Texte méditatif d’entrée
Dans des temps si troublés, oser dire la confiance…
Dans des temps troublants et éprouvants, faire confiance…
Qui dit mieux que Dieu la nécessaire recherche de sens,
Le besoin de voir au-delà de l’intérêt immédiat ?…
Quand les montagnes de l’avoir se fissurent,
Quand les remparts de l’argent s’effritent
Et montrent leur fragilité, leur vanité,
Ne pas colmater, tenter la lucidité…
Quand le chemin choisi nous conduit à l’impasse,
Avoir le courage de revenir, de bâtir autrement.
Quand nos relations souffrent de notre entêtement,
Retrouver le miroir et oser le pardon…
Quand tout s’effondre en nous, ne plus serrer les poings,
Décrisper les mâchoires, laisser couler les larmes
qui détendront nos cœurs, feront taire nos alarmes.
Laisser à Dieu la place, nous retrouver en Lui,
le sentir combattant pour ouvrir le tombeau
et faire jaillir la vie, non pas en plus d’années,
mais la vie de Dieu même, ressuscitant en nous
Et promettant la joie au-delà de nos plaintes.
La joie d’une victoire d’abord sur nous-mêmes,
la joie de se savoir accueillis, recueillis…
ce n’est pas un espoir, plutôt une espérance, accomplie aujourd’hui ; une vie possible au delà de nos peines ;
une vie crédible par-delà nos défaites…
J’espère en Toi, mon Dieu, Sauveur de l’illusion…
Texte biblique : fragments du Ps. 118
Louange pour le Seigneur ! Il est bon, vraiment !
Son amour n’est pas limité.
Qu’Israël proclame : son amour n’est pas limité
Que les descendants d’Aaron le répètent : son amour n’est pas limité !
Que ceux qui frémissent pour Dieu le redise : son amour n’est pas limité !
J’ai crié : Seigneur !
Quand tout en moi était serré, angoissé, sa réponse a été : élargissement, ouverture !
Le Seigneur est pour moi, je n’ai pas à craindre…
Au fond, que pourrait me faire l’humain ?
Le Seigneur est à mon côté, il est dans mon secours même !
Je peux dès lors lire mes adversaires…
Il est préférable de trouver abri en Dieu que de compter sur l’humain,
Il est préférable de trouver abri en Dieu que de compter sur les puissants !…
On m’a vraiment bousculé pour que je tombe…
Mais le Seigneur est venu à mon aide.
Mon énergie, chanter « Seigneur », c’est mon vrai salut !
C’est pourquoi des voix de jubilation et de salut montent des tentes des justifiés !
La main droite du Seigneur ouvre la victoire ; la main forte du Seigneur est active, la droite du Seigneur fait vaillance.
Non, je ne suis pas mort ! Oui, je vis ! et je vis pour raconter l’intervention du Seigneur !
Temps de parole
La joie ! inaugurer cette 9ème saison de Cantate et Parole en la plaçant sous le signe de la joie, c’est un beau cadeau… car c’est au fond la volonté première de Dieu : que nous puissions vivre dans la lumière de la joie, en proclamant une victoire… Mais pas n’importe quelle victoire ! non pas une victoire humaine obtenue par les armes de l’économie ou des militaires, mais par celle de Dieu : la victoire sur l’adversaire que Bach appelle, selon la terminologie de son époque, Satan, le diviseur, le tentateur, et selon la terminologie picturale d’alors, le dragon ! Et c’est pourquoi cette cantate a été écrite pour le dimanche de la St-Michel, qui voit l’archange terrasser le dragon, ou les monstres et vous avez été sensibles aux accents musicaux triomphants et à la richesse de l’instrumentation, basson, trompettes, timbales…
Une victoire qui doit permettre à l’humain que nous sommes de vivre dans une harmonie, trouvée ou retrouvée, une victoire qui ouvre sur une liberté face à tout ce qui entrave, divise, juge, compartimente, face à tout ce qui dresse les humains contre les humains pour les mettre à terre… Oui, la joie de la victoire qui vient de Dieu contre toutes les humiliations, les injustices, les faussetés, les tricheries. Car, au fond, ce que la Bible nous révèle de Dieu, c’est qu’il a en horreur tout ce qui détruit l’humain et son cadre de vie…
Un midrash juif le rappelle de manière surprenante : lorsque les Egyptiens, lancés sur leurs chars de guerre à la poursuite des Hébreux, furent engloutis par les flots de la mer des Roseaux, les anges dans le ciel battirent des mains et entonnèrent des chants de victoire et de joie face à cette déroute… jusqu’au moment où ils découvrirent que Dieu pleurait. « Comment peux-tu pleurer et te lamenter alors que les ennemis de ton peuple sont submergés par les flots ? » Dieu leur répondit : « ce sont mes enfants qui se noient et périssent et vous voudriez que je me réjouisse ? »
Non ! la victoire de Dieu n’est pas de ce type-là, n’en déplaise à ceux qui continuent de l’utiliser aujourd’hui, de l’instrumentaliser pour parler moderne, pour justifier leur attitude conquérante… Mon royaume n’est pas de ce monde, disait Jésus à Pilate… C’est donc d’un autre combat qu’il s’agit qui n’a plus rien à voir avec nos luttes de pouvoir et pour le pouvoir ni avec des batailles menées au nom d’idéologies, et c’est pour cela qu’il doit être mené et qu’il est mené par Dieu lui-même, pour nous et en nous, mais pas sans nous, car il en va de notre liberté intérieure.
Je relisais, en préparant ce moment, quelques lignes superbes du patriarche Athenagoras, aujourd’hui décédé et qui illustrent ce combat : « il faut mener la guerre la plus dure qui est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer… J’ai mené cette guerre pendant toute ma vie, elle a été terrible. Mais aujourd’hui, je suis désarmé. Je n’ai plus peur de rien, car l’Amour chasse la peur. Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur la défensive, jalousement crispé sur mes richesses, mes positions. J’accueille et je partage. Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets. Si l’on m’en présente de meilleures, ou plutôt non, pas meilleurs, mais bons, j’accepte sans regret. J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur… Si l’on se dépossède, se désarme et si l’on s’ouvre au Dieu Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, Lui, efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf, où tout est POSSIBLE…. »
Ce combat-là est possible parce que c’est Dieu qui le mène avec nous et en nous. Alors, nous comprenons pourquoi dans l’Eglise luthérienne – l’Eglise de Bach – le dimanche de la St-Michel où le dragon, les monstres intérieurs sont terrassés, était aussi important que la fête de Noël ou de Pâques, et nous mesurons mieux les éclats de joie dont Bach habille cette cantate par une instrumentation si riche, et nous pouvons en être illuminés, éclairés, et en devenir peut-être les reflets. Mais Bach, peut-être sans le vouloir consciemment – quoique… – nous transmet son intuition théologique profonde par l’aria d’alto qui va suivre : soyez vigilants saints veilleurs, car la nuit est presque là !… Il ne dit pas : l’aube arrive, courage, ni c’est le grand soir… Il insiste sur le fait que nous connaissons aujourd’hui une nuit presque totale, et que c’est dans cet état de nuit qu’il s’agit de proclamer la victoire de Dieu. Et j’insiste, la victoire de Dieu en nous et pour nous, environnés d’une nuit presque totale. C’est que le repos, la détente, la décrispation, ne se trouvent qu’en présence de Dieu. Oui, la joie tranquille et paisible dans cette confiance-là : Dieu voulant – terminaient les huguenots en s’écrivant des lettres dans leurs temps troublés de persécution – « Dieu voulant ! » et se voulant en moi ; et moi se voulant…. et je vous laisse chacune et chacun conclure cette affirmation à votre manière et pour vous-mêmes…
Texte méditatif final
Le jour, la nuit, l’alternance nécessaire
aux saisons, à la vie, à nous gens du voyage
découvrant peu à peu que Lui est vraiment sage
qui se donne à connaître aux pauvres d’entre nous ;
à ceux-là qui renoncent à faire leur propre gloire,
à mériter, à amasser ou à se justifier…
nous détourner des bruits, laisser place au silence,
pour entendre une brise, percevoir le murmure
du passage de Dieu, l’accueillir en patience…
convoquer l’inédit, s’ouvrir à l’inouï,
ne plus être éblouis par de fausses lumières,
voir avec d’autres yeux, pénétrer l’intérieur…
se découvrir soudain entourés de tant d’anges,
visages du passé, visages du présent,
tous, et nous avec eux, porteurs du même Dieu..
laisser monter en nous la soudaine chaleur
qui nous gonfle le cœur et fait couler les yeux,
dénoue notre voix et nous donne une place
dans cet immense chœur appelé à chanter,
à louer, à crier la grande, l’immense joie :
Adonaï Elohénou, Allah akbar, Dieu est grand dans le Christ donné…