Evangile de Marc, chapitre 9
Quand Pierre, Jacques et Jean arrivent auprès des autres disciples, ils voient une grande foule autour d’eux. Des maîtres de la loi sont en train de discuter avec eux. Tout de suite, les gens courent vers Jésus pour le saluer. Il demande à ses disciples : « De quoi est-ce que vous discutez avec eux ? »
Quelqu’un dans la foule lui répond :
– Maître, je t’ai amené mon fils. Il a en lui un esprit mauvais qui l’empêche de parler. Cet esprit peut le prendre n’importe où. Alors il le jette par terre, l’enfant a de la salive qui sort de sa bouche, il grince des dents, et son corps devient raide. J’ai demandé à tes disciples de chasser cet esprit mauvais, mais ils n’ont pas réussi.
Jésus leur dit :
– Vous, les gens d’aujourd’hui, vous n’avez vraiment pas la foi ! Je vais rester avec vous combien de temps encore ? Je vais vous supporter combien de temps encore ? Amenez-moi l’enfant !
On lui amène l’enfant.
Quand l’esprit mauvais voit Jésus, aussitôt il secoue l’enfant avec force. Celui-ci tombe, se roule par terre, et de la salive sort de sa bouche. Jésus demande au père :
– Cela lui arrive depuis quand ?
Le père répond :
– Depuis qu’il est petit. L’esprit l’a souvent poussé dans le feu et dans l’eau, pour le faire mourir. Mais si tu peux faire quelque chose, aie pitié de nous et aide-nous !
Jésus lui répond :
– Pourquoi est-ce que tu dis : “Si tu peux faire quelque chose…” ? Tout est possible pour celui qui croit !
Aussitôt le père de l’enfant s’écrie :
– Je crois ! Viens au secours de mon incrédulité.
Jésus voit qu’une foule nombreuse se rassemble. Alors il menace l’esprit mauvais en lui disant :
– Esprit qui empêches de parler et d’entendre, sors de cet enfant et ne rentre plus jamais en lui ! C’est un ordre !
L’esprit pousse des cris, il secoue l’enfant avec force et il sort. L’enfant a l’air d’être mort, et beaucoup de gens disent : « Il est mort. » Mais Jésus le prend par la main, il l’aide à se lever, et l’enfant se met debout. Ensuite Jésus rentre à la maison.
Texte méditatif I
Vous le savez bien, dit Dieu,
Si j’ai envoyé mon Fils sur la terre,
C’est pour être plus proche de vous.
C’est différent de voir les choses de loin
Ou de les vivre avec tout le monde.
Ce n’est pas la même chose de découvrir la Terre vue d’avion
Ou d’être dans les rues, sur les chemins de campagne, derrière les volets des maisons, chez le boulanger ou le boucher, partout où les hommes, les femmes, les petits-enfants se rencontrent.
Mon fils a vécu votre vie.
Il a eu froid, chaud, soif,
Il a ri, pleuré, il a eu mal …
Il n’y a que la vieillesse qu’il n’a pas connue parce qu’on l’a assassiné avant.
Et moi, dit Dieu, je vois bien que vous êtes en train de vieillir.
Je vois bien vos cheveux qui deviennent blanc,
Je vois bien les escaliers qui sont plus hauts qu’avant
Je vois bien que votre vue baisse.
Mon fils n’a jamais connu l’âge de l’arthrose : il est mort avant.
Alors c’est à vous que je fais appel.
Mais je ne vous mentirai pas, dit Dieu.
Je ne vous dirai pas que vous serez éternellement jeunes
Je ne prétendrai pas que vous n’avez pas changé
Et que vous avez toujours vingt ans.
Non.
Mais je vous dirai que tout ce que mon Fils n’a pas eu le droit de vivre, c’est vous qui êtes en train de le vivre.
Tout cet amour que mon Fils n’a pas eu le temps de planter en vieillissant,
C’est vous qui l’inventez ;
Toute cette espérance que mon Fils n’a pas eu le temps de semer,
C’est sur vous que je compte, pour la faire pousser.
Moi, j’ai beau être Dieu, dit Dieu,
Je ne peux pas vieillir à votre place.
N’ayez pas peur.
Le vieillissement n’est pas une maladie.
Vieillir, c’est vivre.
Il n’y a que dans les cimetières qu’on ne vieillit plus. [1]
Méditation
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais personnellement, je trouve ce passage de l’Evangile formidable, parce que c’est un passage où tout le monde est « authentique ».
Tout le monde est vrai
Personne n’essaie de donner une « bonne image » de lui-même quand il est dans un mauvais jour …
Chacun est « comme il est ».
Peut-être un peu brut de décoffrage, mais vrai.
- Commençons par les disciples.
Depuis le début de l’Evangile, jusqu’à ce moment-là, ils sont impressionnants !
Jésus les appelle : ils laissent tout pour le suivre.
Jésus les envoie en mission « sans pain, ni sac, ni monnaie, juste un bâton » et ils y vont.
Et non seulement ils y vont, mais « ils prêchent l’Evangile, ils chassent des d’esprits mauvais et ils guérissent des malades ! »
Rien ne leur résiste.
Alors que moi, je reçois un salaire tous les mois et je ne suis pas fichu de chasser les démons.
Et quand je prie pour un malade, il arrive qu’il ne guérisse pas. Souvent…
Alors dans ce passage de l’Evangile, je me sens un peu plus proche des disciples, parce qu’ils ont complètement foiré. Le père le dit simplement, sans les accabler, mais sans les ménager non plus : « J’ai dit à tes disciples de chasser ce démon et ils n’ont pas réussi ».
C’est dit.
C’est implacable.
Il n’y a rien à ajouter.
Pour le père, les disciples manquent de force, c’est tout. Ou de technique, ou de savoir-faire … Ce sont peut-être encore des « apprentis » et il est bienheureux que le maître arrive pour rattraper la situation.
- Jésus aussi est vrai.
Ce jour-là, il n’est peut-être pas au mieux de sa forme.
Parce que c’est vrai, il aurait pu trouver quelque chose à dire qui atténue un peu l’échec des disciples !
Trouver une formule pour qu’ils se sentent moins nuls. Pas du tout.
Il lance même de manière assez sèche : « Génération incrédule » Et en rajoute : « Je vais rester avec vous combien de temps encore ? Je vais vous supporter combien de temps encore ? Amenez-moi l’enfant ! ».
- Moi j’imagine très bien un des disciples disant à quelqu’un de la foule, qui se serait peut-être étonné des propos de Jésus … « C’est rien. Ça va passer. Mais aujourd’hui, il est d’une humeur !!! »
Enfin, on lui présente l’enfant.
Aussitôt, l’esprit se met à secouer l’enfant de convulsions, l’enfant tombe par terre, il se roule, il écume … Alors Jésus fait une anamnèse rapide… comme on le ferait dans n’importe quel hôpital et demande au père : « Depuis combien de temps est-ce que cela arrive ? » et on apprend par le bouche du père, que l’enfant souffre des pareils troubles depuis son enfance ! Depuis qu’il est tout petit ! C’est affreux.
Et on mesure combien ce pauvre père est dépassé…
Et probablement passablement découragé.
Cela fait probablement des années qu’il a consulté
- tous les guérisseurs dont on lui a donné l’adresse,
- tous les médecins qu’on disait spécialistes en ceci ou en cela,
- tous les rebouteux,
- les thérapeutes,
- les sorciers peut-être …
aucun n’a rien pu faire, alors avec une belle simplicité et une belle naïveté, il dit « Si tu peux faire quelque chose, viens à notre secours ! Par pitié ».
Et Jésus le rabroue un peu.
Je vous l’ai dit : c’est pas un jour « avec ».
Jésus lui dit assez fermement « Comment, si tu peux ??? Tout est possible à celui qui croit ».
Et là, le père a une réponse formidable : « Je crois, viens au secours de mon incrédulité ».
Je crois, viens au secours de mon incrédulité.
C’est une réponse formidable, d’abord parce qu’elle est, elle aussi, parfaitement authentique. Le père dit où il en est.
Il ne flatte pas Jésus pour s’attirer ses faveurs.
Il ne lui dit pas des choses comme « Avec toi, j’ai aucun doute. T’es tellement formidable. J’ai beaucoup entendu parler de toi. La tempête apaisée, le fou du pays des Géraséniens dont tu as tiré l’esprit mauvais pour le jeter dans des cochons, j’en ai entendu parler aussi, la fille de Jaïrus, la marche sur l’eau, la foule nourrie avec 7 pains : je suis au courant de tout. Je suis certain que tu vas pouvoir guérir mon fils ».
L’homme ne dit rien de tout cela.
Il ne lui fait pas non plus de promesse, du genre « Si tu guéris mon fils, je te promets que je serai fidèle parmi les fidèles, je soutiendrai ton travail, je cotiserai auprès de tes disciples, vous pourrez venir manger à la maison quand vous voudrez… je sortirai les meilleures bouteilles » Non.
Le père ne dit pas cela non plus.
Bien sûr, il croit à la guérison de son enfant, sinon il ne serait pas là.
Mais il en a tellement vu que, très honnêtement, il ne peut pas dire qu’il n’a aucun doute.
- Ça fait si longtemps que son enfant est malade
- et il a tellement espéré,
- il a tellement prié,
- il a a tellement cru que la guérison était à bout touchant…
- et rien ne s’est passé.
Alors honnêtement, il est prêt à croire, mais il sait aussi qu’au fond de lui subsiste un solide fond d’incrédulité.
Cette ambiguïté, il ne la cache pas.
Il ne triche pas.
Il ne fait pas semblant d’être un super croyant.
La première qualité d’une prière n’est pas d’être poétique
La première qualité d’une prière n’est pas d’être composée avec de jolies phrases
La première qualité d’une prière n’est pas d’être théologiquement pure …
La première qualité d’une prière, c’est d’être vraie.
Une prière vraie qui me dit dans ma vérité.
Parce que c’est vrai : je suis généreux … et aussi parfois égoïste.
Je suis ouvert d’esprit et aussi parfois coincé et bloqué
Je suis confiant et parfois, je me sens terriblement méfiant
Je suis enthousiaste, et parfois, parce que c’est un jour « sans », je me laisse envahir par ma lassitude.
Alors pourquoi, lors que je prie, je devrais faire « comme si … » ?
Comme si je n’avais que des soucis « avouables », donc spirituels ?
Comme si je n’avais que des demandes nobles, donc philosophiques ?
Comme si je n’avais
pas de rancœurs,
pas de rancunes,
pas de mesquineries,
pas d’aigreurs,
pas de déceptions cruelles,
pas d’attentes démesurées,
pas de rêves incroyables,
bref comme si j’étais un catéchumène modèle …
Pourquoi est-ce que je devrais montrer tout cela alors que ce n’est pas moi !!!
Non décidément,
Si dans cette histoire
Et le père de l’enfant
Et les disciples
Et Jésus
… sont authentiques,
Et pas toujours authentique vers le haut
Parfois authentiques vers le bas,
Il n’y a vraiment aucune raison que je ne sois pas.
Il n’y a aucune raison que je montre un « moi » … qui n’est pas « moi ».
Et là, normalement, c’est là que je dis « amen ».
Mais aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter une petite histoire juive pour terminer …
PRIERE
Dieu notre Père, nous te remercions pour tous les hommes incroyants qui font ce que tu demandes, parfois mieux que ceux qui confessent ton nom.
Nous nous souvenons que tu as souvent tiré ta louange de ceux qui ne te connaissaient pas et que tu ne les as jamais obligés à entrer dans ton Eglise.
Tu as tiré ta louange de Melchisedek qui était païen ;
Tu as tiré louange de Rahab la prostituée de Jéricho.
Tu as tiré ta louange de Ruth, la Moabite,
Tu as tiré ta louange des mages de Chaldée venus jusqu’à Bethléem.
Tu as tiré ta louange de la femme cananéenne, du centenier romain …
Tu tires ta louange d’hommes et de femmes qui ne se disent pas chrétiens.
Apprends-nous à te prier sans cet esprit de comparaison qui tue la louange et obscurcit le cœur
et à nous réjouir simplement d’un moment avec toi. Amen.
[1] In : Jean Debruynne, « J’ai rêvé d’un Galiléen », DBB 2008