Texte méditatif

L’eau n’est pas ronde. Pas plus qu’elle n’est carrée ou triangulaire. L’eau n’a pas de forme. Mais quand elle est dans notre verre, Elle prend la forme de notre verre. Dieu non plus n’a pas de forme. Mais quand il est dans nos idées Dieu prend la forme de nos idées. Alors on le voit comme un chef de guerre Comme un magicien Comme un juge au tribunal Ou comme un grand-père. On lui prête un air bon-enfant Ou un air particulièrement terrible. Mais toutes ces images ressemblent autant à Dieu Que notre verre d’eau ressemble à l’Océan. « Christ est l’image de Dieu » Ecrivait Paul aux chrétiens de Corinthe. Ça peut paraître un peu obscur comme langage Et pourtant, cela signifie simplement Qu’au lieu de nous torturer les méninges A nous demander comment est Dieu, Nous pourrions parfois relire l’Evangile Tout simplement. Bienvenue à vous pour ce temps De musique et de méditation.

Texte biblique : Luc 7, 36 – 50

36Un Pharisien invite Jésus à manger avec lui. Jésus entre dans la maison du Pharisien et il se met à table. 37À ce moment-là, une femme de la ville arrive, c’est une prostituée. Elle a appris que Jésus est dans la maison du Pharisien. Elle apporte un très beau vase, plein de parfum, 38et elle se place derrière Jésus, à ses pieds. Elle pleure. Elle se met à mouiller les pieds de Jésus avec ses larmes. Ensuite, elle les essuie avec ses cheveux, elle les embrasse et elle verse du parfum dessus. 39Le Pharisien qui a invité Jésus voit cela. Il se dit : « Cet homme n’est sûrement pas un prophète ! En effet, la femme qui le touche est une prostituée, et il ne le sait pas ! » 40Alors Jésus dit au Pharisien : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. » Le Pharisien répond : « Parle, maître. » 41Jésus dit : « Quelqu’un a prêté de l’argent à deux hommes. L’un des deux lui doit 500 pièces d’argent, et l’autre 50, 42mais ils ne peuvent pas rembourser. Alors celui qui a prêté l’argent supprime leur dette à tous les deux. Quel est celui qui l’aimera le plus ? » 43Simon répond : « À mon avis, c’est celui à qui il a supprimé la plus grosse dette. » Jésus lui dit : « Tu as raison. » 44Puis il se tourne vers la femme, et il dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds. Mais elle, elle m’a mouillé les pieds avec ses larmes et elle les a essuyés avec ses cheveux. 45Tu ne m’as pas embrassé, mais elle, depuis qu’elle est entrée, elle m’embrasse sans cesse les pieds. 46Tu n’as pas versé de parfum sur ma tête, mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. 47C’est pourquoi je te dis une chose : ses nombreux péchés sont pardonnés, et c’est pour cela qu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » 48Et Jésus dit à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » 49Ceux qui mangent avec lui se mettent à penser : « Qui est cet homme ? Il ose même pardonner les péchés ! » 50Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! »

Méditation

Aujourd’hui c’est la fête des Rameaux. Les Rameaux, dans l’Evangile, c’est une manif ! Oui, je sais bien : en disant cela je commets un anachronisme, mais les amateurs de défilés eux-mêmes sont bien obligés d’admettre que lorsqu’on se dépouille de ses vêtements pour les déposer à terre, lorsqu’on secoue des branches d’arbres en fleurs – ou sans fleurs –, lorsque le héros est jugé sur un âne, on est plus dans la « manif » que dans le défilé. On est plus proche du « peace and love » des années 60 que de la fanfare militaire du 14 juillet ou du 1er août. Il y a dans le cortège des Rameaux quelque chose de totalement spontané, de totalement improvisé. Pour arriver aux Rameaux, il n’y a pas eu de séances de préparation mensuelles avec PV déposés précieusement dans un classeur fédéral. La manif des Rameaux a surgi de manière surprenante. Même les disciples ont dû être surpris, parce que dans aucune ville où Jésus a passé, il n’y pas eu de semblable entrée. Il y a plein de gens, plein de gamins sur le bord de la route, comme pour le tour de France, et qu’est-ce que les gens disent ? – Hosanna, Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Voilà un charpentier, fils de charpentier, venu de la Galilée, cette région méprisée – les histoires drôles sur la Galilée à l’époque, c’est un peu comme nos histoires sur les Fribourgeois ou les Appenzelois – donc voilà un charpentier, grand raconteur d’histoires devant l’Eternel, grand guérisseur aussi, grand « pardonneur » même (pardonnez-moi ce néologisme) qui se fait appeler : « fils de David » et « celui qui vient au nom du Seigneur ». Ce n’est pas rien ! Cela signifie que le peuple le reconnaît comme faisant partie de la famille de David, ce grand roi, ce roi mythique qui a définitivement établi le pays d’Israël et « envoyé de Dieu ».

Ça, c’est ce que disent les gens. Pas les dignitaires. Pas les pharisiens. Pas les membres du Sanhédrin. Parce que pour eux, Jésus ne s’inscrit pas dans la famille de David et surtout, il n’est pas envoyé de Dieu ! Là où ça cloche, pour eux, ce n’est pas tellement du côté des miracles (évidemment, il s’agit d’un don extraordinaire, mais l’histoire d’Israël est remplie de miracles), ce n’est pas non plus du côté des histoires (parce qu’à l’époque les raconteurs d’histoires on ne les compte plus), c’est du côté du « pardon des péchés ». Et surtout du côté de la légèreté avec laquelle Jésus pardonne les péchés. Prenez la « pècheresse » comme disent pudiquement la plupart des traductions. La « prostituée » comme dit la bible en français fondamental. Elle vient, elle verse son parfum sur les pieds de Jésus, elle pleure, elle essuie ses pieds avec ses cheveux et Jésus lui dit : « Tes péchés ont été pardonnés, ta foi t’a sauvé, va en paix ». Elle n’a pas demandé pardon. Elle n’a pas confessé sa foi. Et Jésus Jésus lui pardonne.

Evidemment pour les garants de la loi, ce ne passe pas. Ça ne peut pas aller. Prenez l’histoire du paralytique : c’est la même chose. Des hommes apportent un paralytique à Jésus. Il y a tellement de monde qu’ils le font descendre par le toit, vous vous souvenez et quand Jésus le voit, qu’est-ce qu’il dit ? « Tes péchés sont pardonnés ». Le paralytique n’a pas dit un seul mot. Et d’ailleurs, entre parenthèse, il ne dit rien non plus après sa guérison. Il ne dit même pas merci. Il rentre chez lui, c’est tout. Et on pourrait en citer d’autres, de ces récits où Jésus pardonne. Jésus annonce le pardon de Dieu comme personne ne l’imaginait ! Et c’est cela qui fait réagir les pharisiens parce qu’eux, ils sont convaincus bien que Dieu est d’abord jaloux, vengeur, rancunier comme un chameau et qu’obtenir son pardon nécessite des soins tout particuliers ! Jésus fait l’impasse sur tout cela en annonçant un Dieu d’amour inconditionnel. Mais alors me direz-vous, pourquoi est-ce que nous avons gardé l’image d’un Dieu qui est sévère, qui châtie, qui juge, qui punit ? Et non l’image de Dieu annoncée par Jésus ? Je vous ai souvent lu des textes de Jean Debruynne. Ce prêtre et poète belge qui sait si bien jouer avec les mots pour dire l’Evangile aujourd’hui. Un jour un journaliste lui demandait : «Quelle image avez-vous gardé de l’Eglise de votre enfance ? » Et Debruynne répondait : – C’était une Eglise de la culpabilité. Nous y naissions pécheurs et coupables. Dès l’enfance, on nous parlait de la faute à racheter, de sacrifices à faire, de devoirs à remplir pour s’éviter le courroux divin. C’était une religion du sacrifice. Le bon plaisir de Dieu était la négation de nos plaisirs ! Dieu aimait les enfants âges, les enfants qui ne réclamaient rien, les enfants qui n’avaient envie de rien. Et puis, il fallait être bien avec Dieu parce qu’il était le plus fort et qu’il pouvait avoir de terribles vengeances. L’Eglise apparaissait d’abord comme une autorité, un pouvoir. Elle était la gendarmerie de Dieu. A cette époque-là, les prêtres étaient en soutane et donc mes professeurs étaient en soutane.

Ils cumulaient le double pouvoir clérical et professoral. Non seulement ils distribuaient les bonnes et les mauvaises notes, mais ils distribuaient aussi les punitions et les remontrances. C’était le même homme qui faisait réciter les leçons et auprès duquel on allait se confesser. Alors bien sûr, on comprend qu’une image pareille, il faut des mois et des années pour s’en défaire. Parce que ce Dieu d’amour, présenté, raconté, attesté par Jésus-Christ, il est à des années-lumière de ce Dieu vengeur et jaloux que présentait la « gendarmerie de Dieu ». Et parce que quand Dieu est dans nos « idées », nos « schémas », il prend la forme de nos idées et de nos schémas. Vous connaissez l’histoire de la communauté charismatique dans laquelle s’égare, un dimanche matin, un théologien particulièrement libéral ? La communauté est en pleine louange : – Loué sois-tu, O Eternel, Dieu tout puissant, Seigneur du ciel et de la terre, Yahvé Sabaoth, toi qui as ouvert les eaux de la Mer Rouge au peuple d’Israël ! Le sang du théologien libéral ne fait qu’un tour, bien sûr, et il demande la parole pour intervenir publiquement pour expliquer comment les choses se sont véritablement passées. On lui permet de s’exprimer, à la fin du culte, et le théologien explique. – C’était la mer des joncs, la mer des roseaux, une mer qui était peu profonde, 10 cm d’eau à peine, et Moïse connaissait des passages où il y avait encore moins d’eau … Il a donc guidé son peuple en un lieu où la mer était particulièrement peu profonde, etc., etc. L’enthousiasme de l’assemblée se refroidit un peu … le théologien sort de l’église avant la fin du service – parce que c’est souvent longs, les services dans les communautés charismatiques. Il est convaincu d’avoir contribué à éclairer un peu ces frères chrétiens dans leur compréhension de l’Écriture. Mais à peine sorti, il entend la louange qui reprend de plus belle. Il se précipite à l’intérieur de l’église et qu’est-ce qu’il entend ? – Loué sois-tu, Seigneur Dieu, Eternel des armées, Dieu tout puissant parce que toi seul es capable de noyer toute l’armée d’un pharaon dans 10 cm d’eau ! Bien sûr, le danger existe toujours d’enfermer Dieu dans nos idées. De le dessiner avec nos obsessions, nos manies, nos dadas, nos rêves, nos utopies … et même avec nos convictions religieuses. Alors peut-être n’est-il pas inutile de relire l’Evangile, non pas pour y puiser des arguments qui attestent que nous avons raison, mais pour nous laisser déplacer. Et aujourd’hui, le « déplacement » proposé par Jean-Sébastien Bach et sa cantate 131, c’est ce verset du Psaume que vient de chanter Marcos Garcia Gutiérez : So du wilst, Herr, Sünde zurechnen, wer wird bestehen ? Si tu gardais le souvenir des iniquités, Eternel, qui pourrait subsister ?

Amen.

Texte méditatif

Le « pardon du Père du ciel » n’est pas un simple coup d’éponge sur le passé. Ce n’est pas une mise à jour. Une mise en règle, C’est une nouvelle logique. Ce n’est plus une logique d’intérêt De rapport de force Une logique de jungle De banquier ou de gangster C’est une logique du cœur. La miséricorde est un vieux mot dont la religion a arrondi les angles. Aujourd’hui, la miséricorde n’est plus qu’une aumône. Ce mot n’a plus de détonateur Il s’est fait piéger, récupérer. Pour Jésus, la miséricorde c’est le cœur qui voit C’est la lucidité C’est le projet. Faire miséricorde à quelqu’un, c’est le regarder autrement D’un regard neuf C’est le libérer pour un nouveau départ. Faire miséricorde, c’est faire naître du neuf. Et quand Dieu fait miséricorde à l’homme C’est exactement ce qu’il fait. Il fait naître du neuf pour un nouveau départ.

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