Texte méditatif avant le motet

Une étoile pour se diriger
sur le terrain, sur le marin,
une étoile afin d’avancer
sans craindre de perdre le chemin.

Par elle, tout le cosmos converge
vers le trésor le plus précieux :
un enfant, un petit d’homme,
fruit de l’amour de Dieu
pour Joseph et Marie
et pour tous les humains.

Les mages savent lire dans les étoiles,
Savent se laisser conduire aussi…
ayant enfin trouvé l’enfant
déposent à ses pieds leurs offrandes :
l’or du roi, le parfum de Dieu
et la myrrhe du tombeau fermé.

Les bergers jouent, les mages s’inclinent,
à leur manière, en précurseurs,
ils chantent et proclament la louange,
reprise par les plus éloignés
et jusqu’aux confins de la terre :
générations, siècles, millénaires,
jusqu’à Bach, jusqu’à nous : Lobet !
Lobet den Herrn alle Heiden !

Texte biblique d’entrée : Matthieu 2/1ss

Jésus est donc né à Bethlehem, en Judée, sous le règne du roi Hérode. Des mages, des savants venus d’Orient arrivent à la capitale et demandent : où est le nouveau-né, le roi des Juifs ? nous avons se lever son astre et nous sommes venus lui rendre hommage.

A cette nouvelle, Hérode, le roi, est troublé et tout Jérusalem avec lui. Il rassemble tous les grands prêtres, les spécialistes des écritures et s’enquiert auprès d’eux du lieu où le Messie est censé naître. « A Beth-Lehem en Judée, répondent-ils, comme l’a écrit le prophète Michée : c’est de toi que sortira le chef qui conduira Israël, mon peuple.

Hérode fait alors appeler secrètement les mages et leur demande des précisions sur le moment où l’astre est apparu ; et il ajouta : allez vous renseigner avec précision sur cet enfant ; et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi afin que j’aille moi aussi lui rendre hommage.

Les mages poursuivent alors leur chemin jusqu’à ce que l’étoile s’arrête au-dessus de l’endroit où était l’enfant. Un sentiment de grande joie les habite.

Ils entrent dans la maison et voient l’enfant avec Marie. Se prosternant, ils lui rendent hommage, puis ouvrent leur coffret et lui offrent de l’or, de l’encens, de la myrrhe.

Puis, divinement avertis en songe de ne pas repasser par la capitale, il se retirent dans leur pays par un autre chemin.

Après leur départ, l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte ; car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire disparaître. Ce que fait Joseph immédiatement. Il prend l’enfant et sa mère et, de nuit, se retire en Egypte.

Hérode, se voyant joué par les mages, entre dans une grande fureur et envoie tuer, dans Beth-léhem et tout son territoire, tous les enfants jusqu’à deux ans, d’après l’époque qu’il s’était fait préciser par les mages….

Temps de parole

Avez-vous été un peu curieux à votre entrée ici ? avez-vous jeté un petit coup d’œil aux paroles de la cantate que vous allez entendre ce soir ? Elle a été écrite très précisément pour le dimanche séparant Noël de l’épiphanie. Dans un temps où nous sommes encore tout enveloppés par l’odeur du sapin, des épices, par les flammes des bougies, les chants et les rencontres chaleureuses, la voici un peu comme une douche froide en hiver, surprenante, frissonnante : « regarde, mon Dieu, combien mes ennemis sont nombreux et malins et puissants… Ils étouffent ma vie et l’ont prise pour cible ; le monde devient pour moi un cabinet de tortures !… ». On se croirait dans le temps de la Passion, d’ailleurs le choral médian vous rappellera « roi couvert de blessures » !.. mais tout de même, nous sommes encore dans le temps de Noël…

Oui, nous sommes ainsi faits que nous avons toujours envie ou besoin de savoir où nous en sommes, de bien distinguer, de séparer, de simplifier : un temps pour se réjouir puis un temps pour pleurer ; ça, c’est le jour et ça c’est la nuit ; ça, c’est bon et ça c’est mauvais… Mais la réalité n’est justement pas si simple, et bien souvent tout est mêlé, tout s’entremêle. La vie est faite en même temps de joie et de peine, de vie et de mort, de lumière et d’ombre en même temps. Les récits bibliques nous le rappellent constamment et nous poussent, nous obligent même à la lucidité !…

Vous avez entendu le récit du voyage des mages, ces surprenants astrologues orientaux lisant dans les étoiles, ayant aperçu un astre nouveau annonçant sûrement un événement extraordinaire, la naissance d’un roi, un astre tellement hors de l’ordinaire qu’il se déplace et les guide… « où est-il le nouveau-né roi des Juifs que nous lui rendions nos hommages ? » … Enquête rapide auprès des interprètes des Ecritures : à Beth-léhem, la cité du roi David… Hérode est en souci et attend plus de précisions de la part des mages pour pouvoir l’adorer à sa manière…

Les mages poursuivent leur route, toujours guidés, s’arrêtent là où s’arrête l’étoile, trouvent un bébé et ouvrent leur coffret : 3 cadeaux, 3 symboles : triple destinée : l’or pour le roi, l’encens pour le divin, la myrrhe pour annoncer déjà la sépulture. Tout d’une fois, tout en un, tout mêlé ! la vie, la mort ; la gloire, la déchéance ; le divin, l’humain ; la force dans la faiblesse, la mort dans la vie même et l’inverse aussi… « Nul ne peut prétendre atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit », écrivait Khalil Gibran, 1900 ans après les mages !

Vois, Seigneur, combien ma vie même est entremêlée de tout cela ; vois combien ma confiance se heurte à mes angoisses, mes certitudes à mes incertitudes. L’air de basse va chanter : « ne crains pas, je suis avec toi ; ne fléchis pas, je suis ton Dieu »… et le ténor répliquera : « tu parles ainsi, sans doute, pour m’apaiser, mais chaque jour devient plus difficile, plus périlleux… sauve-moi ! »

« Rentrez par un autre chemin ! » dira l’ange aux mages. « Sauve l’enfant ! » entendra Joseph et il fuira en Egypte pour éviter la fureur meurtrière d’Hérode…

A-t-il emporté les cadeaux-symboles des mages ? vous savez : l’or, cela peut rendre service à l’étranger ; l’encens pour rendre son culte à Dieu et la myrrhe pour on ne sait jamais… Vous le comprenez, ces choses ont été donnée pour aider à lire la vie, à affronter la trajectoire initiée. Rien de plus, rien de moins. Le nouveau-né est déjà ballotté au gré des événements avant d’être assez grand pour les gérer lui-même, toujours guidé. Le bois de la crèche sent déjà la croix…

Et c’est ce que Bach a bien compris en choisissant ce livret pour une cantate précédant l’Epiphanie ! il a senti que la venue du Messie ne se faisait pas en dehors de l’humanité, quelque part dans un ciel compris comme un ailleurs, mais bien ici-bas, lumière dans l’obscurité, et que Dieu, en empruntant le chemin de la plus grande proximité avec nous, en devenant l’un de nous, n’escamoterait pas les épreuves, les détresses et la mort, mais les vivrait comme nous sommes invités à les vivre, non pas à les subir, mais à les vivre en assumant pour que nous puissions les assumer nous aussi, sans perdre la confiance et devenir des signes de lumière dans l’obscurité.

A l’instar de ce midrash juif qui voyait un rabbin questionner ses disciples : à quel moment peut-on dire que ce n’est plus la nuit et que le jour a commencé ? – quand on peut distinguer un chien d’un loup ? suggéra l’un… – quand on peut distinguer chaque arbre à la lisisère de la forêt ? dit un autre… – quand je peux voir trois pas devant moi ? Non, dit le rabbin, c’est lorsque dans chaque femme et chaque homme que tu rencontres, tu peux voir en lui une sœur ou un frère. Dès ce moment-là, tu as quitté la nuit et tu es dans le jour.

Devenir des étincelles dans la nuit, des parcelles d’étoiles, des signes du ciel présent sur la terre, rien moins que des ressuscités, quoi !

Texte méditatif final

Habiter la vie, habiter ma vie,
devenir crèche, accueillir Dieu,
prendre conscience pas à pas, peu à peu,
qu’il ne m’est pas étranger,
que je peux devenir son lieu.

Prendre le temps, l’apprivoiser,
ne pas en perdre bêtement,
mais le trouver en le donnant.
Il en va de Dieu comme du temps…

Perdre le goût des couleurs sucrées,
heurter le cadre des apparences,
retrouver les saveurs corsées
devenir partenaire de la danse…

devenir crèche, porter la croix,
non pas y mourir dessus –
ne pas remplacer Jésus
mais marcher en sa compagnie
jusqu’au dernier jour de la vie
et entendre encore sa promesse :
ne crains pas, je suis là, je suis la Vie…

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