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Fantaisie en ut mineur BWV 537

Texte méditatif

 Texte méditatif I[1]

Une autoroute ne se construit pas un en jour.
On la commence par ce qu’on appelle des « *ouvrages d’art ».
A cet endroit, par exemple, et dans plusieurs années
L’autoroute passera sur un pont.
Alors on commence par construire le pont.
Parce que c’est plus long à faire
Et le plus difficile.
Et aussi parce qu’il faut au béton un certain temps pour acquérir sa résistance.

Et c’est pour cette raison qu’il nous arrive de rencontrer,
En pleine campagne,
Des ponts achevés
Qui nous paraissent complètement égarés dans la nature.
Des ponts que pour l’instant en tout cas, rien n’explique.
Et ces ponts doivent se demander parfois, pourquoi on les a faits
Puisqu’aucune route ne les poursuit dans un sens ou dans un autre.

Mais dans quelques années,
Quand la route sera réalisée,
Les ponts comprendront.

Notre vie aussi ressemble parfois à un pont perdu.
On se demande à quoi elle sert
Puisqu’on ne voit ni ce qui vient avant
Ni ce qui vient après.
Mais un jour, un jour, nous aussi, nous saurons.

Choral « Jesus, meine Freude » BWV 610

Lecture biblique – Actes 14, 22

 Paul et Barnabas à Lystre

À Lystre, il y a un homme qui ne peut pas se tenir debout. Depuis sa naissance, il est infirme et n’a jamais pu marcher. Un jour, il écoute Paul parler. Paul le regarde et il voit que l’homme a la foi pour être guéri. Alors il lui dit d’une voix forte : « Debout, mets-toi sur tes pieds ! » L’homme se lève d’un bond et se met à marcher. La foule voit ce que Paul a fait. Elle dit en lycaonien, qui est la langue du pays : « Les dieux ont pris un corps d’homme et ils sont descendus chez nous ! »

Ils appellent Barnabas « Zeus » et Paul « Hermès ». En effet, c’était Paul qui parlait. À l’entrée de la ville, il y a un temple pour le dieu Zeus. Le prêtre de ce temple amène devant les portes des taureaux ornés de couronnes de fleurs. Avec la foule, il veut offrir un sacrifice aux apôtres. Quand Paul et Barnabas apprennent cela, ils déchirent leurs vêtements et ils se précipitent au milieu de la foule en criant : « Mes amis, pourquoi est-ce que vous faites cela ? Nous sommes des hommes comme vous ! Nous vous apportons la Bonne Nouvelle. Alors abandonnez ces dieux qui ne valent rien ! Tournez-vous vers le Dieu vivant : il a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. Autrefois, il a laissé tous les peuples suivre leurs chemins. Pourtant, Dieu a toujours montré son amour. En effet, il vous a envoyé du ciel les pluies et les récoltes au bon moment. Il vous a donné la nourriture et il a rempli vos cœurs de joie. »

Malgré ces paroles, Paul et Barnabas ont du mal à empêcher la foule de leur offrir un sacrifice.

MAIS Des Juifs arrivent d’Antioche de Pisidie et d’Iconium, ils se mettent à persuader la foule. Alors on lance des pierres sur Paul et on le traîne en dehors de la ville. En effet, on pense qu’il est mort. Mais quand les disciples se rassemblent autour de lui, Paul se relève et rentre dans la ville. Le jour suivant, il part avec Barnabas pour Derbé.

Dans la ville de Derbé, Paul et Barnabas annoncent la Bonne Nouvelle. Beaucoup de gens deviennent disciples. Ensuite, Paul et Barnabas retournent à Lystre, à Iconium et à Antioche de Pisidie. Ils encouragent les disciples et leur demandent avec force de rester fidèles à la foi. Ils leur disent : « Nous devons traverser beaucoup de souffrances pour entrer dans le Royaume de Dieu. »

Chant d’assemblée « O Jésus ma joie»

 CANTATE 1ère partie

Les pleurs et les lamentations, les tourments et le découragement, l’angoisse et la détresse… voilà le pain noir des chrétiens qui portent le fardeau de Jésus !!!

Voilà ce que nous avons entendu dans le premier chœur de cette cantate.  Et l’alto concluait avec ce verset 22 du chapitre 14 des Actes des apôtres : « Il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu ».

Et tout à l’heure, dans l’air du Ténor, vous entendrez une variation sur le même thème : « Après la pluie fleurit la bénédiction, toutes les tourmentes s’apaisent, sois fidèle, oui, sois fidèle ».

Que de prédications on a pu élaborer à partir de cette déclaration de Paul aux chrétiens d’Antioche : « Il nous faut passer par bien des souffrances, pour entrer dans le royaume de Dieu ».

Des générations de prédicateurs – tout ce qu’il y a de plus honnêtes au demeurant, qui voulaient certainement encourager leurs fidèles – des générations de prédicateurs ont répété cette phrase le doigt levé, avec la conviction que le seul moyen de supporter les difficultés de la vie, c’était de se rappeler que le royaume de Dieu… ça se mérite ! ça ne s’achète pas, bien sûr, mais ça se mérite. Et que le meilleur moyen de « mériter » le royaume, c’était de supporter une vie parfois particulièrement amère.

Une phrase compréhensible pour BACH 

Quand on pense à la vie du Cantor de Leipzig, on comprend bien sûr qu’il se soit parfois raccroché à un espoir « pour plus tard » parce que les pleurs, les lamentations, les tourments, il en connu ! Il en a tant connu qu’on se demande même parfois comment il faisait pour les supporter !

Pensez à son cahier des charges extrêmement lourd à Leipzig – le soin des orgues de la ville, les leçons de latin, les leçons de catéchisme, les processions pour toutes les grandes fêtes religieuses ET une cantate ou un motet nouveau chaque dimanche : il y a de quoi devenir fou !

Pensez à tous les ennuis que lui faisaient régulièrement les pasteurs parce que sa musique sortait légèrement des sentiers battus. Georges Piroué, qui a écrit un excellent roman intitulé « A sa seule gloire », reprend des éléments historiques pour faire parler un pasteur qui s’exprime ainsi :

Mon cher et distingué Maître de chapelle … Loin de moi l’idée de vous accuser de quoi que ce soit …. Votre foi et votre bonne foi nous sont à tous bien connues, mais (…) comment puis-je être sûr que vous faites de la musique pour Dieu si vous ne pouvez pas m’en donner un équivalent intelligible, dans ma langue à moi, qui est celle des mots et des concepts ? Moi, je prêche et mon prêche engendre la croyance et l’obéissance au Très-Haut. Mais vous ? Etes-vous bien certain que vos préludes sont un exercice spirituel et non une incitation à la débauche ? »

Et puis pensez au nombre de fois où la mort s’est invitée dans la famille Bach : sa première épouse bien sûr …et puis 10 enfants ! Dix enfants morts à la naissance ou en bas âge. Non, décidément, Bach a toutes les raisons du monde de se dire « il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu ».

Une phrase pourtant ambigüe

Mais cette phrase de Paul est ambigüe au moins pour deux raisons :

D’abord, parce qu’elle semble en contradiction totale avec ce que Jésus dit du Royaume – et de l’entrée dans le Royaume – dans les Evangiles. Vous vous souvenez de cette parole de Jésus dans l’Evangile de Matthieu : « En vérité, je vous le dis, si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux ». Devenir comme un enfant.

  • Disponible comme un enfant.
  • Libre comme un enfant
  • Confiant comme un enfant

Ça paraît à mille lieues des souffrances auxquelles Paul fait allusion.

  • Pas de fourches caudines
  • Pas d’abaissement
  • Pas de malheur

Juste être naturel, être vrai, être spontané.

Alors qui a raison ? Paul ou Jésus ?

Et puis, deuxième raison, cette phrase est ambigüe parce qu’elle peut être un formidable éteignoir à toute velléité de changement !

  • Votre vie est dure ?
  • Vous êtes exploités dans votre travail ?
  • Vous êtes malmenés par vos autorités ?
  • Vous êtes rejetés par votre famille ?
  • Vous êtes méprisé par votre conjoint ou votre conjointe ?
  • Vous êtes écartés, snobés, volés ?

Ne vous inquiétez pas : après la pluie vient la bénédiction.

L’angoisse et la détresse, voici le pain noir des chrétiens.

A partir de là,

  • Plus de plainte pour harcèlement sexuel
  • Plus de grève pour exiger des conditions de travail dignes d’un être humain
  • Plus de révolution pour redistribuer les cartes du pouvoir !

Supportez !

Supportez, mes frères, en chantant un cantique lorsque c’est vraiment trop pénible.

On comprend bien sûr que des prédications de ce type aient pu faire le lit de la critique très virulente de la religion au 19e siècle. Une religion considérée comme totalement aliénante.

Alors qu’est-ce qu’on fait ?

On écoute la cantate, on s’émerveille de la composition musicale et on oublie le texte ?

  • Peut-être.
  • Mais peut-être pas.

Peut-être pas, parce qu’au fond, si on relit attentivement le passage des Actes des apôtres d’où est tiré le verset 22 qui est repris dans la cantate, qu’est-ce qu’on constate ?

On constate que cette phrase « Il faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu » n’apparaît pas au début de l’histoire, mais à la fin.

Ce n’est pas une déclaration que Paul ferait au début de l’un de ses voyages, en disant « il faut souffrir pour entrer dans le Royaume … donc allons souffrir sur les routes de la Syrie, de la Turquie, et finalement de l’Italie ! »

Pas du tout.

C’est une phrase que Paul prononce à la fin de l’un de ses voyages, lorsqu’il regarde en arrière, lorsqu’il voit comment on les a considérés comme des dieux à Lystre (petite parenthèse, Lystre, Iconium, c’est au centre de la Turquie. Vous prenez Ankara … et Chypre … et c’est à peu près à mi-distance) et comment juste après, on a failli le tuer … Et Paul se dit « il faut passer par bien des souffrances … »

Le chemin n’est pas simple
La route n’est pas directe 

Mais au fond

  • si j’arrive où je suis
  • Si j’accoste aux rivages de la bénédiction

C’est que je n’étais pas tout à fait seul sur ce chemin
Et que Dieu a accompagné mes pas.

ET c’est peut-être ce que se disait Jean-Sébastien

Lorsqu’il dirigea pour la première fois cette cantate … « Si malgré toutes les difficultés de la vie, j’ai reçu l’inspiration d’une musique aussi belle, c’est probablement que dans les difficultés que je connais Dieu n’a jamais lâché ma main. » 

Amen.

Texte méditatif II[2]

Je suis un émigrant de l’intérieur
Je vais chercher dedans
Les sources de l’ailleurs.

J’ai supporté longtemps les voix qui dogmatisent
Les lois qui moralisent
Les droits qui stigmatisent

On m’a fait croire en vain
Qu’il me fallait attendre
Qu’il me fallait apprendre
La chanson des sirènes

J’ai attendu longtemps
Que vienne, à grands coups d’aile,
Un ange du miracle
Magicien du spectacle
Pour tirer le rideau
Pour ouvrir son manteau
Et sortir de ses coffres
Une pluie de bonheurs …

Je suis un émigrant de l’intérieur
Je vais chercher dedans
Les sources de l’ailleurs.

A force de courir mille et mille chemins
A force de marcher, et de chercher plus loin
A force d’empêcher les fleurs de se faner
A force de semer, sans voir lever le blé 

J’ai bourlingué mon cœur
Parmi les champs d’étoiles
Et j’ai suivi le vent
Qui soufflait dans mes voiles

A force de forcer les portes de l’amour
A force d’empêcher les éternels retours

J’ai ai émigré plus loin
Tout au fond de moi-même.
J’ai pu nommer la voix
Qui m’appelait à vivre
Qui m’a rendu libre.


[1] D’après Philippe Zeissig

[2] Michel Scouarnec, « En attendant qu’il vienne »

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