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Elles sont là, les lumières de Noël. Rien qu’à venir jusqu’ici, on est comme illuminé.

Des lumières qui brillent dans le noir, et ce n’est pas seulement le noir de la nuit. Il y a aussi le noir d’une actualité sanitaire qui nous plombe. Mais ce soir, nous nous installons dans un îlot de lumière et de chaleur. Avec un orgue et un choeur pour faire vibrer l’instant. L’instant d’avant Noël.

Alors, salut à vous l’ensemble vocal Hémiole, salut à son directeur John Duxbury. Salut aux deux soprani, au ténor et à la basse. Salut à l’orchestre, les hautbois, les cors, les violons, l’alto, le violoncelle, la contrebasse et le basson. Salut à l’organiste perchée là-haut en-dessus de nos têtes. Merci à vous de venir nous enchanter.

Et salut à vous qui êtes venus pour ce moment de musique, de parole et de lumière.

Que la musique soit.

Texte méditatif

La nuit ne serait jamais que nuit

Si le cri d’un tout-petit ne l’avait désarçonnée.

Les ténèbres ne seraient jamais que ténèbres

Si la lumière ne s’était risquée à les découdre.

Le malheur ne serait jamais que le malheur

Si un visage n’en avait partagé la lourdeur.

Noël est une mémoire qui enfante l’histoire,

Une promesse ourlée à la détresse,

Une parole à l’aplomb du monde,

Pour ouvrir une faille,

Pour éclairer la paille,

Pour inciter aux semailles.

Dieu en l’humain est toujours possible

Pour qui accueille sa fragilité

Comme un berceau.

(Francine Carrillo)

 

Lecture biblique : Matthieu 1,18-25 et Luc 2,21

Méditation 

L’homme de l’ombre

 On dit que derrière tout homme important, il y a une femme cachée. Une femme de l’ombre, qui appuie son homme et l’aide à construire sa carrière. C’est la répartition classique des rôles : l’un est dans la lumière, l’autre dans l’ombre. Moi, j’aimerais vous parler ce soir d’un homme de l’ombre. Un homme caché. Un homme sans qui Noël n’aurait pas pu se passer. Un homme sans qui Jésus n’aurait pas été Jésus : Joseph, le père caché.

Nos images de la Nativité focalisent le plus souvent sur Marie, la mère, tenant l’enfant dans ses bras ou veillant sur la crèche. Et Joseph a l’air d’un pauvre type, parfois il tourne le dos à la scène et se gratte la tête avec l’air de se demander ce qui a bien pu lui arriver.

Mais sans lui, Joseph, tout aurait raté. A côté de l’Annonce faite à Marie, un récit bien connu, il y a celui qui a été lu tout à l’heure, moins connu : l’Annonce faite à Joseph. Car mettez-vous à sa place : sa fiancée est enceinte, et en ce temps-là on ne badinait pas avec ce genre de chose. Les fiancés vivaient séparés jusqu’au mariage. Donc Joseph, à l’annonce d’une naissance hors mariage, veut répudier Marie. La répudier en secret, parce que c’est un homme respectueux et délicat. La Loi juive prévoyait la lapidation de la femme ou son renvoi public. Joseph est respectueux : répudier, oui, mais sans que cela se sache. Mais une nuit il rêve. Il rêve et l’ange qui lui apparaît en songe le dissuade de mettre son projet de rupture à exécution : cet enfant vient de Dieu. Accueille-le, garde Marie et donne au bébé le nom de Jésus.

A l’époque, la famille monoparentale n’était pas à la mode. Un enfant sans père, ou une femme sans mari, étaient l’objet d’une sévère discrimination. Il n’y a pas besoin de remonter loin dans le temps, chez nous, pour retrouver une ambiance pareille où la femme seule était montrée du doigt.

Joseph a suivi la demande angélique. Il fallait ravaler sa fierté, tout de même, pour accepter. Ce qu’il a fait. Mais pas seulement. Parce qu’il ne s’est pas désintéressé de la suite. Il a continué, et ça n’a pas été de tout repos. Jésus a été menacé dès sa naissance par la colère meurtrière du roi Hérode, et Joseph, averti en rêve une fois de plus, a sauvé la mère et l’enfant en se réfugiant en Egypte.

Il a permis ensuite à Jésus de prendre place dans la communauté humaine, dans la bourgade de Nazareth, où pourtant ça jasait ferme devant cette naissance imprévue. Il a conduit sa femme et son fils au Temple, pour la circoncision du bébé au huitième jour de sa vie. L’évangéliste l’a rappelé tout à l’heure. Joseph a permis à son fils de devenir un homme, en l’initiant, comme tous les pères en ce temps-là, aux rites de la religion juive. Il lui a transmis son métier, celui de charpentier. Et si Jésus a appris à lire, ce qui était rare à l’époque, c’est parce qu’un père a eu pour lui de l’ambition.

Comme tous les pères, en tout cas comme tous les pères devraient, Joseph a beaucoup aimé et lutté, hésité et prié, espéré et souffert pour que son fils devienne un homme. Il a pris sur lui le risque d’être père, fort et fragile à la fois, attentif, protecteur.

Et la mère, me direz-vous ? Mais oui, la mère, bien sûr. Mais dans notre image de Noël, elle occupe la position centrale tandis que Joseph est relégué dans la marge. Comme un accessoire inutile. Joseph, qu’on a surnommé « le grand muet » parce que les évangiles ne rapportent pas une parole de lui. Des gestes, efficaces, mais pas un mot. J’aimerais lui rendre la parole, à ce père de l’ombre.

Et il me semble justement important de le faire aujourd’hui. Parce qu’on s’interroge, aujourd’hui plus qu’avant, sur ce qu’est la masculinité. Et que certains, certaines nous invitent à rompre avec la définition taillée à la hache d’une masculinité toxique. Mais Joseph est le contre-modèle de cette masculinité toxique, et pour cela, il faut le sortir de l’image figée de la « Sainte famille » où il est réduit à jouer les accessoires.

Car Joseph accepte un autre mode de paternité : ni effacé, ni inconsistant, mais qui rompt avec la toute-puissance. Une masculinité engagée, respectueuse, attentive. Il n’est pas père naturel, mais père adoptif. Et pourquoi les papas ne pourraient-ils pas s’inspirer de lui, qui a accepté la destinée unique d’être l’époux de Marie et le père terrestre de Jésus ?

Amen.

Texte méditatif

Vivre en ce monde,

le coeur gros de la souffrance des autres.

Vivre en ce monde,

en cueillant l’étincelle nichée dans le détail.

Vivre en ce monde,

les yeux fixés sur la lumière que le noir ne peut éteindre.

Vivre en ce monde,

sans être prisonnier des rôles que le passé nous a légués.

Vivre en ce monde,

en soufflant sur la braise de la tolérance et de la bienveillance.

Vivre dans ce monde,

pour le rendre vulnérable au Dieu d’amour.

 

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