Evangile  de Jean 10, 7-15

« Oui, je vous le dis, c’est la vérité, dit Jésus : la porte pour les brebis, c’est moi. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits. Mais les brebis ne les ont pas écoutés.
La porte, c’est moi. Celui qui entre en passant par moi sera sauvé. Il pourra entrer et sortir et il trouvera de la nourriture.
Le voleur ne vient que pour voler, tuer et détruire. Moi, je suis venu pour que les gens aient la vie, et pour que cette vie soit abondante. « Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Celui qui n’est pas le berger travaille seulement pour de l’argent, les brebis ne lui appartiennent pas. Alors quand il voit le loup arriver, il abandonne les mou-tons et il part en courant. Le loup emporte des brebis et il fait partir le troupeau de tous les côtés.
L’homme qui ne travaille que pour de l’argent ne s’occupe pas bien des brebis.
Le bon berger, c’est moi. Le Père me connaît, et je connais le Père. De la même façon, je connais mes brebis, et mes  brebis me connaissent. Je donne ma vie pour eux.

Texte méditatif I

Notre Père qui es aux cieux
Si tu étais un peu
Notre mère
Sur la terre

Peu nous importerait d’attendre
Que ton règne vienne
Une mère ne règne pas
Il lui suffit d’être là
Chaque jour et chaque heure

Notre Père qui es au cieux
Si tu étais un peu
Notre mère
Sur la terre

Ta voix serait plus douce
Tes yeux seraient plus tendres
Et tu saurais bien mieux t’y prendre
Pour que ta volonté soit faite.



Notre Père qui es au cieux
Si tu étais un peu
Notre mère
Sur la terre

Peu nous importerait
Que ton nom soit sanctifié
Par des lèvres machinales,
Mais nous n’accepterions jamais
Que soit défiguré, abîmé, profané,
Ton visage éternel de tendresse

Notre Père qui es aux cieux
Si tu étais un peu
Notre mère
Sur la terre

Jamais nous ne demanderions
De pardonner nos péchés
Car nous saurions depuis longtemps
Que tu nous connais bien
Tes souvenirs de nous ne sont que les plus beaux
Toi dont la tendresse nous a si souvent relevés
Toi dont les caresses nous ont si souvent consolés.

Notre Père qui es aux cieux
Si tu étais un peu
Notre mère
Sur la terre.

Méditation


•    La musique d’une cantate antérieure.

Comme il l’a fait à de nombreuses reprises – et quand on connaît un peu son agenda à Leipzig, on comprend pourquoi – Bach réutilise, pour la cantate de ce soir, la musique d’une cantate antérieure.
Une cantate qui remonte probablement aux années de Coethen.
Une cantate dont à vrai dire, on ne sait pas grand-chose.
On a pensé que c’était peut-être une cantate de mariage
Et que ce mariage était peut-être celui du prince Leopold, le 11 décembre 1721.
Mais  à entendre le rythme très dansant de certaines pages, on a  aussi pensé que c’était un morceau de réjouissance pour le Nouvel An
Le 1er janvier 1723.
Et au fond qu’importe.
Ce qui nous intéresse, c’est qu’avec de la musique « recyclée »
Bach écrit une cantate toute neuve
Et qui avait tout son sens au moment où il l’a proposée.

•    Une image qui a fait son temps

Quand nous écoutons le texte biblique qui a inspiré le texte de cette cantate
Nous avons aussi l’impression d’écouter des images recyclées.

Très honnêtement ces images de berger
Ça ne nous parle plus tellement
D’abord parce que les bergers, on n’en voit plus
Sauf dans les photos de Marcel Imsand
Ou dans certaines émissions de la télévision sur la nature
Et qu’ensuite, ces images sont tout de même bien désuètes.

Elles nous font penser aux « bergers » des peintures de
Nicolas Poussin,
François Boucher
ou Eugène Delacroix
Et puis surtout à toutes ces images d’école du dimanche
Qu’on nous a montrées semaine après semaine
Et qui, qu’on le veuille ou non, on construit notre imaginaire.
Les bergers de nos images avaient toujours une flûte à bec
De grands habits à plis – mais  toujours très propres
Ils ne travaillaient jamais
Et étaient toujours à moitié couchés dans l’herbe …
Et tout cela fait que lorsque Jésus se présente comme berger
Ça nous laisse un peu songeurs.

•    De véritables bergers

Mais en y réfléchissant le problème
Ce n’est peut-être pas de présenter Jésus comme un berger,
Le vrai problème, c’est
Le romantisme de nos représentations.

Les bergers, à l’époque de Jésus, ne sont pas là pour le décor
Mais pour faire leur métier.
Ils ne sont pas le romantisme mais la réalité
Ils ne sentent pas toujours bon
Ils ne sont pas toujours propres

Ils ne ressemblent pas davantage à des adolescents joueurs de flûte
Qu’à des grands pères barbus
Sous un chapeau breton !

Ce sont de rudes gaillards
Qui vivent à la dure
Dehors par tous les temps
Rongés par le soleil,
Rabotés par le froid.
Des gaillards qui savent reconnaître
La bonne constitution d’une brebis
Et qui peuvent aussi bien lire les étoiles
Que déterminer  l’heure qu’il est
Sans jamais avoir eu
Ni montre, ni horloge.

Et des gars prêts à cogner au besoin.
Rappelez-vous David
Lorsqu’il veut aller combattre Goliath
Et que Saül veut l’en dissuader, convaincu que David est trop jeune :
« Ton serviteur était berger chez son père, dit David.
S’il venait un lion ou un ours,
Pour enlever une brebis du troupeau,
Je partais à sa poursuite, je le frappais
Et j’arrachais la brebis de sa gueule.
Et s’il m’attaquait,
Je le saisissais par les poils
Et je le frappais à mort ».

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est loin des adolescents joueurs de flûte !
Et quand Jésus dit « Je suis le bon berger »,
Il ne dit pas « Ne vous approchez pas trop de moi les brebis,
Je ne voudrais pas salir ma robe ! »
Il dit : « Je suis là pour vous défendre ».
Et je me battrai pour vous au besoin.

Alors là, évidemment,
Ça donne une toute autre image de Jésus.

Celui qui dit  « Si quelqu’un te frappe sur une joue, Tends-lui aussi l’autre joue » (Luc 6, 39)
Ne le dit pas parce qu’il ne peut pas faire autrement
Parce que c’est une mauviette
Il le dit parce que c’est un choix.

Et le Jésus qui marche paisiblement sur les bords du lac de Tibériade
Ou qui repose à la proue de la barque de ses disciples
Est le même que celui qui saisit un fouet
Et se met à chasser les vendeurs du temple
À renverser les tables des changeurs de monnaie
Et les cages des marchands de colombes !

Je suis le bon berger,
C’est moi qui vous défends.

•    Encore faut-il avoir envie d’être brebis

Encore faut-il avoir envie d’être brebis.
Evidemment.
Nous qui sommes post-modernes
Nous qui avons lu, qui avons réfléchi
Nous qui avons été invités à choisir
Un positionnement – ou une posture comme on dit aujourd’hui – personnelle
Nous qui sommes protestants…
Etre brebis,
Faire partie d’un troupeau,
Ça ne nous va pas.
Et nous rappelons avec plaisir
Et un peu de fierté parfois
Qu’un troupeau de protestants, c’est un oxymore !
Et s’il fallait absolument nous inscrire dans un troupeau
Alors ce serait un troupeau de chats.
Dans lequel chacun fait comme il veut.

•    Mais sommes-nous si sûrs de n’avoir aucun esprit grégaire
•    Sommes-nous si certains de je jamais suivre
De ne jamais faire comme tout le monde.
•    Sommes-nous si convaincus de résister à toutes les modes
À toutes les pensées dominantes
•    Sommes-nous persuadés
D’être absolument honnêtes quand nous disons
« Je ne fais partie d’aucun troupeau » ?


Dire «  je ne fais partie d’aucun troupeau »
C’est un peu au fond comme dire « je ne fais pas de politique »
C’est marcher avec le troupeau ambiant
En oubliant qu’on est dedans !

« Il n’y a que le poisson mort qui nage dans le sens du courant »
Dit un proverbe chinois.

Noël apporte une lumière nouvelle
Pour nous aider à voir un peu plus clair
Dans nos vies
À jeter un regard neuf
Sur nos appartenances
Sur nos bergers
Et à nous demander si celui que nous suivons
Est bien celui que nous voulons.
Ou si Noël nous invite à en attendre un autre …

Amen.

Texte méditatif II

Toute ma vie, j’ai prié Dieu
Comme on s’adresse aux capitaines
Toute ma vie, j’ai prié Dieu
Avec le seul droit de me taire
Un Dieu sévère, bien trop curieux.
Mais voici que nous naît un Dieu
Dont le regard est un enfant.

Toute ma vie j’ai prié Dieu
Agenouillé devant les prêtres
Qui me demandaient d’être pieux
D’obéir et d’aimer les maîtres
Et quand les temps nous sont venus
Je n’ai trouvé qu’un enfant, nu.

Toute ma vie, j’ai prié Dieu
Distributeur de la fortune
Banquier de la terre et des cieux
Entrepreneur d’astres et de lune
Petit comptable, avaricieux
De mes péchés et de mes manques.
Et quand les temps nous sont venus
Je n’ai trouvé qu’un enfant nu.

A Noël, Dieu n’entre pas dans le monde
Par la grille du palais
Par l’escalier d’honneur,
Le tapis rouge,
Ou le portail des cathédrales !
Non.    
A Noël, Dieu entre par la porte de service
Celle des garçons livreurs
Ou celle des éboueurs

Face à César qui se prend pour Dieu
Dieu, lui se fait enfant.
César ordonne de recenser la terre
De numéroter chaque homme
De les compter comme des objets

Dieu n’envoie ni la police
Ni l’armée
Ni les inspecteurs
Ni les contrôleurs
Dieu n’a pas besoin de faire des comptes
Il ne tient pas de registres
Il n’immatricule pas
Il ne range pas par ordre alphabétique
Il n’attribue pas de numéro

Dieu ne compte pas les hommes
Il compte sur eux.

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