuni,
    Faire droit à l’orphelin,
    Défendre la veuve
    Marteler nos épées pour en faire des socs de charrues

Des invitations que l’on retrouve aussi dans l’Evangile.

Mais  la joie de Dieu, c’est aussi le salut des hommes. Attention : quand on dit que Dieu veut le salut des hommes, on dit quoi ?

On dit que Dieu prend plaisir à ce que l’homme soit libre.

Libéré.
Droit.
Debout.

  • Libéré de toutes ces peurs qui nous entravent.
    • Peur des autres.
    • Peur de la crise
    • Peur de l’avenir.
    • Peur de nous-mêmes
    • Libéré de ce qui est superficiel et nous fascine, (dont nous pensons parfois que dépend notre bonheur)  mais qui nous rend souvent insatisfaits.
    • Libéré d’en vouloir toujours plus.
    • Libéré des faux besoins …

Dieu aime que l’homme soit libre et debout.
Pas écrasé
Pas étouffé
Pas soumis
Pas anéanti

Non : libre et debout.

Même au prix d’une confrontation s’il le fallait.

Et dire cela, c’est rappeler que pour Dieu  l’homme n’est pas un moyen, mais une fin.

La finalité de Dieu, c’est l’homme.

Dernière question de notre méditation : mais alors, comment devenir cet homme debout et libre ?

Peut-être en laissant Dieu agir en nous.

Pas en démissionnant

Pas en disant : je te laisse les clés de la voiture et je vais dormir sur la banquette arrière.

Non !

  • En laissant Dieu « ramollir » mon cœur de pierre
  • En le laissant dégripper ce qui est rouillé depuis belle lurette

Et en découvrant un jour que je suis capable de plus d’amour que je ne l’imaginais.
Et découvrir un jour que je suis capable de pardonner.
Et découvrir un jour que je peux partager alors qu’avant, j’avais tellement peur de manquer …

Laisser agir Dieu n’a rien d’une capitulation, d’une abdication ou d’une démission.

C’est juste, peut-être, devenir adulte.

« Tout, tout seul », c’est bon pour les tout petits !

Vous vous souvenez ?

Tu veux que je t’aide à mettre tes bottes ? Non.
Tu veux que je t’aide à dessiner la fleur ? Non.
Tu veux que je t’aide à relever ton tricycle ?
Non. Je veux faire tout seul !

Etre adulte au fond, c’est savoir que pour toutes les petites choses du quotidien, on peut peut-être faire tout seul parce qu’on a appris à être « autonome », mais que pour les choses essentielles de la vie, « tout seul », on ne va pas très loin.

Que ce qui te fait plaisir, Dieu, se réalise. Sur la terre comme au ciel.

Amen

Texte méditatif

J’ai tout remis entre tes mains:
Ce qui m’accable et qui me peine,
Ce qui m’angoisse et qui me gêne,
Et le souci du lendemain.
J’ai tout remis entre tes mains.

J’ai tout remis entre tes mains:
Le lourd fardeau traîné naguère.
Ce que je pleure, ce que j’espère,
Et le pourquoi de mon destin.
J’ai tout remis entre tes mains.

J’ai tout remis entre tes mains:
Que ce soit la joie, la tristesse,
La pauvreté ou la richesse,
Et tout ce qu’à ce jour j’ai craint.
J’ai tout remis entre tes mains.

J’ai tout remis entre tes mains:
Que ce soit la mort ou la vie,
La santé ou la maladie,
Le commencement ou la fin.
J’ai tout remis entre tes mains.

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