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Les lumières de Noël ont envahi nos rues. Rien qu’à venir jusqu’ici, on est comme illuminé.
Et puis il y a le noir. Le noir de la nuit tombée, mais aussi le noir d’une actualité mondiale qui plombe les nouvelles et le téléjournal. Et on ne sait plus très bien ce qu’il faut regarder : la nuit, les lumières ?
Ce soir, nous nous installons dans un îlot de lumière et de chaleur. Avec un orgue et un choeur pour faire vibrer l’instant. Un instant d’avant Noël pour penser à la lumière et au noir.

Bienvenue à vous pour ce moment de musique, de parole et de lumière.

Texte méditatif

La nuit ne serait jamais que nuit
Si le cri d’un tout-petit ne l’avait désarçonnée.
Les ténèbres ne seraient jamais que ténèbres
Si la lumière ne s’était risquée à les découdre.
Le malheur ne serait jamais que le malheur
Si un visage n’en avait partagé la lourdeur.

Noël est une mémoire qui enfante l’histoire,
Une promesse ourlée à la détresse,
Une parole à l’aplomb du monde,
Pour ouvrir une faille,
Pour éclairer la paille,
Pour inciter aux semailles.

Dieu en l’humain est toujours possible
Pour qui accueille sa fragilité
Comme un berceau.

(Francine Carrillo)

Lecture biblique : Matthieu 21,1-11

Jésus en pantoufles

On dira quoi, de 2015 ?
« Ah oui, 2015, c’était l’année qui a commencé avec les attentats de Charlie Hebdo, et en novembre le massacre à Paris au Bataclan. Et puis à Genève, pour la première fois en Suisse, un état d’alerte aigu a été décrété… mais après, Dieu merci, on a préparé Noël, avec la frénésie des achats, la dinde à rôtir, les cadeaux à trouver pour les enfants, les pères Noël qui escaladent les vitrines et les façades des maisons… Bref, le tralala, comme d’habitude.
Noël, cette année, est une bougie allumée dans une nuit obscure. Et nous fêterons… pour nous divertir ? Pour penser à autre chose après une année lourde ? Pour se dire que le monde n’est tout de même pas si noir ?
Il y a cette cantate magnifique, dont nous avons entendu le début :
Elevez-vous avec allégresse vers les astres lointains
Louanges qui sortez de la bouche de ceux qui se réjouissent en Sion…
Viens donc, Sauveur des païens
Reconnu comme l’enfant de la Vierge…
On a envie de dire : mais oui, viens donc ! Mais viens vraiment, Sauveur des païens. Viens une bonne fois, parce que les images d’horreur qui défilent à la télévision nous crucifient, nous. Et chanter “Il est né le divin enfant” a un goût amer quand on songe qu’il nous faudra ajouter, très bientôt peut-être, un prochain coup de noir au théâtre des horreurs collectives. N’est-elle pas dérisoire, tendre mais dérisoire, la petite ritournelle de Noël ?
Viens donc, mais viens, Sauveur des païens.

Et puis, dans l’air du ténor, une phrase m’a arrêté au passage :
L’amour attire à pas feutrés
Ce qu’il a de plus cher.
L’amour attire à pas feutrés. C’est extraordinaire, ça ! Parce qu’après avoir commencé en fanfare en parlant des louanges de ceux qui se réjouissent en Sion, après avoir déclamé solennellement Viens Sauveur des païens – et vous l’avez reconnu, le texte de la cantate reprend l’atmosphère de ce que nous avons lu dans l’évangile de Matthieu, l’entrée de Jésus à Jérusalem le jour des Rameaux – eh bien, après qu’on a commencé en fanfare, le ténor vient nous livrer le secret le plus connu mais le moins compris, le plus répété mais le moins intégré, le plus récité mais le moins accepté de l’Evangile : c’est que l’amour attire à pas feutrés ce qu’il a de plus cher.
Un Sauveur qui s’approche en pantoufles. C’est presque ça, en fait : le jour des Rameaux, Jésus est entré dans la Ville sainte monté sur un ânon. Ni sur un cheval, ni sur un chameau, ni sur un char. Sans tambour ni trompette. Il était juché sur un âne. Comme n’importe quel marchand de cacahuètes.
A force de célébrer Noël et de contempler des crèches rutilantes de lumière, voilà ce que nous avons oublié : le Sauveur des hommes vient en pantoufles, à pas feutrés.
La naissance de Jésus a été un détail de l’histoire, qui n’a pas suscité le moindre intérêt chez les historiens romains. Dans le brouhaha du recensement impérial, l’accouchement de la femme du charpentier n’attira qu’une petite poignée de curieux. Les hommes qui font l’actualité, à l’époque, sont Auguste l’empereur et Hérode le roi des juifs. Hérode et son bain de terreur quand il décide de faire périr les nourrissons de Bethléem. La couleur qui domine, à l’époque, c’est le noir. Sauf dans le coin d’une étable.
N’allez pas croire à l’exception. De tout temps, le détail est le lieu privilégié de Dieu. L’exode des nomades hébreux, entraînés par Moïse hors d’Egypte, fut un épisode insignifiant dans l’histoire des pharaons. La vie et l’exécution de Jésus, une paille dans la lutte du pouvoir romain contre la révolte du peuple juif. La Bible est l’écrin de tous ces petits faits auxquels la foi donne du sens et qu’elle sauve de l’anecdote.
A regarder de près la vie du monde, je crois que Dieu n’a pas changé d’avis.
L’année 2015 s’est déroulée comme l’histoire de la Nativité : des hommes et des événements y font du bruit. Le carrousel tourne… et comme l’hôtelier de Bethléem, nous ne savons plus où donner de la tête.
Qu’importe. Noël se logera dans le détail : des instants retrouvés en famille, une bouffée de fraternité qui nous pousse vers quelqu’un, un regard vers la lumière fragile d’une bougie, du pain et du vin sur la table de cène. Un mot échangé, une prière entendue quelque part. Une musique qui touche au fond du coeur. Des détails qui ont la saveur de la vie.
Il suffit d’une allumette pour embraser la nuit.

Texte méditatif

Vivre en ce monde,
le coeur gros de la souffrance des autres.

Vivre en ce monde,
en cueillant l’étincelle nichée dans le détail.

Vivre en ce monde,
les yeux fixés sur la lumière que le noir ne peut éteindre.

Vivre en ce monde,
en soufflant sur la braise de la tolérance et de la bienveillance.

Vivre dans ce monde,
pour le rendre vulnérable au Dieu d’amour.

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