Texte méditatif

Vous autres, dit Dieu,
J’ai bien vu que vous vous prépariez
A entrer dans vos fêtes de Pâques.
J’vu, en passant, que le mot « pâques »
Veut justement dire « ouvrir des passages ».
J’ai vu que les vitrines de vos pâtisseries
Étaient déjà pleines d’œufs de Pâques.
Et je sais qu’à Pâques, dans vos églises
Vous mettez les petits plats dans les grands.
Mais moi, dit Dieu, je ne suis pas tellement ébloui  par les grandes liturgies.
Vous savez : mon royaume n’a jamais eu l’air de rien.
Il ne fait jamais de bruit.
Mon royaume,
C’est le cœur des hommes et des femmes
Et le cœur des enfants surtout.
C’est pourquoi je me demande si parfois
Vous ne faites pas un peu trop de bruit avec vos Pâques
Et si tout ce qui se passe à l’intérieur
Est aussi important que ce qui se passe à l’extérieur.
Je ne sais pas ce que vous en pensez
Il faudrait pouvoir y réfléchir en silence.
Mais aujourd’hui, c’est tellement rare le silence.
Je ne sais pas pourquoi :
On s’est mis à confondre le silence et l’ennui.
Ça n’a rien à voir.

Pour moi, Pâques, c’est ouvrir.
Ouvrir les tombeaux.
Ouvrir les portes de la vie
Et vous ? qu’est-ce que vous allez ouvrir à Pâques ?

Lecture
Jean 20 , 1-8

1Le dimanche matin, très tôt, Marie de Magdala part vers la tombe. Il fait encore nuit. Il y avait une grosse pierre à l’entrée et Marie voit qu’on l’a enlevée. 2Alors elle part en courant, elle va trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait. Elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de la tombe, et nous ne savons pas où on l’a mis ! »

3Pierre et l’autre disciple partent, ils vont vers la tombe. 4Ils courent tous les deux ensemble, mais l’autre disciple court plus vite que Pierre et il arrive le premier à la tombe. 5Il se penche et il voit les bandes de tissu posées par terre, mais il n’entre pas. 6Simon-Pierre arrive après lui. Il entre dans la tombe, il regarde les bandes de tissu posées par terre. 7Il regarde aussi le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus. Ce linge n’est pas posé avec les bandes de tissu, il est enroulé à part, à un autre endroit. 8Alors l’autre disciple, celui qui est arrivé le premier à la tombe, entre, lui aussi. Il voit et il croit.

Temps de parole

En relisant le texte sur lequel Bach a composé cette cantate,  on est sans doute un peu  intrigué de lire des phrases dans lesquelles la résurrection ne fait aucun doute.

« Sacrifié pour nos péchés, Christ nous a apporté la vie, voilà pourquoi nous devons nous réjouir et chanter Alléluia ». C’est aussi simple que ça.

Mais nous ne sommes plus à l’époque de Bach
et aujourd’hui, la « résurrection »,
ça ne passe plus comme une lettre à la poste.

Ça interroge,
ça agace,
ou ça laisse totalement indifférent.

Et les prédicateurs ont beau répéter que la foi au Christ, c’est la foi en la résurrection ou que la foi en la résurrection, c’est la foi au Christ : ça ne change rien. Pour la plupart de nos contemporains,

c’est  de l’histoire ancienne,
de la mythologie désuète
des scories d’une période où la superstition faisait office d’encyclopédie.

Mais est-ce qu’il n’y a pas surtout, autour de la résurrection, un déficit de communication ? Et d’abord, quand on parle de « résurrection », on parle de quoi ?

Dans l’Evangile de Jean que nous venons de relire – comme dans tous les Evangiles d’ailleurs –  on découvre que la résurrection c’est

  • surprenant,
  • indescriptible
  • ET difficile à communiquer.

Surprenant

En ce premier jour après le sabbat, Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques et Salomé vont au cimetière,  et le moins qu’on puisse dire est qu’elle sont « surprises » par cet évènement qu’on va appeler la résurrection.

Pour elles, Tout s’est écroulé sur la croix. Leurs rêves sont brisés, leur espérance détruite, leur bonheur anéanti. Jésus est mort ! la question est réglée. La page est en train de se tourner.

Elles doivent vivre avec ce vide. Avec cette douleur. C’était bien pire que le Vénézuela d’après Chavez. 

Et tout à coup… Renversement.

Evènement inattendu. Mais pas immédiatement compréhensible.  

Lorsque Marie voit la pierre roulée, elle soupçonne quelque chose : on a peut-être volé le corps de Jésus… ou en tout cas on l’a déplacé.  Mais ce « vol » ou ce « déplacement » ne fait pas sens pour elle.

Elle court à la maison et dit à Pierre : « on a enlevé le Seigneur de la tombe et je ne sais pas où on l’a mis ». Les deux disciples se précipitent à la tombe. Avec deux caractères différents, deux manière de courir aussi.  « L’autre disciple », comme dit Jean court plus vite. Il arrive le premier à la tombe. Mais il n’ose pas entrer. Pierre arrive, il ne fait pas tant de chichis… il entre. L’autre entre aussi et, nous dit Jean « il voit et il croit ».

Mais qu’est-ce qui s’est passé ???

Un événement indescriptible

Dans les Evangiles, la résurrection n’est pas décrite. Je veux dire : la réalité concrète de la résurrection. Elle échappe à toute représentation.

Bien sûr, il y a le fameux « A toi la Gloire ».

Brillant de lumière, l’ange est descendu
Il roule la pierre du tombeau vaincu
Vois-le paraître : C’est lui, c’est Jésus
Ton Sauveur, ton maître
Ô ne doute plus

Mais dans les Evangiles, pas d’ange qui descend, brillant de lumière, pour rouler la pierre du tombeau vaincu. Ni de Jésus qui paraît dans la gloire pour chasser le doute. Les Evangiles ne parlent que de bandelettes, de linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus et de pierre roulée. Rien d’autre. Pas très spectaculaire tout ça !

Ça, c’est bien dommage, parce que nous, nous aimons les images. Depuis le fameux slogan de Paris Match en 1949 : « Le poids mots, le choc des photos », nous, nous sommes comme ça. Nous comprenons mieux avec des photos.

Eh bien pour la résurrection, désolé, ça ne marche pas comme ça. Pas tellement parce que la photo n’a été inventée qu’en 1839, mais parce que la foi en la résurrection n’est pas l’adhésion à un miracle biologique, mais la mise en route derrière ce Dieu qui a pris parti pour le celui que les hommes ont tué.

Un événement difficile à communiquer

Quand on mesure à quel point on sait peu de choses de la résurrection … on comprend mieux peut-être le pourquoi du déficit de communication et le pourquoi du peu d’intérêt de nos contemporains.

Et c’est vrai qu’on a de la peine à être convaincu par la foi de l’autre disciple. « Il voit et il croit ». Facile. 

Il « lit » le tombeau vide comme un signe évident de résurrection …

tant mieux pour lui.

Mais nous avons appris depuis belle lurette qu’il n’y a rien de plus difficile et de plus délicat à lire que le  « non-dit », le « non-montré ».

Absolument. C’est délicat.

C’est délicat de déchiffrer ce qui semble totalement énigmatique. Et pourtant, c’est exactement ce font les musiciens. Tous les jours.

Si je vous montre ceci (montrer une page de partition) et que je vous dis : « Comment trouvez-vous cette œuvre d’art ? c’est beau, non ? ».

Les musiciens qui sont parmi vous répondront « c’est magnifique » et les autres … « C’est joli … mais je ne mettrai pas ça dans mon salon ». A moins qu’on m’assure que c’est un original de Bach ou de Beethoven, bien sûr.

D’où vient la différence ? Elle vient du fait que les musiciens savent lire ce que représente ces petites taches noires, ces lignes, ces chiffres, ces jambages… ces clés … Ils entendent la musique qui est derrière, alors que pour les autres, c’est du charabias.

Et grâce à vous, Mesdames et Messieurs les chanteurs et les musiciens, cette feuille de papier est plus qu’une feuille de papier… Ces ronds noirs sont plus que des ronds noirs. Ces chiffres sont plus que des chiffres. Ils sont le début de la cantate numéro 4.

Qu’est-ce que ça veut dire, tout ça ?

Ça veut dire que pour continuer à écouter la musique de BACH,

Il faut des musiciens. Des femmes et des hommes qui traduisent ce qui nous apparait comme des signes peu compréhensibles, En musique.

Et que pour que la résurrection du Christ reste un évènement vivant parmi les hommes. Il faut qu’il y ait dans le monde des musiciens de l’âme.

Des hommes et des femmes qui lisent ce qu’il y a derrière un tombeau vide ou des bandelettes abandonnées dans un coin.

Il n’est pas nécessaire que tout citoyens

Passent par la HEMU  pour que la musique reste vivante.

Mais il faut que les musiciens partagent.

Il faut qu’ils donnent des concerts

Il faut qu’ils enregistrent des disques

Et vous le faites !

Il n’est peut-être pas nécessaire que tout le monde soit chrétien pour que la résurrection demeure une réalité vivante,

Mais il faut que ceux qui sont chrétiens

Donnent à entendre la musique de la résurrection. 

Amen.

Texte méditatif

L’habitude veut que les morts restent dans les tombeaux.
Les tombeaux doivent garder les morts
Comme les coffres forts doivent garder l’argent.
Comme les boites en fer blanc doivent garder les petits pois
Comme la mémoire doit garder les souvenirs.
Un tombeau, c’est une prison.

Le tombeau vide donne le vertige.
Combien de nos schémas doctrinaux
Ne sont finalement que des tombeaux
Devant lesquels nous sommes prêts à crier « au voleur ! »
Parce que le Jésus que nous avions déposé là
A osé s’enfuir ?

Combien d’actes de foi / Préfèrent un « Jésus-formule » Un « Jésus-définition »
Un « Jésus-cadavre »  / Pourvu qu’il soit là,
A un Jésus vivant
Mais qui est toujours ailleurs ?

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