Texte méditatif

Ce que quelqu’un fait
Impressionne davantage que ce qu’il dit.
A nos yeux,
L’exemple vaut toujours mieux que les paroles.
Nous n’avons pas beaucoup d’estime pour celui qui dit
« Faites comme je dis mais pas comme je fais ».

Bon.
Si on poussait le raisonnement jusqu’au bout
Personne, jamais, ne dirait plus un mot.
Et contrairement à ce qu’on pense,
On n’y gagnerait rien.

Un médecin qui fume
Peut donner des conseils extrêmement valables sur les dangers  du tabac.
Un coureur de jupons peut exprimer des pensées très profondes sur la fidélité.
Un voleur peut nous adresser une solennelle invitation
A ne pas faire comme lui.
Un pasteur qui vit mal peut dire des choses importantes
Sur la vie vraie.
Notre exemple vient de nous.
Mais nos paroles peuvent venir d’ailleurs et de plus haut.
Jésus a chargé des hommes très ordinaires
De porter des paroles extraordinaires.

Après tout, un poteau indicateur
Parle très bien de la route à prendre
Quand même il n’y va jamais !

Lecture biblique : Psaume 113

Chantez la louange du SEIGNEUR !
Vous qui servez le SEIGNEUR, chantez sa louange,
chantez pour son nom !
Merci au SEIGNEUR
dès maintenant et pour toujours !
Du soleil levant au soleil couchant,
que tous chantent le nom du SEIGNEUR !
Le SEIGNEUR est au-dessus de tous les peuples,
sa gloire dépasse le ciel.
Qui est comme le SEIGNEUR notre Dieu ?
Il est assis là-haut sur son siège royal.
il se penche pour regarder le ciel et la terre.
Il met debout le faible qui traînait dans la poussière,
il relève le pauvre assis sur un tas d’ordures.
Il le fait asseoir à la place d’honneur,
avec les chefs de son peuple.
Il installe la femme stérile
dans une maison pleine d’enfants.
Quelle mère heureuse !
Chantez la louange du SEIGNEUR !

Méditation : « Criez de joie dans tous les pays »

« Jauchzet Gott in allen Landen ».

Lorsqu’elle est interprétée comme elle vient de l’être,
On se dit qu’à l’évidence,
Cette cantate de Jean-Sébastien Bach,
C’est une fenêtre ouverte sur le paradis.
Le jour où il l’a composée – on ne sait pas exactement si c’est à Leipzig ou à la cour de Dresde, mais qu’importe finalement – Le cantor était particulièrement inspiré.

Du moins au point de vue musical.

Attention, je ne dis pas que le texte serait en contradiction avec les écrits bibliques ! « Criez de joie vers le Seigneur », c’est un thème récurrent dans les Psaumes.

« Acclamez le Seigneur », Ps.  32
« Louez, louez le nom du Seigneur » Ps.  113
« Chantez au Seigneur un chant nouveau » Ps. 98
Et la liste est encore longue.

Même propos chez l’Apôtre Paul. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur, je le redis, soyez dans la joie » (Lettre aux Philippiens, 4,4)

Bach a choisi un livret parfaitement conforme aux textes bibliques.

Mais il y a deux choses qui nous étonnent :

  • La première, c’est la formulation de cette invitation à crier de joie. « Criez de joie vers Dieu, dans tous les pays. Dans le ciel ou dans le monde, toutes les créatures qui y vivent doivent exalter sa gloire ».  En effet, pour nous, un cri, c’est d’abord quelque chose de spontané.
    • Vous vous souvenez la joie de Roberto  Benigni lorsqu’il a reçu le Grand Prix du Jury à Cannes : il saute en scène, il embrasse le président du jury, il se couche à ses pieds, il fait le tour de toutes les dames du jury, il les embrasser aussi … de mémoire de festivalier cannois, on n’avait jamais vu ça ! Ça, c’était un cri de joie spontané.
    • Vous vous souvenez aussi la dernière fois où vous vous êtes donné un bon coup de marteau sur le doigt ou la dernière fois où on vous a marché sur le pied.  Vous avez poussé un cri (accompagné ou non de quelques jurons, ça, c’est selon votre éducation), mais votre cri était parfaitement spontané.

Le cri de joie et le cri de douleur ne sont pas toujours beaux, mais ils sont toujours vrais.

En ce sens-là, nous qui disons généralement que l’essentiel du culte c’est de rendre gloire à Dieu, de « pousser des cris de joie vers Dieu », nous pourrions nous demander si pousser un cri de joie le dimanche à 10h00, ce n’est pas un oxymore. Une contradiction dans les termes. Soyez spontanés à 10h15 ! Il n’y a guère que les comédiens pour être capables d’être spontanés tous les soirs à 20h50, et de surcroît avec les mêmes mots parce qu’ils ont appris, justement, à être spontanés sur commande.

  • La deuxième chose qui nous étonne, c’est cette invitation à « crier de joie pour le Seigneur » aujourd’hui ! En effet, au lieu d’indiquer un temps liturgique précis sur la première page de sa partition, Bach écrit « pour tous les temps ».

Donc pour aujourd’hui.
Et aujourd’hui, lorsque j’ouvre les yeux sur le monde, je vois :

  • Le cadavre d’un enfant syrien échoué sur la plage.
  • Une double explosion à Ankara ; des dizaines de morts et des centaines de blessés,
  • Le scandale de Volkswagen
  • Le scandale de la FIFA
  • Des milliers et des milliers de migrants qui frappent à la porte de l’Europe
  • L’escalade des violences, entre Palestiniens et Israéliens, qui recommence …

Je ne vois que des choses qui ne me donnent tout, sauf envie de « crier de joie vers le  Seigneur ».

*****

Dès lors, je ne vois pas pourquoi je serais schizophrène par choix, en louant le Seigneur à 10h00 et retombant dans un désespoir abyssal, lorsque je lis mon journal le dimanche après-midi.

Pour rester dans le domaine biblique, je me sens nettement plus proche d’Esaïe, Ezéchiel, Jérémie, Osée, qui tous peignaient le diable sur la muraille et annonçaient un avenir sombre,

Je me sens plus proche de Job qui déclarait « Pourquoi est-ce que je ne suis pas mort dès le sein de ma mère ? » …

Ou proche de l’Ecclésiaste, le désabusé par excellence, qui disait « Vanité des vanités, tout n’est que vanité ».

Ces hommes-là étaient lucides.
Ils regardaient les choses en face.
Ils appelaient un chat un chat.
Ils étaient courageux et qui ne se réfugiaient pas dans les louanges pour échapper à leur réalité.

C’est vrai.

C’est vrai, mais le risque de cette grande lucidité, c’est de se complaire dans la plainte, et finalement, de démissionner.

*****

Et c’est là que l’invitation à la joie, au cri de joie, vient nous rencontrer de manière surprenante.

  • Parce que c’est difficile de se battre pour un monde plus juste,
  • Parce que c’est difficile de trouver des chemins nouveaux de solidarité,
  • Parce que c’est difficile de voir tant de malheur sur son écran de télévision ou d’ordinateur sans sombrer dans la dépression,

L’invitation à crier de joie, si bien exprimée par les psalmistes et si merveilleusement mise en musique par Jean-Sébastien Bach est justement là pour nous redonner des forces
Pour nous permettre de souffler un instant
Pour nous permettre partager cette beauté
Et de quitter cette église, non pas nostalgiques d’un moment de grâce que nous aurions vécu,
Mais rechargés comme une batterie de voiture,
Renouvelés, encouragés, galvanisés
Pour poursuivre nos chemins de femmes et d’hommes
Habités par une espérance.

Vous connaissez cette image « accrocher sa charrue à une étoile ».
Cette image est très belle
Parce qu’elle dit bien que pour que la charrue avance
Pour que le sillon se trace sans nous accabler
Il faut savoir accrocher sa charrue plus haut.

La beauté de cette cantate
Et de votre merveilleuse interprétation
Ne nous a pas coupés du monde
Mais nous a donné les forces nécessaires
Pour le retrouver.
Elle a été, et elle sera pour quelques jours ou quelques semaines l’étoile de notre charrue.

Merci.  Amen.

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